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Piratage et IPTV en France : la fin de la récré ?

Par Clément Gavard
Piratage et IPTV en France : la fin de la récré ?

La semaine dernière, la LFP s'est félicitée d'une décision de justice ordonnant le blocage de l'accès à des services IPTV illégaux. Une étape supplémentaire dans la lutte contre le piratage, qui a pris un nouveau tournant en France depuis l'adoption de la loi relative à l'audiovisuel en octobre dernier.

C’est une nouvelle petite victoire dans la lutte contre le piratage en France. La semaine dernière, la Ligue de football professionnel s’est félicitée de la décision rendue le 17 mars par le président du tribunal judiciaire de Paris ordonnant le blocage par les fournisseurs d’accès internet (FAI) de l’accès à des services IPTV illégaux. Une première dans l’Hexagone et un coup dur pour les amateurs de ce système en vogue consistant à s’offrir un boîtier ou une application sur sa box internet pour disposer de plusieurs centaines de chaînes du monde entier. La possibilité pour les utilisateurs de profiter d’un vaste catalogue de séries, films et autres petits plaisirs, comme des matchs de foot, au détriment des diffuseurs officiels et de leurs recettes. « Face aux enjeux économiques pour le sport professionnel et amateur français, les pouvoirs publics et l’autorité judiciaire ont saisi combien il était urgent d’offrir une protection efficace des compétitions contre les atteintes graves et répétées dont elles font l’objet », écrivait la LFP mercredi dernier. La confirmation que la lutte contre le piratage a connu un tournant majeur ces derniers mois dans l’Hexagone, où les acteurs disposent désormais d’un arsenal juridique plus efficace pour contrer les pirates. Mais la partie est loin d’être terminée.

Une loi et des révolutions

Il ne faut pas remonter très loin pour trouver le moment clé de cette évolution. Le 26 octobre dernier, la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère du numérique était publiée au journal officiel. Celle-ci consacre notamment une troisième section au livre III du code du sport dédiée exclusivement à la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives, permettant aux détenteurs de droits de diffusion de bénéficier de la possibilité de sanctionner plus facilement et rapidement les sites pirates. « Cette loi est un tournant, elle nous permet de protéger nos contenus, confirme Caroline Guenneteau, secrétaire générale adjointe de beIN Media Group, qui attendait cette échéance depuis de nombreux mois. C’est déjà efficace, il y a des conséquences. En janvier, on a initié une action basée sur cet article pour protéger la CAN et on a obtenu une décision très rapidement. On a ciblé une vingtaine de sites de streaming diffusant la compétition pour obtenir leur blocage. »

Une avancée majeure pour les ayants droit, qui ont également vu d’un bon œil la création de l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), un outil de contrôle inédit né le 1er janvier de la fusion d’Hadopi et du CSA. Son utilité ? Caroline Guenneteau l’explique très bien : « Si vous bloquez un site, vous pouvez être sûrs que le pirate va créer un site miroir, une nouvelle adresse DNS (Domain Name System). Et pour obtenir le blocage de cette deuxième adresse, nous ne sommes pas obligés d’aller voir le juge, nous allons voir l’Arcom, qui peut ensuite demander aux FAI de procéder au blocage de ces nouveaux sites. L’Arcom est là comme un tiers de confiance. » Une révolution importante pour atténuer l’impact économique des retransmissions illégales d’évènements sportifs, alors qu’Hadopi estimait à 3,4 millions le nombre d’internautes ayant eu recours au live streaming pour consommer du sport, soit une hausse de 70% par rapport à 2019. Pour un manque à gagner évalué à 500 millions d’euros pour les ayants droit.

 L’IPTV, ce n’est pas comme le streaming qui est gratuit. C’est un business, et derrière, ce ne sont pas des pirates, ce sont des abonnés.

L’IPTV, la nouvelle cible

La rapidité du circuit judiciaire est une bénédiction pour les diffuseurs. Par exemple, le juge a rendu son délibéré seulement douze jours après l’assignation dans le cas de la demande de protection de la CAN par beIN Sports en janvier. Dans la foulée, le groupe qatari et Canal + ont engagé une action pour protéger la Ligue des champions, et la chaîne cryptée a fait de même pour le top 14. « La quatrième décision est donc intervenue à la demande de la LFP pour protéger le championnat français, continue Caroline Guenneteau. La grande nouveauté, c’est la cible identifiée avec les services IPTV plutôt que le streaming illégal. On a épuisé un certain nombre de sites de streaming, donc c’est très bien que la Ligue se soit tournée vers cette autre cible. » Avec l’essor des télévisions ultradéveloppées et le casse-tête pour mettre la main sur des liens streaming de qualité, l’utilisation de l’IPTV a doublé en quatre ans, mais représente toujours une infime partie des internautes qui piratent (6%). La LFP compte tout de même calmer cette croissance avec la dernière décision qui permettra aux FAI de procéder à des blocages DNS en pagaille, c’est-à-dire débrancher du jour au lendemain ces IPTV illégales.

