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Une journée dans le cirque de la Kings League, le tournoi de Piqué pour rendre le foot magique

Par Servan Le Janne, à Barcelone
Une journée dans le cirque de la Kings League, le tournoi de Piqué pour rendre le foot magique

Accompagné d’une troupe de streamers hispanophones, Gerard Piqué a imaginé une nouvelle compétition censée révolutionner le football. La Kings League jongle avec les règles du sport roi pour séduire un public plus jeune. Reportage.

Au sud de Barcelone, entre les collines de Montjuic et l’aéroport, un joker en crampons pénètre dans un entrepôt du port industriel. Une musique de cirque l’accompagne. Quelques couloirs plus loin, sa silhouette argentée rejoint une pelouse balayée par les projecteurs et les caméras. Flanqué de deux acrobates, l’homme s’arrête dans une flaque de lumière qui baigne le rond central. Il retire alors son masque, et la centaine de spectateurs de la Cupra Arena découvre le visage de Sergio Agüero.

C’était la grande surprise de la troisième journée de la Kings League, le tournoi de football à sept imaginé par Gerard Piqué avec la complicité du streamer espagnol Ibai Llanos. Après avoir fêté la victoire de l’Argentine sans filtre, le Kun a lâché les cigares pour rechausser les moulés, dimanche 15 janvier. Entre Twitch, YouTube et TikTok, son retour sur le terrain a été vu par 1,37 million de spectateurs, ravis de cette réponse au président de la Liga, Javier Tebas, qui avait osé comparer la compétition à « un cirque ». Dont acte, l’ancien avant-centre de Manchester City a revêtu le costume.

Nous avons le joueur avec les pires statistiques de la draft, et il a mis un triplé lors de la première journée.

« Révolutionner le sport traditionnel »

Mis à la retraite en 2021 par les médecins, Agüero a depuis un moment troqué le maillot Climacool pour les habits d’influenceur. En tant qu’ancien pro du ballon devenu pro des réseaux sociaux, il avait le profil parfait pour la Kings League. Depuis le 1er janvier, cette compétition met aux prises douze équipes dirigées par des stars hispanophones du streaming. Agüero est par exemple le président de Kunisport, mais, à l’occasion de la troisième journée, il a enfilé son maillot rose et noir pour les besoins du show. Car la Kings League, c’est un peu le coup d’éclat permanent. « Il y aura des nouveautés à chaque journée », promet le directeur de la compétition, Oriol Querol. Pour séduire ces jeunes qui « ne regardent plus un match complet et[qui]vont davantage sur les réseaux, des canaux alternatifs ou multi-écrans », Gerard Piqué a demandé à cet ancien journaliste de l’aider à « révolutionner le sport traditionnel ». Ensemble, les deux hommes ont cherché à réduire les temps morts, à multiplier les effets de manche et à rapprocher les spectateurs de l’intimité des acteurs du football à l’aide d’une foule de micros et de caméras. « Nous avons emprunté des éléments spectaculaires à d’autres sports », indique Oriol Querol. Le coup d’envoi est inspiré du water-polo, et les penaltys rappellent les shoot-out de la NASL, l’ancêtre de la MLS. Si les deux périodes de 20 minutes n’ont pas accouché d’un vainqueur, elles sont suivies d’une séance de tirs au but.

Tout ce barnum a surtout commencé par une draft, sur le modèle de ces bourses aux joueurs organisées dans l’élite du football et du basket américains. Après avoir choisi douze streamers pour présider les équipes, Piqué et ses hommes ont demandé à tous ceux qui voulaient participer d’envoyer leurs candidatures. Plus de 12 000 CV ont été reçus. « On devait faire une vidéo de 30 secondes pour expliquer dans quelles équipes on avait joué », retrace Jadir Cirera, défenseur des Aniquiladores FC. Parce qu’il a foulé les pelouses de la troisième division espagnole, ce Catalan a été retenu parmi les 172 joueurs de la draft. Des tests ont été organisés, et un staff technique a ainsi pu dresser sa fiche technique, semblable aux cartes Fut de FIFA. « Ces statistiques ne sont pas très fidèles au niveau des joueurs », constate Juan Arroita, journaliste et créateur de contenus sur les réseaux. Avec son président, le streamer Adri Contreras, l’entraîneur d’El Barrio a préféré décrocher son téléphone pour se renseigner sur les éléments de la draft. Ce n’est qu’au prix d’une longue investigation qu’il a pu repérer les meilleurs. « Nous avons le joueur avec les pires statistiques de la draft, et il a mis un triplé lors de la première journée », abonde Victor Alfaya Garcia, qui défend les couleurs du club leader, le Saiyans FC.

