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Rennes tient la côte

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Rennes tient la côte

Les tyrans, même éclairés, finissent toujours par mourir un jour. Lyon ne sera pas éternel, Louis XIV a bien fini par trépasser un jour. Forcément, tout le monde guette le dauphin putatif. Les frondeurs marseillais et parisiens décrédibilisés, le prince monégasque endormi, les duettistes nordistes en voie de déchéance, le courtisan toulousain encore tendre, on se dit que Rennes ferait une bonne régente. Sur le papier, le Stade Rennais a tout pour réussir : Pinault pour caution parentale et le meilleur centre de formation français pour espérer. Mieux, cette saison les Bretons ont même la délicatesse de ne pas attendre le printemps pour le justifier.

Adjugé vendu ! Pour les faiseurs de rois du championnat, le Stade Rennais accompagnera Lyon en Ligue des Champions en fin de saison. On serait les Bretons, on s’inquièterait ; il y a un an, les mêmes léchaient du sabot lensois. Pourtant, là on a vraiment envie de porter la parole rouge et noire.

Une équipe qui tend la main à son ancien fils prodigue tombé en discrédit pour une sauterie de trop, une équipe qui donne les clés du camion à un génial adolescent de 33 ans, une équipe qui sert son Pagis à température ambiante : cette équipe-là mérite un certain crédit. Adeptes du negative split ces dernières années (je pars pépère, je reviens comme une balle), les Rennais semblent avoir trouvé la bonne formule d’entrée, si on omet une rature contre Sochaux Route de Lorient. Pour expliquer cette réussite (3èmes à quatre points de Lyon après 12 journées), deux clichés se refilent dans les rédactions à leur sujet.

1) Rennes serait une équipe joueuse.

2) Rennes a réussi son amalgame jeunes/vieux.

Rennes équipe joueuse : la thèse ne tient pas vraiment. Elle ne résiste pas à une conférence de presse en compagnie de l’anesthésiste Dréossi, assurément pas le dernier sur l’explication technico-tactique aride.

Pierre Dréossi n’a rien renié de ses années de collaboration avec Vahid à Lille. Son équipe ne part pas à l’abordage – il ne faudrait pas confondre avec le Werder ou le FC Séville – non le Rennes de Dréossi s’appuie sur une grosse assise défensive, du muscle avec la paire Mbia/Mensah, Fanni et Edman amènent du gaz sans se prendre pour des ailiers, un bloc équipe hermétique qui limite les espaces entre les lignes, en clair on a bien à faire à une équipe française post 98. Rennes joue bien parce qu’à l’organisation s’y adjoint le talent.

Le talent marque des buts, provoque des éclairs, mais il ne justifie à lui seul une éthique d’équipe joueuse. A Rennes, le talent ne se résume pas au trio de trentenaires dernièrement débarqués en Ille-et-Vilaine. Hormis Jérôme Leroy, 33 ans, en forme christique, Pagis et Wiltord commencent tout juste à donner leur plénitude. La blessure pour un mois de Nino (comme on l’appelle par là-bas) tombe assez mal, puisque survenue à un moment où il semble avoir définitivement retrouvé la grosse forme et l’adresse devant les buts. Mais avec Marveaux ou Thomert, on a vu pires comme intérimaires. En plus Moreira squatte toujours l’infirmerie.

Rennes équipe jeune à haute valeur vieille ajoutée, il y a un peu de cette alchimie. On ne construit pas dans la durée uniquement sur sa pépinière, aussi talentueuse soit-elle. Même dans l’Ajax de Van Gaal ou le Nantes de Suaudeau, il y avait du grognard pour colmater (des Danny Blind ou Jean-Michel Ferri) ou la pièce rapportée décisive (Litmanen, N’Doram). Le foot nécessite de la hiérarchie comme le plaide Grégory Schneider accoudé au “Bar des Sports” sur le site de Libé. On ne gagne pas à 30 comme le veut cette impasse intellectuelle de sous-secrétaire d’Etat, on ne sauve pas la face avec des jeunes sous prétexte qu’ils alignent plus de tours de terrain que Pauleta et Armand. Le Rennes de Dréossi est donc une équipe hiérarchisée avec un cadre par ligne : Mensah derrière, Didot au milieu, Leroy un peu partout, Briand devant et Wiltord en consultant de luxe. Le footballeur a besoin de repères, de référents, de types comme Pagis et Wiltord capables de prendre la pression sur eux.

Le club a surtout appris de ses errements passés. Son actionnaire principal le premier. Le père Pinautl est bien revenu de sa période Abramovitch avant l’heure, de ce besoin impulsif de muscler le chéquier pour décréter son SRFC grand club sur la seule foi de la rubrique débit.

200 millions de francs pour Lucas et Turdo à l’été 2000, geste artistique ultime digne de figurer dans son caprice vénitien. L’homme le plus riche de France déféquant sur 200 millions, un sommet du renouveau dada français, l’urinoir de Marcel Duchamp version football. Faut juste saisir l’absurdité du geste ? Turdo/ Lucas, Rennes a traîné cette plaie de nouveau riche dilapidant la fortune paternelle avec la classe d’un prince Saoudien en shopping sur les Champs. Réputation injuste, car le club a depuis appris à recruter malin, toujours à l’affût de nouveaux marchés avec Dréossi comme directeur sportif rabatteur. Cech, la filière suédoise, Frei, Utaka relancé, Melchiot en dégriffe, Dréossi s’est bien rattrapé de son premier recrutement moisi de 2002 (Ivanov, Fleurquin, Loeschbor, soit le tiercé dans l’ordre).

Route de Lorient, on s’imagine un destin lyonnais. Ne riez pas trop vite, avec ses deux coupes de France, Rennes présente le même palmarès que l’OL fin de siècle, celui avec Florent Laville capitaine. A part Nicolas Fauvergue, qui est en mesure de s’y opposer ? Nancy, Bordeaux, Le Mans ? Non vraiment, cette année sent l’émancipation pour les Rennais.

Alexandre Pedro

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