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Álex Berenguer et l'explosive clause anti-Athletic

Par Jérémy Lequatre-Garat
6 minutes
Álex Berenguer et l'explosive clause anti-Athletic

Alors que l’Athletic et Osasuna s'opposent ce mois-ci en demi-finales de la Coupe d’Espagne, l’affaire opposant le club navarrais au Torino s'est dénouée la veille du match aller. Les Italiens doivent payer 1,5 million d’euros à Osasuna pour avoir vendu Álex Berenguer aux Bilbayens.

C’était très tendu sur la pelouse du stade navarrais d’El Sadar mercredi 1er mars. Osasuna et l’Athletic Club y disputaient le match aller des demi-finales de la Coupe du Roi. Si plusieurs éléments passés par le centre de formation de Pampelune composaient les rangs du club bilbayen, aucun n’est parvenu à empêcher la victoire méritée d’Osasuna (1-0). Prêté par le FC Barcelone, le jeune Marocain Ez Abde a offert une belle option aux Rojillos avant le retour prévu le 4 avril à San Mamés. Un succès qui sonne comme une première vengeance envers un voisin basque souvent dérangeant. Au-delà de ce match, les rapports entre les deux clubs semblent enfin s’être stabilisés. « Nos relations sont bonnes et le resteront tant qu’on nous respectera. Quand ce n’est pas le cas, c’est normal qu’on se fâche, ce sont des choses qui arrivent. Nous ne valons ni plus ni moins qu’un autre. Le respect est très important, et il faut maintenir de bon contact avec ses voisins », a tenu à situer Luis Sabalza, le président d’Osasuna, dans les colonnes d’AS à vingt-quatre heures de la rencontre. Un discours très éloigné de celui qu’il a tenu pendant les fêtes de San Fermín 2017, au moment d’annoncer la rupture de toute relation avec les Leones.

Rien pour le voisin

Ayant des moyens financiers plus importants, l’Athletic a parfois tendance à attirer les jeunes pépites navarraises convoitées par Osasuna. Après le transfert du défenseur Jesús Areso – dont la clause libératoire de 450 000 euros a été payée par les Zuri-gorriak alors qu’Osasuna était sur le point de le faire signer chez les pros –, décision est prise d’ajouter systématiquement une « clause anti-Athletic » dans les contrats des joueurs vendus à l’étranger. Álex Berenguer est le premier à la recevoir. Sur les tablettes du club de Biscaye depuis quelques années, il rejoint finalement le Torino en juillet 2017, dix jours après le départ d’Areso. Comme convenu, la formation italienne consent à signer la clause stipulant qu’elle devra verser un million et demi d’euros à Osasuna en cas de vente de l’ailier à l’Athletic.

Transaction qui intervient à l’automne 2020, lorsque les Basques envoient un chèque d’environ dix millions d’euros au Toro pour obtenir Álex Berenguer. Les Navarrais réclament le million et demi d’euros, mais les Italiens refusent de mettre la main à la poche, arguant de l’aspect illégal de la clause anti-Athletic. Cette dernière n’est d’ailleurs pas propre à Osasuna. Au début d’année 2018, la Real Sociedad a vendu l’attaquant Eneko Jauregi au Cádiz CF en imposant une clause libératoire de douze millions d’euros. El Correo est pourtant en mesure d’affirmer qu’elle s’élève à trente millions d’euros pour le rival basque. Rien que ça. En juillet 2016 déjà, le Borussia Dortmund avait refusé de la parapher lors de l’achat de Mikel Merino. Osasuna avait finalement cédé, permettant la vente du milieu de terrain sans l’inclure. Un renoncement que le vice-président Alfonso Ramírez n’a pas voulu reproduire avec Álex Berenguer. Le Torino a donc accepté de signer cette clause et doit maintenant s’en acquitter. C’est ce qu’a déjà estimé la Chambre de résolution des litiges de la FIFA dans un verdict rendu en août 2021, dont les Italiens ont rapidement fait appel.

