- Ligue 1 – J13 – Rennes-Monaco (4-1)
Paul Pogba, premiers coups de pioche
Entré en jeu pour la première fois depuis son arrivée à Monaco, le champion du monde 2018 a touché un peu moins de 20 ballons, mais a surtout été à la base d’une drôle de scène : un stade tout entier qui se lève pour célébrer un joueur adverse juste après avoir fêté un but. Inédit.
Alerte carambolage. Il était environ 20h40, à Rennes, samedi, quand deux morceaux de vie de football se sont rentrés dedans. D’un côté, un penalty sifflé et transformé, tamponnant pour de bon la victoire d’un Stade rennais qui vient se caler provisoirement dans le top 5 de Ligue 1 grâce à un troisième succès consécutif (4-1). De l’autre, le retour d’un champion disparu, que l’on n’avait plus vu sur une feuille de match professionnelle depuis le mois de septembre 2023, passé par une suspension suite à un contrôle positif à la DHEA (un produit augmentant la testostérone dans le corps), le tribunal de Paris pour faire la lumière sur une sombre affaire d’extorsion en bande organisée et de tentative d’extorsion dont il a été victime, des blessures, et des doutes.
Au Roazhon Park, Paul Pogba est ainsi redevenu ce week-end un joueur de foot professionnel, et même, enfin, un joueur de Ligue 1. Il fallait alors voir les présents se lever et un essaim de téléphones se pointer sur l’international français (91 sélections), plus que sur le quatrième buteur breton du soir, Ludovic Blas, presque sorti momentanément du tableau.
🔥 Le grand frisson... Paul 𝗣𝗢𝗚𝗕𝗔 est de retour, avec une magnifique acclamation !#SRFCASM pic.twitter.com/Oulc7ulqk1
— L1+ (@ligue1plus) November 22, 2025
Sur le moment, la scène a eu quelque chose de lunaire. Ce n’est cependant pas une première : le 15 janvier 2023, un peu moins d’un mois après la défaite de l’équipe de France en finale de la Coupe du monde au Qatar, Kylian Mbappé avait reçu, déjà, une ovation du Roazhon Park. Il faut cependant mesurer l’inédit de ce que l’on a vu ce samedi sous la pluie de Bretagne : voir Pogba rejouer un match de foot, au bout de longues semaines passées en tête à tête avec le physiothérapeute de l’AS Monaco, Jérôme Palestri, pour réathlétiser un corps éloigné depuis plusieurs mois d’une vie d’athlète de haut niveau, n’est pas un micro-évènement.
Je suis soulagé d’avoir repris le football, ce que j’aime le plus au monde, mais il y a du boulot encore.
Lui même n’a pas dit autre chose en zone mixte après sa première sortie avec le maillot de l’AS Monaco : « Je n’aime pas perdre et je suis vraiment déçu par le résultat. Maintenant, je ne m’attendais pas à un tel accueil. Ça m’a vraiment touché. Voir le public se lever, m’applaudir, je n’imaginais pas ça… Sur le terrain, mes sensations ont été bonnes. J’ai essayé de prendre du plaisir, car ça faisait très longtemps quand même. Je suis soulagé d’avoir repris le football, ce que j’aime le plus au monde, mais il y a du boulot encore. Je pense uniquement à être en forme pour aider l’équipe et tout le reste est encore très, très loin. Je me crois vraiment capable de retrouver mon niveau, sinon j’aurais arrêté ma carrière. Le foot n’est pas fini pour moi. »
« Je lui ai dit qu’il allait tout déchirer »
Quelques minutes après le passage de Paul Pogba devant les micros, son entraîneur à l’ASM, Sébastien Pocognoli, usé de devoir répondre à des caravanes de questions sur le joueur ces derniers jours, a simplement salué le fait que le Français a « été récompensé des semaines de travail qu’il a effectuées. Peu importe les circonstances, on avait prévu de le faire entrer car il s’est bien entraîné. » L’affaire n’a, évidemment, pas été la plus simple de la carrière de Pogba, envoyé au feu alors que Monaco était mené 4-0, totalement hors sujet et réduit à 10. Au total, il aura touché 17 ballons, réussi 14 de ses 15 passes, récupéré deux ballons, dont un qui aura permis de voir sur trois secondes un Pogba vintage, entre ballon gratté sur Lucas Rosier, puis passe aveugle enchaînée dans la foulée. Dix secondes plus tard, on l’a ensuite retrouvé dans sa surface pour contrer un centre. Pas totalement anodin, même si il ne faut surtout pas tirer de conclusions sur ce qu’on a vu ce samedi.
