F.Abriel : « Le rêve armoricain existe »
Les joueurs formés au PSG n'ont toujours eu que deux options, fuir ou périr. Fabrice Abriel a choisi la fuite. Trois ans d'exil amiénois avant de finalement poser son baluchon en Bretagne, au grand dam des marins-pêcheurs locaux. Sur les traces de "Lorient Express", interview bigoudène quelque part entre Tahiti, New York et Carnac...
Est-ce que comme 7,5% des Français, tu as décidé de partir en vacances en Bretagne ? (Rires) Généralement je pars toutes les vacances, loin de mon lieu de travail. Cet été, j’ai été pendant deux semaines à Tahiti voir Marama Vahirua, ensuite escale à New-York sur le retour, pour enfin finir à la Réunion.
Après deux saisons à Guingamp, tu entames ta troisième campagne à Lorient. C’est donc vrai que « la Bretagne, ça vous gagne » ? Ouais, ça vous gagne vraiment. Tous les amis qui viennent me rendre visite dans l’année sont agréablement surpris par le Morbihan, la Bretagne, le cadre, tout ça quoi… Tant qu’on n’a pas passé un peu de temps ici, ça vaut vraiment le coup.
Pour toi, Nantes c’est la Bretagne ? Normalement Nantes, ce n’est pas la Bretagne. Même si c’est vrai qu’ils sont considérés ici par les journaux, en terme de derby, comme faisant partie de la Bretagne.
Vannes, Brest, Troyes, Le Havre, Bordeaux, Nantes et enfin Caen pour achever votre préparation. Christian Gourcuff serait-il fan de cyclisme ? Ça, je ne sais pas. On va dire qu’il a privilégié la proximité des clubs, tout en prenant notre montée en puissance en compte. C’est à dire commencer par des équipes de Ligue 2 et finir avec des clubs de L1 pour se rapprocher petit à petit du championnat.
Physiquement, vous en êtes où ? Physiquement, on était moins bien que Bordeaux. Mais bon, eux doivent être prêts pour le 9 août, donc ils ont une semaine d’avance sur nous qui avons prévu une longue préparation pour faire un mois d’août sur le même rythme que l’année dernière.
Donc vous pensez enfin arriver à BIEN jouer un peu plus longtemps qu’une demie saison ? Pour résumé, l’année dernière on a fait un gros mois d’août, c’était bien jusqu’à mi-septembre. Après on a calé pendant neuf matchs, avant de retrouver la victoire contre Toulouse. Enfin on a bien négocié les virages à domicile contre Sochaux, Metz et Strasbourg, trois équipes concernées par le maintien. Par rapport à l’année précédente, la saison passée était un peu plus équilibrée, dans le sens où on n’a jamais vraiment raté des matchs. Même si, je le répète, on n’a pas gagné pendant neuf matchs, il n’y avait que deux ou trois défaites sur cette période.
Comment expliques-tu ce coup de moins bien récurrent une fois passé le mois de février ? Je ne sais pas. Peut-être la profondeur de l’effectif, il ne faut pas oublier aussi que l’on joue avec nos moyens.
Côté recrutement, c’est sobre mais efficace. Du Gourcuff en fin de compte ? Ouais voilà, par rapport à l’année dernière, il essaie d’apporter d’autres solutions à son équipe. Notre point fort c’était derrière, et tout le monde est resté. Au milieu, on avait un peu calé sur le côté droit, donc on a essayé de récupérer des joueurs dans cette optique. Devant, on voulait un attaquant de profondeur, d’où la venue de Kevin Gameiro. Sans prendre beaucoup de joueurs, on a voulu faire un recrutement cohérent, bien se renforcer. Car il ne faut pas oublier que les mois de janvier et février ont également été synonymes de blessures pour nous. Marama, Ulrich Le Pen, Hamed Namouchi, tous indisponibles plus ou moins longtemps. Nous avons dû jouer avec Ulrich Le Pen devant, ou encore avec le jeune Fabien Robert qui est normalement troisième ou quatrième solution à ce poste. On a essayé de tourner comme ça, tant bien que mal.
À propos de l’arrivée de Gameiro, c’est la première fois que tu joues avec un Kévin ? (il marque un temps de réflexion) Ouais je crois. En tout cas, on l’appelle déjà le Portugais ! (rires)
Pourquoi ça ? Bah parce que Gameiro c’est portugais, et comme ses parents et lui ne font pas trop portugais, il a un peu de mal à l’accepter. C’est vrai qu’il n’en a que le nom, mais ça ne n’empêche pas de le chambrer un petit peu avec ça.
Vous avez également pris Arnaud le Lan et Alban Joinel, l’ancien portier de Carquefou. Comme quoi, Lorient a aussi du cœur ? Du cœur ? Tu penses qu’on fait un recrutement d’amis pour un club d’amis ? Non mais Alban c’est notre troisième gardien, et un numéro 3 ne vient pas forcément de Ligue 1, il y a des critères. En plus il a fait une super saison l’année dernière et il mérite largement sa place. C’est vraiment bien pour lui, et pour nous aussi, surtout lorsque l’on a connu Ulrich Le Pen dans les buts en fin de match… (rires)
Et le Floridien Andrew Jacobson qui revient de prêt, c’est la confirmation que le rêve armoricain existe encore ? Il existe ! Plus que jamais ! Ici tu peux saisir ta chance, c’est un club qui joue au ballon et qui met en valeur les individualités par le collectif. Tu as une vie simple, dans un club simple, donc je pense que c’est plus facile pour un étranger de s’adapter ici.
