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Aux arts de Benhattab
C’est l’histoire d’un adulte plein de talent, qui a longtemps galéré avant d’arriver dans le Nantes de Luis Castro cet été. Yassine Benhattab aurait pu ne pas être joueur professionnel, il fera les beaux jours de la Beaujoire.

Né le 9 août 1902 à Marseille, Zino Francescatti se disait « attiré par tout ce qui brille ». Il était léger, ensoleillé et pétillant. Né un siècle plus tard, Yassine Benhattab vient aussi de Marseille, n’est pas violoniste, mais parle avec son pied, le gauche, et un surnom. « Zino ». « Zine », c’est « beauté » en arabe. C’est de cette élégance qu’il s’agit quand on observe Yassine Benhattab. Elle a rendu chauve Lucas Hernandez lors de la première journée de Ligue 1 à la Beaujoire. Sur Ligue 1 +, Javier Pastore, plutôt esthète lui aussi, commentait le mètre 70 d’un joueur qu’il ne connaissait pas : « Je suis surpris par Benhattab. À chaque fois qu’il prend la balle, il va vers l’avant. C’est exceptionnel de le voir jouer. »
Son entraîneur Luis Castro, après le PSG, le complimentait aussi : « Benhattab a fait ce qu’on lui a demandé. Il fallait qu’il dribble, qu’il arrive dans les 30 mètres, qu’il centre. Des choses importantes pour nous. » Avec sa dizaine de dribbles tentés en deux petits matchs de Ligue 1, une insouciance et déjà une vidéo sobrement intitulée Neymar’s Legacy, Yassine Benhattab donne envie de dire à la LFP que de parler de « Ligue des talents » est une très bonne idée.
Cap au Niort
Avant de contrôler les gros dégagements d’Anthony Lopes, Yassine Benhattab galère un peu. Beaucoup. Il passe une partie de son enfance à la Bricarde, quartier du 15e arrondissement de Marseille, change de clubs, joue un temps chez les jeunes de l’OM. Ado, il part à Niort. Il y grandit, passe le cap des U17, des U18, des U19, avant une dernière saison avec la réserve et même quelques minutes avec la Ligue 2. Mais le foot professionnel est encore loin. Oumar Tchomogo, ancien formateur à Niort, évoque un jeune « bourré de talent, très respectueux, qui a besoin de se sentir concerné ». Même si Nantes, qui avait battu Niort en Coupe Gambardella, le repère, et qu’il passe un test à Bordeaux, Yassine Benhattab retourne à Marseille. Il a bientôt 20 ans.
Il avait encore besoin de comprendre ce genre de codes du professionnalisme.
« À ce moment-là, il a toujours le même talent, mais il est sans club, de retour chez lui à la Bricarde, remet William Fekraoui, directeur général du SC Aubagne Bel Air. Et Aubagne, c’est l’école de la deuxième chance. Si on ne réussit pas ici, on aura du mal. Alors avec Mohamed Sadani (ancien entraîneur du club), on voulait qu’il réussisse. » Promesse tenue. Malgré des terrains pas toujours propices et un physique plus proche de celui d’un cycliste, Yassine Benhattab et Aubagne montent en National à la fin de la saison 2023-2024. « Techniquement, bien sûr qu’il était au-dessus. Il avait largement le niveau professionnel. Mais il fallait qu’il adopte les codes, l’assiduité, l’écoute. »
Meilleur joueur de National la saison dernière
Nantes le recrute à l’été. Puis il revient, en prêt, à Aubagne. « Il fallait qu’il fasse cette saison dernière en National, reprend William Fekraoui. Le jeu penchait presque à 80% de son côté. Son entraîneur, Maxence Flachez, lui avait laissé beaucoup de liberté dans le jeu, et il a tout compris. » Tout, ou presque ? Titulaire presque toute la saison, il est évincé du groupe professionnel lors de deux rencontres, à cause de retards. « Il avait encore besoin de comprendre ce genre de codes du professionnalisme. On l’a fait pour son bien », remet William Fekraoui. Car oui, le gamin a son caractère. « Il a dû comprendre, c’est quelqu’un avec qui il faut beaucoup discuter et prendre du temps », raconte Oumar Tchomogo, ancien international et sélectionneur du Bénin. Il le jure : « Il n’est encore qu’à 80% de son potentiel. »
Yassine Benhattab termine meilleur joueur du National. Un soir d’avril, Aubagne accueille Châteauroux. Après le 7-2 du match aller, rebelote. Un premier ballon en profondeur lors de l’engagement, une passe décisive, deux lucarnes et un but de renard plus tard, Aubagne l’emporte 6-2.
« Plus il va jouer avec des joueurs forts, plus il va être fort », reprend Oumar Tchomogo, complété par William Fekraoui : « C’est un joueur à part, vraiment. Il a une qualité de dingue, qui a besoin de liberté et de toucher le ballon. Pour cela, il faut qu’il soit dans une équipe qui joue. » Luis Castro et le sempiternel rêve du retour du jeu à la nantaise semblent lui être propices. « Il a un gros avenir, car il découvre tout et n’est pas cramé, poursuit le Sudiste. Il n’a fait qu’une préparation estivale avec une équipe de Ligue 1. Cette saison, même s’il va prendre beaucoup de coups, il peut jouer 30 matchs. Je ne serais pas surpris de le voir vite avec l’Algérie. » Ou avec un violon.
Anthony Lopes frustre Brest et Nantes arrache un troisième nul de suitePar Ulysse Llamas
Propos d’OT et de WF recueillis par UL.