Pour autant, est-ce la fin de l’IPTV ? La réponse est non, les moyens de contourner ces blocages sont nombreux, et les pirates ne cessent de se réinventer en multipliant les adresses. Cela ne change cependant rien à la stratégie de la LFP : lasser les clients pour les pousser à se tourner vers des offres légales. « Dans une très grande majorité, les gens qui piratent ne sont pas spécialement des pros de l’informatique. Et si au bout d’un mois, je vois qu’il faut changer de lien tous les 2-3 jours, je vais peut-être demander à me faire rembourser mes 100 euros(le prix moyen de l’IPTV, NDLR), image Caroline Guenneteau. Dès qu’on n’arrive pas à se connecter à tout et n’importe quoi, on s’énerve. Nos habitudes ont changé. Ce n’est pas comme le streaming qui est gratuit. L’IPTV, c’est un business, et derrière, ce ne sont pas des pirates, ce sont des abonnés. » Hasard du calendrier, le 18 mars, au lendemain de cette décision célébrée comme une grande première en France, la justice britannique a condamné quatre individus impliqués dans la distribution de flux IPTV illégaux, la création d’extensions facilitant le piratage et d’autres chefs d’inculpation comme blanchiment d’argent, au plus grand bonheur de Sky Sports et BT Sport. Verdict ? Cinq ans et six mois de prison pour Mikey1234, le chef de bande ; trois ans de prison pour Kieran Collins ; deux fois deux ans de prison et 200 heures de travaux d’intérêt général pour Amanda Collins ; et huit mois de prison couplé à 180 heures de TIG pour Robert Kurian.

 Pour le cinéma et les séries, on trouve Netflix, OCS, Amazon Prime, Disney, Fox, Apple, etc. Dans la vie, il faut aussi faire des choix.

La piraterie n’est jamais finie

Ces condamnations outre-Manche donnent de l’eau au moulin des différents acteurs français qui, au-delà des nouvelles armes pour lutter contre le piratage, souhaitent sensibiliser les consommateurs. « Ceux qui sont derrière ces business ne sont pas des gentils Robin des bois qui mettent à disposition des contenus gratuits pour faire plaisir à des gens qui n’ont pas les moyens, mais des personnes qui ne payent pas de taxes, pas de TVA, etc., enchaîne Caroline Guenneteau. Puis, il faut faire comprendre que le piratage ne cause pas seulement des dommages à des groupes privés, mais également à tout le sport amateur, puisqu’une partie des droits TV sont reversés avec la taxe Buffet (7%). Mais l’important, c’est que le piratage est aujourd’hui pris en compte à la hauteur des dommages qu’il cause à tout un écosystème. »

Une vision presque manichéenne, peut-être trop simpliste, qui ne change rien au problème majeur des consommateurs de ballon rond : regarder du foot à la télé coûte trop cher. En France, le morcellement de l’offre entre Prime Video, Canal +, beIN Sports, RMC Sport ou encore Eurosport, pour ne citer qu’eux, est une des causes principales du recours au piratage. « Regardez pour le cinéma et les séries, on trouve Netflix, OCS, Amazon Prime, Disney, Fox, Apple, etc, rétorque Caroline Guenneteau. Dans la vie, il faut aussi faire des choix. Ce n’est pas parce que l’on parle de sport qu’il faut proposer un produit unique. Mais regardez, il y a quinze ans, tout le monde piratait la musique parce qu’il y avait une facilité, et aujourd’hui, il y a beaucoup d’abonnés à Spotify ou Deezer. » En attendant de trouver son Spotify ou son Deezer, le monde du foot (et du sport) ne souhaite pas baisser la garde et les récentes décisions judiciaires ne devraient pas être les dernières.

Commotions cérébrales : le foot ne se prend pas la tête

Par Clément Gavard

Propos de Caroline Guenneteau recueillis par CG

Retrouvez nos précédents articles sur l'IPTV :

- Épisode 1 : les enfants de l'IPTV
- Épisode 2 : IPTV, le football sans chaînes
- Épisode 3 : IPTV, à qui profite le crime ?

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