C’est vrai que Vahirua ne sait pas nager ? (rires) C’est faux ! Tout simplement parce qu’à Tahiti, ils se déplacent tous à la nage. Et puis je te dis, j’y suis parti en vacances avec lui. C’était la première fois pour moi, on a été pêcher ensemble, on a vu des endroits extraordinaires où tu es obligé d’être dans l’eau.
Est-ce que tu peux, en exclu pour sofoot.com, dévoiler la prochaine coupe de cheveux de Nicolas Marin ? Alors là… je pense que malheureusement ce sera la même, c’est à dire une teinture argent !
Quel goût ça a, un biscuit « la Trinitaine » ? Ça a un goût de sable ! (rires) Non je rigole, ça a un goût de beurre, mais c’est vachement sablé…
Fabrice le merlu sait-il quel poisson il y a dans le poisson pané ? Bah, du merlu !
Non perdu, c’était du colin… Ah ouais, les fameux bâtonnets de colin.
Et est-ce que, comme Éric Cantona, tu penses que « marquer un but, c’est un peu comme pêcher un poisson » ? Comme pêcher un poisson ? Il l’a sortie où cette phrase ? Il était bourré ou quoi ?
Il l’a sortie lors du lancement de la bouteille de Pastis 51 qu’il a dessinée… (rires) Donc il était bourré, on est bien d’accord. S’il dit ça, c’est sûrement parce qu’il a marqué beaucoup de buts. Et moi, je ne sais pas pêcher du tout…
Donc avec l’augmentation du prix du fuel, on devrait voir de moins en moins de buts ? Pourquoi ?
Bah la pêche, les poissons, et les marins-pêcheurs qui sont en colère après l’augmentation du prix du fuel… Remarque, je suis peut-être allé la chercher un peu loin celle-là. (rires) Là, j’avoue… On ne peut pas toujours tout relier à la pêche.
À ton avis, qui seront les gros poissons et les petits alevins de la L1 cette saison ? J’ai bien l’impression que l’on se dirige vers le championnat anglais ou espagnol. Quatre grosses équipes devant, c’est à dire Lyon, Marseille, Paris et Bordeaux, qui ne laisseront que très peu de points aux autres. Si c’est comme en Angleterre, le maintien se jouera autour de 30 points. Nous, notre but c’est de pérenniser le club en L1. Car il faut quatre à cinq ans pour vraiment s’installer, attirer des joueurs, et vraiment faire partie du calendrier. Le problème, à notre niveau, c’est que l’on ne peut pas miser sur cinq ou six ans. L’effectif change constamment. On se fixe simplement l’objectif de faire mieux que l’année dernière, tout en sachant que ce sera très difficile. Globalement, si on obtient le maintien, on sera encore une fois heureux de laisser le club en L1. Chaque année est un bonus.
Depuis que tu t’es transformé en merlu, Lorient au Parc des Princes c’est 3-2 (doublé de Fiorèse) et 3-1 (doublé de Vahirua). Pourquoi tant de haine envers ton club formateur ? Non, il n’y a pas de haine. Si je joue avec la haine, je déjoue. C’est toujours bon pour nous de se montrer face à des équipes comme ça. Pour l’image du club, c’est du bonus. Ces matchs-là, on essaye de les jouer libérés. Après, c’est dommage que ça tombe contre eux, mais Marseille aussi on les bat deux fois lors de ma première année, et j’étais tout aussi content. (rires)
Pour finir, quand est-ce que vous aurez un stade avec quatre tribunes ? C’est en train de se mettre en place. Actuellement, il y a trois tribunes officielles et une en préfabriqué (sic) qu’ils avaient déjà enlevée. Mais ils ont été obligés de la remettre pour ne pas qu’on joue toute la saison avec une bâche derrière notre but, déjà que la capacité du stade n’est pas extraordinaire… En tout cas, le problème devrait-être réglé d’ici 2010.
Dommages collatéraux
Date de l’entretien : le 29 juillet 2008
Durée : 25 minutes 43.
Lieu et température : Interview réalisée sur la terrasse d’un petit pavillon en banlieue parisienne, sous perfusion de Coca frais, 31 degrés obligent.
Fabrice Abriel était, lui, en stage à Carnac (comptez 25 degrés de moins environ…), et déclare depuis sa chambre d’hôtel ne rien avoir consommé pendant l’entretien, thalassothérapie oblige.
Particularité : Carnac s’écrit Karnag en breton.
Bruits extérieurs : Aucun, pas même l’océan. Tristesse.
Répondeur : « Merci de me laisser un message… » Sobre mais efficace. Du Gourcuff en fin de compte.
Propos recueillis par Paul Bemer
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