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L’Espagne, possessive maladive

Par Antoine Donnarieix
5 minutes
L’Espagne, possessive maladive

Mise en difficulté en Écosse ce mardi, l’Espagne s’est logiquement inclinée à Hampden Park malgré une possession de balle encore une fois largement à son avantage. Après avoir quitté prématurément le dernier Mondial, ne serait-ce pas le moment de dire stop à ce jeu trop fluide et prévisible ?

« Gagner, gagner, gagner, et encore gagner, gagner, gagner, et encore gagner, gagner, gagner… Vous voulez que je continue pendant une demi-heure ou quoi ? C’est ça le football ! » Quitte à heurter les esprits les plus sensibles, Luis Aragonés ne faisait pas dans la dentelle au moment d’expliquer le moteur du succès. Vainqueur de l’Euro 2008 avec la Roja et déclencheur de l’hégémonie à venir pour sa nation, l’entraîneur espagnol a quitté ce monde il y a bientôt dix ans, le 1er février 2014. Une période où l’Espagne dominait encore la planète football grâce à son légendaire tiki-taka, mais où son déclin n’allait pas tarder à pointer le bout du nez lors d’un Mondial brésilien foiré dans les grandes largeurs. Dix ans plus tard, que reste-t-il de cette glorieuse Espagne ? Plus grand-chose, si ce n’est des trophées qui prennent la poussière, des passes à répétition et une conception de jeu qui, en fin de compte, engendre beaucoup de frustration.

Plus c’est long, moins c’est bon

Représentant de cette Espagne qui ne parvient plus à remporter des titres, Rodri en avait gros sur la patate au moment de débriefer la défaite de son équipe en Écosse (2-0). « C’est leur façon de jouer, il faut la respecter, mais franchement, c’est un peu dégueulasse, considérait le nouveau capitaine de la sélection dirigée par Luis de la Fuente sur la plateforme Viaplay. Ils passent leur temps à gagner du temps, à provoquer et à se rouler par terre. Pour moi, ce n’est pas du football. Pour la vitesse du jeu, il faut avancer et c’est à l’arbitre de faire quelque chose, mais il n’a rien fait. » Visiblement, l’amertume de la défaite engendre des incohérences dans la bouche du milieu de terrain de Manchester City. Les chiffres de la fin du match sont pourtant clairs : l’Espagne a commis davantage de fautes que l’Écosse (15 contre 13), et son jeu de passes à répétition (75% de possession de balle, 661 passes contre 219 pour son adversaire) a débouché sur moins de tirs vers le but adverse (8 contre 9).

Depuis l’autre camp, l’Écosse a su profiter des erreurs individuelles adverses avec une glissade de Pedro Porro sur l’ouverture du score du brillant Scott McTominay, puis un kick and rush astucieux pour prendre de vitesse une défense ibérique parfois placée trop haut sur le terrain. Le reste du temps, l’Espagne a enchaîné ses traditionnelles phases de possession longue et n’a pas assez déstabilisé un onze écossais loin d’être avare dans les efforts. De manière assez étrange, l’Espagne n’a plus remporté de compétitions majeures depuis plus de dix ans, mais persévère dans l’art de monopoliser le ballon, quitte à ce que cela soit plus un danger pour elle que pour l’adversaire. Cela s’était déjà ressenti lors de la défaite face au Japon lors du Mondial au Qatar (malgré une possession de balle outrancière à 83%), puis l’élimination en huitième de finale contre le Maroc (77%). Depuis 2014, l’Espagne connaît les limites de son tiki-taka, mais parvient de moins en moins à faire le nécessaire pour remédier à ses carences. Tout un paradoxe.

Avoir le goût de la besogne

Sur ses cinq derniers matchs en compétition officielle, l’Espagne n’a gagné qu’une seule fois. C’était il y a cinq jours à Malaga contre une Norvège orpheline d’Erling Haaland. Et sans la maladresse de son remplaçant Alexander Sørloth, alors que le tableau d’affichage n’affichait que 1-0, le score aurait pu être bien moins flatteur que le 3-0 final. Cela dit, tout n’est pas à jeter après cette dernière déconvenue sur le sol britannique. Au rayon des belles surprises, La Roja s’est montrée dangereuse dans le domaine aérien. Joselu (23e) et… Rodri (29e) ont manqué de précision sur leurs tentatives de la tête, mais cela prouve qu’utiliser son gabarit et imposer sa puissance peut aussi déboucher sur un but. Plus que jamais, la clé de la réussite future de l’Espagne se trouve dans la déconstruction de ce dogme où tout se résume à se passer rapidement le ballon entre coéquipiers dans l’attente d’une potentielle défaillance défensive adverse.

« Avoir ou non la possession, ce n’est plus la préoccupation de la majorité des équipes nationales, car elles peuvent très bien jouer sans ballon grâce à leur placement sur le terrain, résumait déjà l’actuel entraîneur du FC Séville José Luis Mendilibar dans nos colonnes en 2020. À titre personnel, cela fait déjà plusieurs années de Liga que j’opte pour les attaques rapides et placées. Tu veux le ballon ? Pas de problème, je vais défendre et te contre-attaquer. » Le football, c’est de ne pas craindre une course rapide vers l’avant car elle peut s’avérer tranchante. C’est aller au contact de l’adversaire pour gagner des duels. En somme, être viril mais correct. Courir, tacler, nettoyer, c’était le quotidien de… Marcos Senna, milieu de terrain besogneux et moissonneuse-batteuse de l’Espagne championne d’Europe sous le mandat d’Aragonés. Avec son brassard autour du bras, Rodri ferait bien d’en prendre de la graine.

L'Espagne assure sa première place, la Norvège accroche l'Ecosse

Par Antoine Donnarieix

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