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À Rennes, l'enfer du décor

Par Clément Gavard, à Rennes
7 minutes

Habib Beye sera bien sur le banc du Stade rennais à Toulouse, mercredi, mais le club breton a vécu un début de semaine agité et la crise d'automne est déjà là, après un début de saison décevant. Avec la sensation que rien ne change depuis deux ans et le début d'un cercle vicieux interminable rythmé par des mauvais choix et une grande instabilité. À quand le bout du tunnel ?

À Rennes, l'enfer du décor

Les feuilles mortes jonchent les trottoirs, la France a changé d’heure et la première tempête de la saison, Benjamin, a pointé le bout de son nez : l’automne est bien là, cette fois, et le Stade rennais n’a pas oublié de plonger dans la crise pour respecter le retour d’une tradition qui ferait presque sourire si elle n’était pas aussi désespérante. Il régnait une ambiance de Toussaint avant l’heure, ce dimanche au Roazhon Park, au coup de sifflet final du match perdu contre Nice (1-2), après une première période insipide et malgré une dernière demi-heure où les Rennais auraient sans doute mérité d’aller chercher un énième 2-2.

C’était la deuxième défaite de la saison, seulement, mais une cinquième rencontre d’affilée sans gagner, soit la pire série en championnat depuis octobre-novembre 2023. À l’époque, cette disette avait poussé Bruno Genesio à rendre son tablier pour ce qui ressemble, avec deux ans de recul, au moment de la bascule du mauvais côté pour un club qui s’est depuis enfermé dans un interminable cercle vicieux, sans trop savoir quand arrivera le bout du tunnel.

Le jour où tout a (encore) failli basculer

Dans la machine à laver rennaise, entre la route de Lorient et la Piverdière, il s’est passé beaucoup trop de choses en l’espace de 48 heures pour ne pas penser que le club rouge et noir n’a pas encore fini de marcher sur la tête. Il y a ce qu’on a vu, de près ou de loin, ce dimanche quand la nuit tombait. Notamment les ultras du Roazhon Celtic Kop, restés dans leur tribune Mordelles pendant plus d’une heure après le coup d’envoi pour voir débarquer, sous l’impulsion de la direction rennaise, sept cadres, de Ludovic Blas à Valentin Rongier, qui a pris le micro face à un kop qui avait accueilli l’ancien rival nantais avec une banderole hostile et des sifflets quelques semaines plus tôt. « Croyez-nous, ça nous fait aussi chier de finir les matchs et de ne pas gagner, posait le capitaine rennais. C’est insuffisant, et on le sait parce qu’on est le Stade rennais. Je vous promets que les choses vont changer et tourner en notre faveur. »

La question de mon avenir s’est posée à un moment, elle était même arrêtée. Je pense que des gens croient encore à ce qu’on veut faire ici, au Stade rennais.

Habib Beye

Il y a aussi et surtout ce qu’on nous raconte et ce qui se passe dans les coulisses, où le début de semaine a été mouvementé. Les versions diffèrent, parfois, et il n’est pas du tout impossible que l’idée de se séparer du coach de 48 ans était très présente au niveau de la direction le dimanche soir et le lundi matin (sans vraiment de solutions de remplacement), où Beye avait dirigé normalement la séance du jour. La suite, c’est une très longue réunion entre le technicien et les dirigeants bretons, le président Arnaud Pouille et le directeur sportif Loïc Désiré, avant laquelle une possible mauvaise interprétation des signaux envoyés aurait même conduit certains adjoints de l’entraîneur rennais à commencer à vider leurs casiers, selon nos informations.

« Il s’est dit beaucoup de choses, on a fait un bilan de tout ce qui se passait actuellement (…) La question de mon avenir s’est posée à un moment, elle était même arrêtée, livrait Beye ce mardi en conférence de presse. Je pense que des gens croient encore à ce qu’on veut faire ici, au Stade rennais (…) Ce n’était pas une entrevue où on dit stop, mais plutôt où on demande : « Tu es comment ? » » L’énergie de l’ancien défenseur aurait convaincu de le maintenir en poste au moins jusqu’au déplacement à Toulouse, mercredi, où tout autre résultat qu’une victoire pourrait lui être fatal, « un challenge excitant », selon les mots de Beye.

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Ce dernier a bien sûr sa responsabilité dans le début de saison raté des Bretons (11 points après 9 journées, soit un copié-collé des deux dernières cuvées) et il semble encore chercher un système et une équipe capable de boucler une rencontre avec de la maîtrise et de la constance. « On n’a pas encore eu de match référence ou de match complet du début à la fin. On a souvent des trous, je ne sais pas comment l’expliquer en toute franchise, ça nous fait vraiment chier », constatait Brice Samba ce dimanche, avant de démentir les rumeurs de tensions avec l’entraîneur, « des calomnies, des choses inventées ». Il y a eu des désaccords, des échanges et, selon plusieurs sources, certains joueurs pas totalement convaincus par le coach rennais, qui assurait encore ce mardi avoir « le soutien » de ses hommes.

