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Delphine Cascarino : « Le statut de challenger, ça nous va mieux »
À 28 ans, Delphine Cascarino s’apprête à vivre sa quatrième compétition internationale après avoir manqué le Mondial 2023 à cause d’une blessure aux ligaments croisés. Tout juste revenue des États-Unis pour terminer la préparation de l’Euro avec les Bleues et à l’aube du dernier match amical avant le départ en Suisse, la n°20 tricolore s’est confiée sur son changement de vie depuis son départ à San Diego et ses aspirations pour cet Euro.

Vous avez rejoint le groupe seulement lundi pour cette dernière semaine de prépa en France. Pas trop difficile de prendre le train en marche ?
Physiquement, ça va, je suis en pleine forme. J’ai du rythme étant donné que j’ai joué trois matchs avec mon équipe (le Wave de San Diego, troisième de NWSL, NDLR) et j’ai besoin de ce rythme. Si je ne joue pas pendant un certain moment, je peux être moins performante. Et voilà, il y a un peu de décalage horaire, mais depuis quelques mois maintenant, je m’adapte et j’arrive à gérer ça correctement. De toute façon, par rapport à nos contrats avec la NWSL, on ne peut pas quitter notre club avant la date FIFA. Quoi qu’il arrive, je n’aurais donc pas pu être libérée.
Est-ce que ça ne vous a pas inquiétée de vivre cette préparation en différé par rapport au reste du groupe ?
Je n’ai pas été inquiète parce qu’avec mes coéquipières, on se connaît par cœur en dehors et sur le terrain. Ce n’est pas comme si j’étais une nouvelle joueuse qui manquait toute une préparation. J’ai fait beaucoup de préparation avec ces joueuses et avec ce staff, je connais tout le monde, certaines depuis une dizaine d’années, donc c’est comme si je n’étais jamais partie.
Ça fait pratiquement un an que vous avez rejoint San Diego et les États-Unis, comment vous vous sentez là-bas ?
Je me sens plutôt bien, j’ai été bien intégrée par l’équipe, par le nouveau staff et je me sens bien dans cette nouvelle ville, je suis contente d’y être.
Vous avez quitté Lyon où vous avez tout gagné pour rejoindre la NWSL, un championnat qui vous a toujours fascinée. D’où vient cet attrait pour les États-Unis ?
Quand j’étais jeune, la première compétition que j’ai suivie, c’était la Coupe du monde 2011 (en Allemagne, NDLR). J’y ai découvert l’équipe de France à ce moment-là, mais surtout celle des États-Unis et Alex Morgan, une joueuse que j’admirais. Durant toute ma carrière, je suivais de loin un peu ce qui se passait outre-Atlantique, ça m’a toujours fascinée au point de me dire : « Pourquoi pas un jour aller jouer aux États-Unis ? »
À l’OL, on perdait très peu de matchs, donc quand ça arrivait, c’était vraiment un crève-cœur. Aux États-Unis, on sait que même si on perd, la saison est longue.
Depuis votre arrivée, quels sont les changements que vous avez pu observer entre la Première Ligue et la NWSL ?
Je pense qu’il y a une différence au niveau du rythme et de l’intensité dans le jeu. Techniquement, c’est aussi un peu différent : en France, on essaie de conserver le ballon, alors qu’aux États-Unis, c’est un jeu un peu plus direct. Je trouve aussi que le championnat américain est plus difficile, parce que toutes les équipes sont très concurrentielles. C’est-à-dire qu’il y a de bonnes joueuses dans toutes les équipes, étant donné qu’il y a un salary cap, ce qui fait qu’il n’y a pas une formation qui a plus de moyens que les autres, et qui peut être favorisée par rapport à ça. En Europe, plus on a des moyens, plus on a de grandes joueuses, ce qui crée un décalage et une inégalité de niveau. On l’a beaucoup moins aux États-Unis, donc chaque saison il y a un vainqueur différent, le premier peut perdre contre le dernier. C’est très compétitif.
Actuellement, vous êtes troisième de NWSL avec San Diego. À l’OL, vous avez rarement connu la défaite, en particulier en championnat. Est-ce que ça a changé votre perception de la défaite ?
C’est sûr qu’en arrivant à San Diego, surtout la saison dernière où on n’était pas très bien classées, perdre souvent, c’était quelque chose d’inconnu pour moi. Il a fallu que je m’adapte, et ne pas prendre ces défaites comme quand j’étais à Lyon. À l’OL, on perdait très peu de matchs, donc quand ça arrivait, c’était vraiment un crève-cœur. Aux États-Unis, on sait que même si on perd, la saison est longue. On est forcément déçues, mais on sait que tout peut arriver en un match. Une défaite en NWSL a un impact moins important que quand je jouais à l’OL et qu’on était à la course avec le Paris Saint-Germain pour remporter le championnat. On savait que si on perdait un match, elles n’allaient pas le perdre et elles allaient passer devant. Il y a moins cette sensation d’échec quand on perd aux US.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile à quitter lorsque vous êtes partie de Lyon ?
Le plus dur, c’était de laisser derrière moi mes coéquipières, le club, un peu tout le monde, parce que ça faisait une quinzaine d’années que j’étais là. J’étais à l’OL depuis que j’avais 9 ans, donc je quittais ma maison, ma famille aussi, c’était un peu difficile, mais je m’y suis faite.
Vous avez choisi le numéro 69 quand vous êtes arrivée à San Diego. Est-ce que c’était important pour vous de garder un bout de Lyon ?
