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Stéphane Dumont : « On est en contact régulier avec le City Group »
Quatre points après neuf journées : tel était le bilan désastreux de l’ESTAC jusqu’à novembre en Ligue 2. Petit à petit, le club champenois a fini par remonter à la surface, patiemment, mais surtout collectivement. Stéphane Dumont, son entraîneur, décortique les étapes alors que Troyes pourrait s’offrir un quart de finale de Coupe de France ce mardi soir.

Stéphane, à quel point la nette victoire troyenne sur Caen samedi dernier (3-0) est une grande bouffée d’air frais ?
Je ne sais pas si c’est un soulagement. Sincèrement, je trouve que c’est la continuité de ce qu’on fait depuis un petit moment. On a eu une période un peu plus difficile en matière de résultat la semaine précédente (deux défaites 0-1 en quatre jours face à Annecy et Laval, NDLR). Cela est certainement dû à un enchaînement de matchs tous les trois jours, quelque chose qu’on avait du mal à maîtriser. Et, surtout, on a dû s’employer psychologiquement et physiquement pour sortir Rennes (16e de finale de Coupe de France, 1-0, NDLR). Avec les blessures du moment, cela a laissé un peu de traces. On a été un peu moins tranchant et fringant face à Annecy et Laval. Même si, contre Annecy, on est tombés face à un gardien (Florian Escales) en état de grâce ce jour-là. Mais la victoire de Caen fait du bien, ça permet de ne pas douter et de continuer à avancer.
Quel mot choisis-tu pour qualifier, jusqu’ici, ta saison avec l’ESTAC ?
(Il réfléchit.) En un mot, c’est difficile, mais je dirais étape par étape.
Progressif ?
Oui. C’est parti du bas, du bas, du bas. Du fond, même. Pour, étape par étape, être capable de construire et d’avancer.
Tu as été nommé le 12 août, à quatre jours du premier match de la saison. Pas banal, comme situation…
Non, c’est assez particulier, que ce soit pour le club ou pour moi. Il y a eu une intersaison assez complexe, une préparation tronquée, des recrues forcément très tardives…
Je sortais de trois belles saisons à Guingamp, j’étais parti pour être à la maison et déterminer un process de régénération et d’observation pour pouvoir repartir au bon moment.
Tu t’es jeté dedans sans réfléchir ?
J’ai réfléchi, mais pas longtemps. Ce qui m’animait, c’était d’aller chercher quelque chose qui puisse me construire, me faire avancer. Je sortais de trois belles saisons à Guingamp. J’étais parti pour être à la maison et déterminer un process de régénération et d’observation pour pouvoir repartir au bon moment. Mais j’ai senti qu’il fallait y aller.
On le sait, en avant-saison, beaucoup de choses se passent, à commencer par la cohésion d’une équipe. Comment as-tu procédé pour tenter de rattraper le temps perdu ?
Ça a été dur. En matière de cohésion, il y a beaucoup de joueurs avec qui on a joué au début et qui ne sont plus là. Les premiers matchs, beaucoup de jeunes ont disputé leur premier match en pro. Depuis, on ne les a plus revus… Ça a été de prendre du temps, de savoir que ça n’allait pas être facile de poser des bases sur l’état d’esprit, ce qui a été mon leitmotiv. Et ça l’est toujours. Une mentalité à avoir pour avancer, amener de la confiance à des joueurs que je connaissais de loin et, surtout, leur donner le sentiment d’appartenance. La difficulté, par séquence, c’était de voir de l’individualisme. Et j’ai voulu apporter le sens du collectif, quel que soit ce qu’on faisait au quotidien. Ce process demande du temps. Il faut, pour certains, être en capacité de l’assimiler. Avoir ce souci de l’autre, du collectif et d’appartenance au logo de l’ESTAC.
Tu connaissais par exemple Xavier Chavalerin, que tu as eu à Reims lorsque tu étais adjoint de David Guion : c’est sur ces piliers d’expérience qu’il fallait s’appuyer ?