🎙️Paul Pogba : « Il y a des moments où le diable essaie de te parler dans ta tête et dire que c’est fini. » pic.twitter.com/MtHz4Szuow
— SO FOOT (@sofoot) November 22, 2025
Il faudra plutôt garder des images et des bruits : les ovations du public local à chaque ballon touché par un joueur adverse, le sourire de Pogba après un sombrero tenté sur Mahdi Camara, Przemyslaw Frankowski qui court dès le coup de sifflet final pour certainement tenter de récupérer le maillot du champion du monde 2018 ou encore l’émotion du natif de Lagny-sur-Marne avant de quitter le gazon, la main sur le cœur, face au kop breton. « J’aime le foot, le jeu, il m’a procuré beaucoup d’émotions en tant que fan de foot, est, de son côté, venu témoigner l’entraîneur du Stade Rennais, Habib Beye, qui est tombé dans les bras du numéro 8 monégasque en fin de match. Certains parlent du joueur qu’était Paul Pogba, moi je veux parler du joueur qu’il est. Sur quelques minutes, il a montré qu’il avait encore ses qualités, de la vista, mais quand j’ai vu l’ambiance, j’ai remis de la voix. Je ne voulais surtout pas qu’on s’arrête de jouer et qu’on le regarde. Maintenant, à la fin, je lui ai dit que j’étais très content de le voir, qu’il allait tout déchirer, et je lui ai souhaité le meilleur pour la suite. »
Il y a des moments où le diable essaye de parler dans ta tête pour te dire que c’est fini, mais il y a un bon Dieu. Je crois en moi, en mes qualités, et comme je sais que je n’avais rien fait.
C’est le plus intéressant, maintenant que le rideau sur le retour sur le terrain de Pogba est tombé, et si le joueur ne perdra jamais son œil, la question est de savoir quand il pourra manger un petit peu plus que des morceaux de rencontres, ce qui devrait être son repas hebdomadaire sur la fin 2025. Lui a faim, très faim. Il s’est d’abord caché, ne sortant pas s’échauffer, puis s’est démasqué, multipliant les sprints avant son entrée et les poussant même jusque dans la zone mixte de Pocognoli, de façon à bien montrer à son coach son impatience.
Il faudra, cependant, être patient pour le voir pleinement répondre en termes d’intensité. L’AS Monaco, fessée pour la deuxième fois consécutive, ne crachera pas dessus. Avant de filer, Paul Pogba, invité sur le sujet, aura tout de même glissé une petite pièce sur les Bleus : « J’ai travaillé, attendu plus de deux ans, et avec tout ce qu’il s’est passé, c’est moi qui ai souffert le plus. Il y a des moments où le diable essaye de parler dans ta tête pour te dire que c’est fini, mais il y a un bon Dieu. Je crois en moi, en mes qualités, et comme je sais que je n’avais rien fait, que ce n’était pas de ma faute, j’ai toujours gardé espoir. Maintenant, si je ne performe pas à Monaco, l’équipe de France, il faudra oublier. » Une drôle d’histoire, définitivement.
Habib Beye tient à ce qu'on parle de Paul Pogba au présentPar Maxime Brigand, au Roazhon Park
Tous propos recueillis par MB et CG, à Rennes

























