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Droits TV : retour à la case départ ?
Le partenariat entre la LFP et DAZN va donc s’arrêter. Personne n’est surpris, mais l’onde de choc n’en demeure pas moins immense pour le foot français. Cet échec commun laisse la Ligue 1 sans diffuseur, et surtout sans guère d’options, sauf à lancer sa propre chaîne. Tant pis pour elle ?

Qui désire encore diffuser la Ligue 1 ? La question se pose franchement à la sortie, pas encore définitive, de cette crise tragicomique, qui illustre autant la faiblesse indigente de la gouvernance du foot professionnel que la médiocrité entrepreneuriale de DAZN. Mardi soir, le divorce a été acté, à la fois par le collège des clubs pros et par le conseil d’administration de la LFP. Le suspense s’avérait ténu. Preuve de l’implication de chacun : Vincent Labrune était présent à Birmingham pour le choc entre le PSG et Aston Villa en quarts de finale de la Ligue des champions, aux côtés de Nasser al-Khelaïfi. Un sens des priorités qui en dit long. Les autres présidents étaient également tous en visio, d’ailleurs.
Une médiation vouée à l’échec
Comme on quitterait quelqu’un par texto, c’est ainsi que la séparation a été actée. En effet, à la fin de la saison, la plateforme britannique ne sera plus concernée par les vicissitudes de notre championnat domestique. La médiation menée par Frank Gentin, mandaté par la justice, n’a pas réussi à rapprocher les points de vue. De fait, tout est désormais affaire de gros sous. La LFP a tenu à rappeler qu’elle « attend de son partenaire qu’il exécute pleinement l’ensemble de ses obligations à ce titre », notamment les deux derniers versements, les 30 avril et 30 juin : 140 millions d’euros en tout. En face, DAZN refuse de verser une indemnité de départ (de 110 à 125 millions d’euros) pour l’an prochain. Les vraies négociations vont débuter, d’autant plus que, pour l’instant, la procédure judiciaire lancée par DAZN – qui réclame 573 millions à la Ligue, « pour manquement observé » et « tromperie sur la marchandise » – n’est pas éteinte.
Si la médiation a échoué, c’est qu’elle avait dès le départ du plomb dans l’aile. Le diffuseur perdrait plus de 200 millions par an (avec une estimation d’à peine 500 000 abonnés), et les révélations sur les dessous des réunions entre les présidents de clubs illustraient la fébrilité et les tensions internes au sein de ce petit monde. Le deal de départ consistait de toute manière, à en croire Vincent Labrune, à sauver les meubles.
L’ère de la téléréalité
L’été s’annonce d’ores et déjà angoissant. Il faudra, une fois encore, repartir avec un nouveau canal de diffusion, qui ne terminera certainement pas par « Plus ». L’option la plus crédible – et la plus déprimante, car elle sonne déjà comme une défaite – paraît être le lancement d’une chaîne LFP, apparemment désirée depuis le début par certains, dont Joseph Oughourlian (Lens) et John Textor (OL). Elle signe malgré tout une triste réalité sur le marché des droits télé. Loin d’être un « produit premium » (ce qui pourrait être le cas de la Ligue des champions ou de la Premier League), comme le pérorait Vincent Labrune, la Ligue 1 a perdu considérablement de sa valeur, et le feuilleton de cette saison 2024-2025 a encore davantage écorné son attractivité. Lors d’une réunion du collège de Ligue 1, le 14 février dernier – dont des extraits avaient fuité dans les médias – Joseph Oughourlian l’évaluait concrètement entre 150 et 200 millions d’euros. Il a probablement raison, au moins sur ce point.
Il ne s’agit pas du lent déclin du désir des fans hexagonaux – l’importance du piratage prouve par l’absurde le contraire – mais bel et bien du rejet du coût pour la regarder, d’autant plus dans un pays où s’éternise une certaine morosité sur le pouvoir d’achat. Il s’avère terriblement amusant de contempler tous ces grands patrons à la tête de nos clubs découvrir les affres de la loi de l’offre et de la demande, aussi bien auprès des diffuseurs, qui ne se bousculent pas au portillon, que devant une clientèle qui trouve le produit trop cher. La Ligue et sa société LFP Média, dont Nicolas Tavernost va prendre la direction, vont devoir réapprendre leur métier.
En tout cas, pour ce qui a déjà filtré, certaines leçons ont enfin été retenues. En proposant la totalité des matchs avec un seul abonnement, la chaîne LFP serait aussi adossée à Max (Warner Bros), afin d’offrir également du contenu cinéma ou des séries télé en streaming, avec un tarif compris entre 25 et 30 euros mensuels. Le rêve serait de rassembler 1,8 million d’abonnés à la fin de la première saison, et d’engranger autour de 500 millions (dont il faudra retirer les frais de lancement et de fonctionnement, ainsi que la ponction de CVC). Cependant, au-delà du montage financier et de la disette qui va se produire en début de saison 2025-2026, le plus dur consistera à reconquérir les cœurs et à recrédibiliser la Ligue 1, que DAZN bradait à la fin avec un menu McDo (moins cher, certes, qu’un repas au resto, à en croire Louis Nicollin). Après avoir passé des années à s’accrocher au mirage du milliard, la LFP et les clubs vont devoir comprendre que leur « métier » ne se résume pas à acheter et vendre des joueurs, parfois surpayés. On imagine déjà tous ces grands dirigeants nous expliquer qu’il faut absolument s’abonner, quasiment par devoir social ou patriotique, pour sauver le foot français.
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