Oui, Xavier, Adrien (Monfray), Youssouf M’Changama qui était mon capitaine à Guingamp, Renaud Ripart… Des joueurs cadres de cet effectif à mettre dans les meilleures dispositions pour ensuite tirer profit des joueurs plus jeunes, à développer.
Dans quel état as-tu véritablement trouvé ce club à ton arrivée ? Troyes avait terminé la saison 2023-2024 par une descente (repêché après la rétrogradation de Bordeaux) et un peu dans le chaos avec des joueurs qui avaient renvoyé des fumigènes vers leurs propres supporters lors du match fatal qui actait le National…
Un traumatisme, oui. Une sensation de fragilité. Je ne peux pas le nier. Mais je le savais. En arrivant et au fur et à mesure, on découvre des choses. On se rend compte, aussi, qu’il y a des bonnes choses sur lesquelles il faut s’appuyer. Mais ça n’a pas été facile, avec cette impression que tout s’enchaînait, avec la sensation qu’un peu tout se liguait contre nous. Même à travers les bonnes prestations du début de saison, on a toujours été à la merci d’une erreur d’arbitrage, d’un bon match sanctionné par une défaite… Ce qui a entraîné une certaine morosité.
Sept défaites sur les neuf premières journées : à quel point cela a été long ?
C’était long, difficile, mais je sentais qu’il y avait des prémices à quelque chose de positif par la suite, qu’il fallait continuer à avancer en gardant la tête froide. Ce n’était pas facile de croire en ce qu’on faisait, en ce qu’on mettait en place, et même croire en moi. On a fini par prendre conscience qu’on pouvait avancer. Dans le jeu, on était vraiment à la hauteur, et je sentais que les garçons commençaient à se révéler. Et on était soudés. Les joueurs voyaient qu’on mettait en place des choses. Les résultats positifs ont permis de débloquer certaines choses. Aujourd’hui, tout n’est pas parfait, on est encore loin du compte. Mais c’est beaucoup mieux et plaisant. On peut de temps en temps se tromper, mais pas en matière d’état d’esprit. Aujourd’hui, mon équipe le montre.
Sur ce que tu as mis en place à ton arrivée : quelle base allait, selon toi, forcément marcher, mais, aussi, prendre beaucoup de temps ?
L’état d’esprit, la mentalité, le souci d’appartenance au logo et à une équipe. Ça peut paraître une hérésie, mais c’est le souci du collectif, de l’autre. Sortir de l’individualisme. Donner pour recevoir. Et, ça, ça ne se fait pas en une causerie. Quand on a quatre points au bout de neuf matchs, il fallait être capable de s’en relever, de l’identifier, de ne pas sombrer. De ce côté-là, c’est hyper positif. Mais il reste du temps. Et vient alors le temps de la régularité.
Quand vous êtes dans un endroit où il y a eu un trauma, des choses complexes vécues, que vous n’avez pas connu contrairement au club… Pour retourner le tout, ce n’est pas facile.
Puis tout a basculé avec cette sacrée série de 9 victoires en 13 matchs. Par quel déclic ?
Cette série est partie lors des défaites précédentes. Le match d’Annecy (0-1) de la 6e journée est une première étape. Une défaite, mais un match d’une grande qualité de notre part. Ce jour-là, autant sur le contenu et les discours d’après-match de certains joueurs, je sentais qu’on avait créé la bascule. Quatre jours après, on bat Metz (2-1), puis on fait un nouveau match incroyable à Dunkerque où on se demande comment on ne sort pas de là avec la victoire (défaite 1-2 après avoir mené 1-0)… Là, on était partis sur quelque chose d’intéressant. Je sentais qu’on avançait. Mais ce n’était pas forcément factuel.
Est-ce dans ce genre de saisons qu’on se dit que le foot, c’est plus que jamais du psychologique ?
