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ACTU MERCATO

Pourquoi faut-il obligatoirement pousser la chansonnette lors de son bizutage ?

Par Antoine Donnarieix
6 minutes

C’est un rituel devenu incontournable en pleine période de marché des transferts. Star des réseaux sociaux, le bizutage en chanson fait le buzz grâce aux publications fréquentes des comptes lié à des clubs ou des footballeurs. Mais jusqu’à quand ?

Pourquoi pousser la chansonnette lors de son bizutage ?

C’est peut-être un détail pour vous, mais pour lui, ça voulait dire beaucoup. Dix-huit mois après sa suspension pour dopage, Paul Pogba est redevenu un footballeur professionnel grâce à son contrat paraphé avec l’AS Monaco. Passées les larmes au moment de la signature, le joueur s’est intégré à l’effectif asémiste avec style et… chanson de Gims. Effet de mode oblige, tout champion du monde 2018 qu’il est, il n’a pu échapper à la règle de cocher la case du bizutage musical. Le principe ? Attraper une bouteille d’eau, monter sur sa chaise, hausser le ton avec un discours rapide pendant un changement d’assiette lors du repas commun, et surtout pousser la chansonnette devant un public tout ouïe. Même sanction pour Olivier Giroud, qui à 38 ans en a déjà vu d’autres, mais qui a dû lors de son débarquement à Lille se plier à l’exercice… quitte à s’emmêler dans les paroles.

« Cela renvoie au moment où il fallait réciter sa poésie »

Cette intronisation, toutes les nouvelles têtes dans un collectif doivent s’y coller. Que ce soit pour une première convocation en équipe nationale, une recrue estivale, un jeune issu du centre de formation ou un membre du staff, personne n’y échappe. « Se mettre à chanter devant une assemblée comme ça, c’est un vrai challenge, constate Frédéric Ross, professeur de chant et chargé de casting pour les émissions The Voice ou Rising Star. C’est une mise à nue. À l’heure actuelle, plus personne ne laisse des messages vocaux sur un répondeur parce que personne n’aime véritablement sa voix. Ce n’est pas évident à aborder sur le plan émotionnel. Cela renvoie au moment où il fallait réciter sa poésie devant 25 autres élèves dans une classe. » Un moment d’autant plus crispant que désormais, les interventions des footballeurs sont directement publiées sur les réseaux sociaux.

Au départ, les premières vidéos sur le sujet dégageaient une forme d’excentricité par rapport à la fonction basique du footballeur. « C’est un premier pas dans l’intégration dans un club, dans un groupe, analyse Olivier Guégan, entraîneur sans club depuis sa fin d’aventure à Sochaux. Ces derniers temps, nous avons assimilé cela au fait de chanter. Je le dis sur le ton de la boutade, mais il n’y a pas trop de grands chanteurs ! ».

Il faut prendre une grande inspiration, se détendre et regarder au-dessus de la tête des gens, sans croiser leur regard.

Frédéric Ross, professeur de chant

Un avis partagé par le regard plus professionnel de Frédéric Ross : « Il faut prendre une grande inspiration, se détendre et regarder au-dessus de la tête des gens, sans croiser leur regard. Pogba est plus dans son élément, dans l’amusement. Il incite aussi ses partenaires à chanter avec lui, il y a un côté fédérateur. De façon plus globale, les anciens sont assez rodés à l’exercice donc ils ont une forme d’assurance. Quand je vois Olivier Giroud, ce n’est pas celui qui chante le mieux, mais il semble le plus à l’aise dans l’exercice. Bon, il ne connaissait peut-être pas tout son texte, mais il met du cœur à l’ouvrage et essaie vraiment de chanter, même si c’est carrément faux (rires). »

Le bizutage, il a changé

Chez les jeunes, les morceaux choisis tournent régulièrement autour du rap. En conséquence, la mélodie se perd et laisse davantage penser à un concours de slam. Heureusement, le reste de l’équipe est bon public et soutient le bizut, que ce soit sur des rimes de Ninho, Gims ou Khaled. « S’il y a un oubli des paroles, on s’en amuse puis on le refait, évoque Guégan. L’essentiel est de passer un bon moment. Généralement, cela se fait durant le stage de préparation, une période où le groupe passe 100% du temps ensemble. C’est l’occasion de se libérer à l’issue de journées particulièrement exigeantes et intenses. » Dès lors, si la prestation pour le moins aléatoire peut s’expliquer par une fatigue physique et mentale, ce qui était original laisse place à un trop-plein de bizutages similaires les uns aux autres dans des mercatos qui se suivent et se ressemblent.

Ce serait bien de trouver une autre formule. J’ai vu un concept intéressant avec Christophe Urios. Il proposait des journées cohésions à la sauce Master Chef.

Olivier Guégan, entraîneur

Alors, au risque de paraître vieux et con, était-ce mieux avant ? « Il y a toujours eu un ou deux énergumènes capables de faire une blague aux nouveaux, ajoute Guégan, footballeur dans les années 1990 et 2000 avant de passer dans une zone technique. J’étais dans un club dont le sponsor principal était une entreprise de grande distribution. Un coéquipier avait dit : « Si tu vas dans cette grande surface, tu as le droit à un caddy gratuit ! » Sauf qu’au moment où il a présenté sa carte du club, le bizut s’est rendu compte que c’était du vent et qu’il allait devoir tout payer (rires). Cela dit, c’était plus dans l’intimité entre joueurs. »

À une époque où le moindre écart de conduite devient sujet à polémique, les footballeurs et leurs employeurs souhaitent se protéger. Cependant, rien n’interdit de faire preuve d’un peu de créativité. En l’occurrence, le bizutage existe aussi à l’étranger, sous différentes formes. À Boca Juniors, les nouveaux arrivés de l’équipe B à la première peuvent en témoigner, après être passés sous la tondeuse. « Ce serait bien de trouver une autre formule, poursuit Guégan. J’ai vu un concept intéressant avec Christophe Urios (entraîneur de l’ASM Clermont-Auvergne, NDLR). Il proposait des journées cohésions à la sauce Master Chef. Les joueurs étaient par groupe de trois ou quatre et devaient réaliser des compositions de plats pour les supporters. Ils montaient sur une estrade pour concocter un ensemble plat et dessert que les supporters dégustaient et notaient. J’ai trouvé cela convivial et pertinent. » Une manière de faire davantage passer le collectif avant l’individuel, sans oublier que la prouesse gastronomique peut être agrémentée par un fond sonore. « La musique a des vertus psychologiques, cela apporte du bien-être, affirme Frédéric Ross. Mais cela me surprend que les footballeurs se dévoilent en chanson car ce n’est pas leur domaine de prédilection. Pour être plus à l’aise, ils pourraient faire des pompes ! » Ou se mettre à danser comme Jean-Alain Boumsong.

Revivez Lille-Monaco (1-0)

Par Antoine Donnarieix

Tous propos recueillis par AD.

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