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Rayan Cherki à Manchester City, un transfert gagnant-gagnant ?
Rayan Cherki va enfin sauter le pas et rejoindre l’une des plus grosses écuries européennes. Promis à cet avenir brillant dès son plus jeune âge, le talent brut lyonnais doit maintenant prouver qu’il est fait d’un bois différent et qu’il est en mesure de s’adapter au jeu si particulier du Manchester City de Pep Guardiola. Sur le papier, ça donne envie.

Rien n’était officiel, mais la dernière apparition de Rayan Cherki sous le maillot de l’Olympique lyonnais laissait présager un départ imminent. Le meneur de jeu avait eu la classe de laisser les honneurs à son capitaine, Alexandre Lacazette, faisant aussi ses adieux à son club formateur, mais ses yeux humides trahissaient un futur loin de la capitale des Gaules. Il n’est désormais plus qu’une question d’heures pour voir le néo-international français poser dans le maillot bleu ciel de Manchester City. Lui à qui on promettait un avenir brillant il y a déjà plus de cinq ans a pris son temps, a avalé quelques couleuvres aussi, mais a enfin réussi à passer le cap pour atteindre les sommets.
Après sa saison plus que remarquée (meilleur passeur, meilleur jeune et joueur le plus décisif de Ligue Europa, meilleur passeur et dribbleur de Ligue 1), il était évident que celui qui fêtera ses 22 ans en août prochain allait taper dans l’œil des mastodontes européens. Un an après avoir été placé dans le loft de l’OL, seulement convoité par le Borussia Dortmund d’après des rumeurs jamais vraiment concrétisées, voilà qu’il s’envole vers l’Angleterre. Pendant longtemps, ses détracteurs auraient raillé un tel choix : comment ce dribbleur si fâché avec les retours défensifs peut-il performer en Premier League où les efforts semblent bien supérieurs à ceux qu’il peinait à faire en Ligue 1 ? Mais ça, c’était avant, car, cette année, il leur a prouvé qu’il était capable de donner le tournis aux défenseurs adverses tout en gênant les attaquants sur la première phase de pressing, voire en venant, parfois, jusque dans son propre camp.
Guardiola-compatible ?
De nouveaux ustensiles qu’il a pu sortir avec l’équipe de France, en cette fin de printemps. Didier Deschamps, qui rechigne souvent à placer plusieurs joueurs créatifs au même endroit du terrain, était difficile à convaincre, mais même lui a fini par succomber au charme de ce jeune au sourire Colgate, qui ne lésine ni sur le gel ni sur les grigris balle au pied. « Il a fait ce qu’il sait faire. Aujourd’hui (contre l’Allemagne), il a fait des bonnes choses, d’autres un peu moins bien. Quelques pertes de balle. Il a besoin d’être au cœur du jeu. Il dégage beaucoup de joie, il est heureux d’être là. C’est bien, si tous les joueurs au premier rassemblement faisaient la même chose… », s’est réjoui le sélectionneur après les deux premières capes du bonhomme, pleines de personnalité. Il faut dire que Rayan Cherki n’en manque pas, de ses premiers ballons touchés au centre de formation lyonnais à son entrée face à l’Espagne championne d’Europe, il n’a cessé de le prouver.
Si un enfant a le talent pour dribbler, il l’aura toute sa vie ; il doit juste savoir quand et comment le faire.
Est-ce cet art du dribble qui a charmé Pep Guardiola ? Ce dernier est souvent taxé de faire perdre cette notion de provocation à ses joueurs, comme si Lionel Messi n’avait pas eu la liberté nécessaire pour s’exprimer, que les ailiers du Bayern n’avaient pas eu carte blanche la plupart du temps ou que Jérémy Doku n’était pas celui qui avait réussi le plus de dribbles en Premier League malgré la saison décevante de Manchester City. Outre-Manche, l’entraîneur catalan a réussi à cadrer Raheem Sterling, Leroy Sané, Riyad Mahrez ou Jack Grealish en en faisant des joueurs d‘équipes toujours capables de faire la décision seuls. À moindre mesure, c’est ce qu’ont réussi à faire Pierre Sage et Paulo Fonseca lors de l’année qui vient de s‘écouler. « Si un enfant a le talent pour dribbler, il l’aura toute sa vie ; il doit juste savoir quand et comment le faire. […] Les joueurs intelligents savent comment voir ce qu’il se passe autour d’eux et comment le jeu se développe, en se déplaçant toujours en fonction de leurs adversaires, de leurs coéquipiers et des espaces », théorisait Guardiola dans un long entretien accordé à GOL.
Dans les traces de Karim Benzema
Rayan Cherki ne fait pas encore partie de cette caste de joueurs qu’a dirigés l’un des plus grands entraîneurs de l’histoire, mais son arrivée à Manchester City est loin d’être un hasard. Si sa trajectoire a été plus lente qu’on ne le pensait, tous les suiveurs assidus de la formation rhodanienne savent qu’il était plus voué à participer aux grandes joutes européennes qu’aux premiers tours de Coupe de France. Parfois coupable de son propre freinage, il a au moins pu prendre le temps de confirmer avant de se brûler les ailes, à l’image d’un Karim Benzema parti au bon moment au Real Madrid pour la carrière qu’on lui connaît. A contrario, Nabil Fekir a, malgré lui, laissé passer le train vers Liverpool et n’a jamais retouché le plus haut niveau du doigt. S’il suit pour l’instant les traces de son idole KB9, il devra encore lever ses curseurs individuels dans un club qui voudra tout gagner après une saison blanche inattendue. Au milieu de Phil Foden, Omar Marmoush, Jérémy Doku, Bernardo Silva, la concurrence sera rude, mais Manchester City s’attache surtout les services d’un passeur exceptionnel… après le départ de Kevin De Bruyne.

Et l’OL dans tout ça ? Après les départs de Benzema et de Fekir, le club s’était rapidement relevé, comme après ceux d’Alexandre Lacazette, Corentin Tolisso, Samuel Umtiti, Ludovic Giuly, Sidney Govou ou Hatem Ben Arfa. Autant de joueurs de classe formés à Lyon qui ont réussi à être remplacés, bien souvent par d’autres pépites issues de Tola Vologe. Mais désormais, le réservoir semble vide. En partie à cause de la stratégie de John Textor basée sur l’achat de jeunes joueurs venant de son consortium. La vente de Rayan Cherki va rapporter autour de 40 millions d’euros aux Gones, de quoi avoir les reins plus solides avant de se présenter face à la DNCG, en plus d’hypothétiques 15% de bonus sur un futur transfert. Une vente vers un club anglais peut souvent rapporter plus, mais à un an de la fin de son contrat, les dirigeants lyonnais ne s’en tirent pas trop mal. Un Citizen devrait en plus rejoindre l’OL en prêt, histoire de pouvoir souffler une année supplémentaire, car la politique du club ne fonctionne plus qu’à court terme. Pour espérer surfer sur la prochaine bonne vague, il faudra donc compter sur l’éclosion d’un nouveau génie.
Par Enzo Leanni