Oui, forcément. C’était un petit clin d’œil que je faisais à l’OL. Mon cœur est toujours lyonnais. Après, aux États-Unis, ils n’ont pas trop compris le choix de ce numéro. Mais tant que moi, je le comprenais et que les Lyonnais le comprenaient, c’était l’essentiel.
Là-bas, vous êtes arrivée avec Perle Morroni, puis Kenza Dali vous a rejoint par la suite. Est-ce que ça vous a fait du bien de voir des têtes familières ?
Ah oui ! Quand j’ai appris que Perle venait et plus tardivement que Kenza aussi, ça m’a fait plaisir de partager le même maillot avec d’anciennes coéquipières. Ça m’a rassurée aussi par rapport à l’intégration, je savais qu’elle allait être un peu plus facile, j’étais super contente d’apprendre leur venue.

En partant à San Diego, vous n’avez pas eu peur de mettre votre carrière en sélection en jeu ?
Non, je ne me suis jamais posé cette question, je n’ai jamais eu peur. Quoi qu’il arrive, je me donne toujours à fond. Si j’avais été amenée à ne pas être sélectionnée, ça aurait été la vie. La vie de sportif, c’est comme ça, des fois, il y a des choix à prendre. Même à l’autre bout du monde, je me donne à fond pour être sélectionnée.
De plus en plus de joueuses françaises partent à l’étranger, alors qu’auparavant, c’était très rare. Qu’est-ce que vous pensez de cette dynamique ?
Humainement, c’est que du positif pour une sportive d’aller jouer dans un autre championnat, découvrir une autre culture, une autre langue. Je pense que ça apporte individuellement, mais aussi à l’équipe de France parce que ce sont des expériences qu’on n’aurait pas eues si on était restées toute notre carrière en France.
Vous avez manqué la Coupe du monde en 2023 à cause de votre blessure au genou, puis vous avez connu une élimination en quarts aux JO l’année dernière. Est-ce que vous abordez cet Euro avec un esprit de revanche ?
Oui, on a à cœur de faire mieux. Comme vous l’avez dit, j’ai raté une compétition majeure. Là, j’ai envie de jouer, j’ai envie de profiter avec mes coéquipières, et forcément on a envie d’aller gagner un titre, un titre qu’on n’a pas encore et on va travailler pour.
Le verdict est tombé. Je souffre d’une rupture partielle du ligament croisé, et je vais donc devoir me faire opérer dans les jours à venir. Malheureusement je ne vais pas pouvoir participer à la coupe du monde cet été avec mes coéquipières 🇫🇷 Merci à tous pour vos messages 🙌🏽 pic.twitter.com/pZea9Ntv2p
— Delphine Cascarino (@delphsix) May 25, 2023
On parle à l’étranger de la France comme une des favorites, pourtant, côté équipe de France, on tend à tempérer en se présentant comme un challenger. Dans quelle optique vous abordez cet Euro ?
Pour moi, le terme challenger correspond bien à notre équipe, étant donné qu’on n’a rien gagné encore. Donc nous associer au fait d’être favori, je pense que ce serait un peu trop prétentieux. On a encore tout à prouver, donc le statut de challenger, ça nous va mieux.
Les non-sélections de Wendie, Eugénie et Kenza, c’est assez triste pour elles, mais pour nous aussi, parce qu’en tant que sportives et en tant que femmes, ce sont des personnes qu’on apprécie.
L’équipe de France semble entrer dans une nouvelle ère avec les non-sélections de joueuses majeures comme Wendie Renard, d’Eugénie Le Sommer et de Kenza Dali. Est-ce que la génération qui arrive et dont vous faites partie va enfin pouvoir remporter ce premier trophée ?
Leur non-sélection, c’est assez triste pour elles, mais pour nous aussi, parce qu’en tant que sportives et en tant que femmes, ce sont des personnes qu’on apprécie. Mais quoi qu’il arrive, on va essayer de tout donner pour gagner, et je ne sais pas si sans elles ou avec elles, on aura plus ou moins de chances de l’emporter, seul l’avenir nous le dira.
Depuis que Laurent Bonadei a pris la tête de l’équipe de France, il y a eu l’arrivée d’un préparateur mental dédié à l’équipe. Est-ce que ça peut faire la différence lors de l’Euro ?
C’est un plus. Le fait d’avoir déjà plus de moyens, plus de staff dans l’équipe, c’est forcément positif pour nous et pour notre progression. Et oui, l’aspect mental est aussi très important et c’est peut-être ce qui nous a fait défaut dans le passé. Donc là, on est très contentes d’être mieux accompagnées.
Vous êtes aussi très proche de votre sœur jumelle, Estelle. Pourtant, vous n’avez pas longtemps évolué ensemble en professionnel, tout comme en sélection A, où vous avez « seulement » disputé les JO ensemble l’été dernier. Est-ce que c’est un regret pour l’instant de ne pas avoir pu jouer plus avec elle ?
Oui, j’aurais aimé faire plus de compétitions avec elle, mais il nous reste encore un peu de temps pour ça, donc j’espère que ça se réalisera un jour.
Elle vivra tout de même la compétition dans un rôle différent, après sa blessure survenue en décembre, puisqu’elle fait partie du dispositif de TF1 pour couvrir cet Euro.
Oui, c’est important le fait qu’elle soit autour de l’équipe, que je puisse la voir. Qu’elle m’interviewe, ça peut être spécial, mais je suis contente de l’avoir quand même auprès de moi. Avoir un membre de sa famille pas loin en compétition, c’est toujours un point positif, donc c’est bon à prendre.
Les Bleues enregistrent un retour important à quelques jours du début de l’EuroPropos recueillis par Léna Bernard, à Clairefontaine
Propos recueillis par LB.