Guest stars, pioche et twist scénaristique

Comme dans une cour de récré, les dirigeants ont fait leur choix à tour de rôle afin de rassembler dix joueurs dans leurs effectifs. La plupart de ces footballeurs ont fait leurs classes dans de bonnes équipes catalanes, à trois ou quatre échelons de l’élite espagnole. « Il y a un niveau moyen-haut, tout le monde est habitué à la compétition », évalue Julio García Mera, entraîneur de l’équipe 1K et ancien champion de monde de futsal. Pour 11 matchs, ces quidams sont payés entre 700 et 1000 euros par la Kings League. Les présidents et entraîneurs peuvent ajouter un onzième et un douzième joueur reconnus à chaque match afin de créer l’événement. Mais ils devront les rétribuer d’eux-mêmes, grâce aux sponsors qu’ils auront su attirer. Chicharito, Javier Saviola, Raúl Tamudo, Joan Capdevila ou encore Ibai Gómez sont ainsi venus faire un tour de piste. Le président de 1K, Iker Casillas, a de son côté fait appel à son ancien coéquipier du Real Madrid Alberto Bueno, auteur d’un triplé lors de la troisième journée de la Kings League.

Il faut qu’il se passe quelque chose. Dans un bon film, les renversements de situation arrivent quand on s’y attend le moins.

« C’est un format plus frais et plus rapide que le football à onze, vante l’attaquant de 34 ans, qui n’a pas encore complètement fermé la porte au monde professionnel. C’est d’autant plus vivant qu’un entraîneur peut utiliser une carte à tout moment, le résultat change continuellement et le spectateur est toujours sous tension. » L’ancien buteur du Rayo Vallecano et du FC Porto fait référence aux « armes secrètes », ces bonus qui permettent de renverser la vapeur. Avant un match, les deux tacticiens sur les bancs sont invités à piocher une carte. Elle peut leur donner le droit à un penalty, d’exclure temporairement un joueur rival ou encore de bénéficier de buts qui comptent double l’espace de deux minutes. Au fil des semaines, les organisateurs laissent aussi libre cours à leurs fantaisies pour inventer de nouvelles règles. « C’est un show, observe Julio García Mera. Il faut qu’il se passe quelque chose. Dans un bon film, les renversements de situation arrivent quand on s’y attend le moins. »

Écrans et fumée

Selon les chiffres de TVTOP España, la première journée a rassemblé une moyenne de 313 600 spectateurs en simultané, la deuxième 558 200 et la troisième 654 000. L’entreprise spécialisée dans les statistiques sur les réseaux ne précise pas l’âge moyen de cette audience, mais on peut supposer qu’il est assez jeune. « Ma fille s’est mise au foot avec la Kings League, fait remarquer Julio García Mera. Et les copains de mon fils de 17 ans ont commencé à venir me saluer. » Dans la petite tribune de la Cupra Arena, une gamine préférait d’ailleurs suivre le match sur sa tablette que d’observer les 14 acteurs qui disputaient le ballon devant elle. Autour d’elle, personne n’avait payé sa place. L’enceinte étant trop petite pour ouvrir une billetterie, les dizaines de jeunes barcelonais qui voulaient voir la Kings League de leurs propres yeux sont restés derrière les barricades de la police portuaire, à l’entrée de cette zone très protégée. « C’est dommage que la tribune soit si petite, je suis sûr qu’on pourrait réunir pas loin de 10 000 personnes », songe Juan Arroita.

Tout ce qu’on peut faire pour que ce soit plus divertissant, nous le ferons.

Lorsqu’ils cherchaient un terrain, les organisateurs de la Kings League ont plus pensé aux caméras qu’aux spectateurs. « Comme on ne vend pas de tickets et qu’on n’a pas de droits télévisés, nos uniques recettes viennent de la publicité », explique Oriol Querol. Seule aux commandes, l’entreprise de Gerard Piqué, Kosmos, refuse pour le moment de donner le montant de son investissement, mais l’ancien défenseur du Barça n’a pas fini de sortir le chéquier. Encouragé par les bons chiffres de la Kings League, Kosmos lancera son équivalent féminin, la Queens League, le 6 mai prochain. Pour Jadir Cirera, c’est là la preuve que la compétition « est là pour durer ». Juan Arroita se met même à rêver à une Ligue des champions sur ce format. Mais le chemin est encore long. Pour l’heure, Oriol Querol cherche surtout des moyens d’améliorer le spectacle. « Tout ce qu’on peut faire pour que ce soit plus divertissant, nous le ferons », promet-il. Un tournoi à la recherche du coup d’éclat permanent – les réponses de Gerard à Shakira avec sa Casio et sa Twingo entrent également dans ce petit jeu – peut-il tenir la distance ? Le futur a encore plus d’une carte dans son jeu. Et ça ne pourra pas être un joker à chaque fois.

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