Ici, je le ressens encore plus que les dernières saisons. C’est une donnée hyper importante, d’autant plus quand vous êtes dans un endroit où il y a eu un trauma, des choses complexes vécues, que vous n’avez pas connu contrairement au club, aux joueurs, au public. Donc, pour retourner le tout, ce n’est pas facile.
Aujourd’hui, quel est ton niveau de confiance pour un maintien en fin de saison ?
C’est ma nature : je suis quelqu’un de très serein. J’ai confiance en moi. Je suis aussi très humble. Et c’est aussi pour ça que j’arrive à trouver ce dosage. C’est une nécessité. On est à la bagarre pour ce maintien, et l’équipe montre qu’elle veut continuer à avancer. Ce sont des bons signaux. On n’a pas de marge. Depuis la 10e journée, les résultats sont plutôt de bonne facture. Mais la saison est longue.
Vous êtes 12es, avec deux points de plus que le Red Star, barragiste : quelle place a ce 8e de finale de Coupe de France dans cette mission de rééquilibrage du navire troyen qui doit se solder par un maintien ?
On s’est octroyé le droit de s’offrir ce genre de matchs. Ce qui est certain, c’est que le match de Rennes (15 janvier) nous a fait mal. On a dû s’élever. Mais il a été important d’apprendre. Nos premiers tours, on les a joués un petit peu dans les montagnes (Haute-Savoie, face au Foron et à Cluses, 3-1 et 1-0) sur un synthétique. On a dû s’employer pour pouvoir jouer Metz à domicile (3-0), Rennes et aujourd’hui Brest. On n’a que trois jours entre Caen et ce match, puis trois jours pour préparer Martigues (17e) ensuite… Malgré tout, c’est une parenthèse très agréable. Jouer des équipes capables d’être performantes en championnat et surtout de faire ce parcours en Ligue des champions, c’est toujours sympa pour les joueurs, nous et le public. Il faut que cette parenthèse nous serve, qu’elle nous donne de la confiance, quelle que soit l’issue.
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Qui dit ESTAC dit City Group : aujourd’hui, à quel point sont-ils présents au quotidien ?
C’est une présence de tous les instants. On ne voit pas tout le monde en présentiel, mais il y a toujours un contact régulier. Avec un support agréable pour aller chercher de la compétence. C’est Antoine (Sibierski, directeur sportif) qui a cette connexion en direct et qui filtre tout ça pour me mettre dans les meilleures conditions. Il est ultra important dans sa capacité à m’octroyer les meilleures choses venant de leur part. Il y a beaucoup de ressources en tout cas.
À titre personnel, il y a quelque temps, ton nom avait été pourquoi pas annoncé en Ligue 1. Tu n’avais rien eu après ton départ de Guingamp en mai. Est-ce que ça a pu te faire mal ?
Non, non, bien au contraire. Bien sûr qu’on y aspire tous un jour. Moi le premier. Je ne l’ai jamais caché. Quand j’étais adjoint à Reims, c’était déjà le cas. Même chose quand j’entraînais les U19 de Lille. Ce qui compte pour moi, et un peu à l’image de ce qu’on a construit ici et à Guingamp, c’est de fonctionner étape par étape. Continuer à s’enrichir pour arriver dans les meilleures conditions. J’ai balayé pas mal de rôles et de choses qui me font avancer chaque jour. Ce qui compte, c’est d’aller le chercher. Et de ne pas attendre. Je suis hyper épanoui. Tous les matins, je me lève et j’arrive au club avec une grande énergie. C’est quelque chose qui m’anime.
Tu es passionné de hippisme : as-tu trouvé ton terrain de jeu à Troyes ?
Non, ce n’est pas l’endroit le plus propice pour les hippodromes ou ce genre de choses. Mais je t’avoue ne pas avoir forcément le temps, donc ça m’arrange bien. Je préfère lire beaucoup. Troyes est une ville très sympa, très simple, qui colle un peu à ce que je suis. Je m’y sens bien.
Propos recueillis par Timothé Crépin