« Je l’ai tout le temps, à mon sens, a-t-il continué. Dans l’adhésion et la réaction sur le terrain contre Nice, c’est l’exemple parfait. » La question de la cohabitation et de la communication avec le staff dédié à la performance mené par Laurent Bessière (passé par Lens et Nice), arrivé à l’intersaison, a également été posée lors de la réunion de lundi. Un problème abordé parmi tant d’autres, mais un point de crispation depuis un moment à Rennes, même si Beye aurait été mis au courant dès son embauche de ces ajustements programmés après un audit qui avait mis en évidence des dysfonctionnements et des manques.

Le règne de l’instabilité

Il y a le sportif, le terrain et la vie d’un club de foot d’un côté ; et le fonctionnement du Stade rennais d’un autre, entre la passion et les luttes d’influences, plus ou moins importantes et présentes. Beye a encore couvert de compliments la famille Pinault, « un propriétaire exceptionnel. C’est très rare d’avoir cette relation et la chance d’avoir une famille qui sait exactement où je veux aller avec ce club, avec un soutien indéfectible depuis mon arrivée », mais la gouvernance impulsée par les milliardaires français interroge encore et toujours à Rennes. Les « forces obscures », ce concept théorisé il y a bien longtemps par Frédéric Antonetti et qui est souvent utilisé pour désigner Hubert Guidal et René Ruello, tous les deux anciens dirigeants du SRFC et fidèles amis de François Pinault, ont bon dos et ne peuvent pas être la seule cause de l’instabilité chronique sur les bords de la Vilaine. En cas de départ de Beye dans les prochains jours, le Stade rennais pourrait connaître son 18e entraîneur en 27 ans d’ère Pinault et, plus symbolique encore, le 10e sur la dernière décennie.

Si le club breton assure avoir avancé dans plusieurs domaines ces derniers mois (la cellule de recrutement, les travaux sur l’identité rennaise à l’occasion des 125 ans cette saison et le développement du staff pro, etc.), il est difficile de sentir une osmose et une vision commune entre tous les décideurs depuis que la chaîne a été cassée par l’actionnaire, qui avait imposé le retour (puis la prolongation un peu plus tard) de Julien Stéphan à l’automne 2023. Depuis, Rennes a vu passer des dizaines de joueurs —  Ludovic Blas étant aujourd’hui le plus ancien dans l’effectif (sans compter les jeunes) —, deux présidents exécutifs (Olivier Cloarec et Arnaud Pouille), trois directeurs sportifs (Florian Maurice, Frederic Massara, Loïc Désiré), trois entraîneurs (Stéphan, Jorge Sampaoli, Beye) et même deux présidents du conseil d’administration (Alban Gréget et Guillaume Cerutti, à la tête de la Collection Pinault, récemment nommé). Le tout avec des mercatos onéreux à mettre en parallèle avec des ventes importantes et une balance positive au niveau des transferts, avec un été 2024 catastrophique, dont les seuls « survivants » un an plus tard sont Abdelhamid Aït-Boudlal (recruté en tout début de mercato) et Glen Kamara.

C’est dans ce décor bancal que l’urgence comptable pourrait provoquer un énième bouleversement dans les prochains jours, pour un club qui cherche à rester connecté à son public et qui ambitionne de retrouver la Coupe d’Europe la saison prochaine. « Les interprétations à l’extérieur, on ne les maîtrise pas. On doit tous corriger des choses, du coach aux joueurs », formulait Loïc Désiré chez Ouest-France lors de la dernière trêve à l’occasion d’une des rares prises de parole publiques de la direction bretonne. L’accueil du Roazhon Park, où Strasbourg doit se pointer dimanche, pourrait être glacial voire contestataire au bout d’une nouvelle drôle de semaine, en fonction de ce qui se passera à Toulouse mercredi pour la rencontre de la dernière chance (avant la prochaine ?) pour Beye, dont l’entente avec son président n’a jamais été une évidence depuis le début de l’histoire. « Je ne veux pas que ce match soit lié au destin du coach, je vais dire à mes joueurs d’être en mission pour eux-mêmes, assurait-il. Mon destin n’a pas trop d’importance. » Celui du Stade rennais continue de s’écrire en pointillés en attendant, peut-être un jour, la fin de cette interminable saison des tempêtes.

Habib Beye explique pourquoi il a été maintenu sur le banc du Stade rennais

Par Clément Gavard, à Rennes

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