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Pour l'amour d'El Kaabi et des retournés acrobatiques

Par Ulysse Llamas
4 minutes

Le corps à l'horizontale, la tête en bas, le ballon au fond des filets Après son retourné contre les Comores, Ayoub El-Kaabi a récidivé contre la Zambie. Le Marocain prouve qu'il est capable de répéter un des plus beaux gestes du foot, qui évoque Wayne Rooney, Zlatan Ibrahimović, le hip-hop et ... son passé de charpentier.

Pour l'amour d'El Kaabi et des retournés acrobatiques

Il y a l’exploit, la prouesse, qui tient à la souplesse du buteur, à son énorme dextérité. Marquer deux bicyclettes en trois matchs officiels est tout simplement dingue. Il y a aussi l’utile, le truc qui ne sert pas qu’à faire le tour des réseaux sociaux. Après avoir inscrit un retourné contre les Comores, Ayoub El Kaabi a récidivé contre la Zambie, et valide la qualification du Maroc en huitièmes de finale de sa CAN. C’est magnifique.

Il lie l’utile, et le très agréable

Certains ont déjà réalisé deux retournés acrobatiques en… un match, comme João Neves, cette saison, contre Toulouse, ou, plus éloigné, le Finlandais Jonathan Johansson avec Charlton. Les jeunes se souviennent de la surprise de voir Gareth Bale s’élever en finale de Ligue des champions. Les plus mécaniques pensent à Cristiano Ronaldo. Les plus insolents évoquent Zlatan Ibrahimović, qui a inauguré un stade par ce geste. Les amateurs pensent à Aurélien Deniel. Les Mancuniens évoquent Wayne Rooney. Les Parisiens pensent à Amara Simba, quand les anciens se rappellent de Jean-Pierre Papin, voire de Leônidas da Silva ou de Hugo Sánchez, l’autoproclamé « inventeur du coup du scorpion » (voir So Foot numéro 200). Dans cette liste, tous ont bossé, tous ont décomposé les phases du retourné, comme des chercheurs en biomécanique l’ont montré en 2015. Ayoub El-Kaabi, fils de charpentiers, n’a pas ces parcours, mais rejoint cette caste d’égoïstes du buts-magnifiques gymnastes. Lui aussi, il peut créer un autre type d’homme : l’homme parallèle, celui qui est capable de modeler son corps en dehors de l’ordinaire. Car oui, le retourné envoie valser tous ceux qui hurlent « reste à ta place ». 

Son sens du timing est splendide. Chez le buteur de l’Olympiakos, la maîtrise est totale. Sa compilation de plus de trois minutes de retournés acrobatiques situe le Marocain au rang des joueurs devenus noms. Si on parle de Madjer depuis 1987 ou de Panenka depuis 1976, parlera-t-on un jour d’El Kaabi, un gars qui a joué en Turquie, en Chine et en deuxième division marocaine ? Certes, l’attaquant de 33 ans n’a pas créé la bicyclette Certes, ces deux gestes ont été réalisés dans des moments plus cruciaux qu’une phase de groupes de CAN à domicile ou qu’un match de Ligue Conférence. Mais en les réalisant, le joueur, non sélectionné pour le Mondial 2022, prouve qu’il est le spécialiste. Et il est d’une aide précieuse dans la mission marocaine. En se retournant, il plane et évite la double gravité du soir : l’élimination, et le retour sur terre.

Gravité, évitée

Dans les retournés acrobatiques d’El Kaabi, la rupture avec la gravité fascine. Contrairement au salto d’un gymnaste, peu importe si son corps s’écroule comme une crêpe ou qu’il mange de l’herbe. Ce qui compte dans le retourné, c’est l’altitude, le point de contact entre la balle et le pied. On dit d’ailleurs UN retourné car c’est le corps qui se retourne. Il s’envoie littéralement en l’air pour rattraper un ballon qui échappe, qui est déjà loin derrière. Les pieds sont « comme les lames d’une paire de ciseau », décrivait il y a plus de cent ans, Eduardo Galeano dans Le football, ombre et lumière, en parlant du Chilien Ramón Unzaga. Sur cette photo, prise contre les Comores, la position des membres rappelle l’Homme de Vitruve de Leonard de Vinci.

Par ce geste, le foot se rapproche du ski et du hip hop. C’est cette capacité à défier les airs, à défier le possible, à faire cohabiter instinct et beauté, qui est splendide. Cela fascine et fait rêver, alors qu’il aurait suscité les moqueries en cas de raté. D’ailleurs, le retourné est plutôt l’apanage de joueurs expérimentés, ceux qui ne pensent plus à l’échec. Dans le cas d’El Kaabi, la bicyclette peut même devenir une arme, une porte de sortie aux centreurs moins précis. Il suffit d’un corps à l’horizontale, d’une tête en bas. Ce n’est pas facile, mais c’est splendide.

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