Une affaire terminant dans les bureaux du TAS

L’Athletic ne s’est jamais publiquement exprimé à ce sujet, pas plus que le Torino. Le joueur navarrais a simplement reconnu son existence. « C’est quelque chose du passé, qui était dans mon précédent contrat de vente. Si j’étais anti-Athletic, je ne serais pas ici », a ironisé Álex Berenguer lors de sa présentation à San Mamés. Confirmant les récents propos du président d’Osasuna, Fernando Ciordia Aranaz assure que « les relations entre les deux clubs sont correctes depuis déjà quelque temps ». Selon ce journaliste sportif de Diario de Navarra, le club de Pampelune ne continuera pas d’inscrire la « clause anti-Athletic » dans ses contrats de vente. Hasard du calendrier, le Tribunal arbitral du sport (TAS) a rendu son avis définitif le 28 février 2023, à la veille de la demi-finale aller de Coupe du Roi. L’institution internationale, médiateur ultime après un pourvoi en appel, n’a pas manqué de donner également raison à Osasuna, obligeant définitivement le Torino à s’acquitter de la somme due. Mais aussi des intérêts contractés sur plus de deux ans « et d’une partie des frais de la défense légale d’Osasuna ». L’actuel onzième de Serie A réalise ainsi une bien mauvaise opération financière. L’addition totale due par le Torino devra être acquittée dans un délai de quarante-cinq jours. Sans quoi de nouvelles pénalités viendront subséquemment s’ajouter.

Le TAS a ainsi rappelé que les termes d’un contrat lient ceux qui l’ont signé. « Il s’agit du principe du pacta sunt servanda », nous explique Me William Sternheimer, du cabinet international Morgan Sports Law, spécialisé dans la résolution des litiges liés au sport. « À partir du moment où les clubs ont négocié, intégré et signé un contrat dans lequel cette clause est stipulée, elle lie les parties et doit être respectée », ajoute cet avocat expert dans les contentieux footballistiques.

Clause utilisée par le Torino pour gonfler le prix de Berenguer

Quand bien même la FIFA considérerait qu’elle va à l’encontre de ses règles, la clause a été librement signée par deux clubs professionnels de niveau équivalent. « On ne peut pas parler ici de négociations déséquilibrées. Dès lors, le contrat établi prévaut pour ce qui concerne les relations entre les parties », appose Me Sternheimer. « Une violation de l’ordre public ou des règles obligatoires du droit pourraient faire exception à ce principe si la clause devait être exécutée ; ce qui la rendrait nulle. Bien qu’on puisse considérer qu’elle soit injuste ou discriminatoire vis-à-vis de l’Athletic, ce n’est pas une clause qui vient a priori bousculer les droits fondamentaux », remet en contexte celui qui a travaillé pendant dix ans au TAS. Les calculs réalisés par William Sternheimer permettent d’établir que les intérêts dus par le Torino à Osasuna sont d’environ 190 000 euros. Un coût qui vient ensuite s’ajouter aux frais d’arbitrage du TAS – estimés entre 20 000 et 40 000 euros selon la composition de la Formation arbitrale – puis aux frais d’avocats. La somme finale, qui ne prend pas en compte la note engendrée par le passage d’août 2021 devant la FIFA, devrait donc avoisiner les 1 750 000 euros. Un montant confirmé par le journaliste Fernando Ciordia Aranaz. Certainement pas découragé par le faible taux d’intérêt de 5 %, le Torino a voulu tenter le tout pour le tout en enchaînant les recours jusqu’à l’instance suprême. Pourtant, comme le rappelle le journal Diario de Navarra, le club italien avait bien fait valoir l’argument de la « clause anti-Athletic » pour vendre Álex Berenguer au meilleur prix. Peut-être qu’elle n’était pas si illégale que ça, tout compte fait.

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Par Jérémy Lequatre-Garat

Tous propos recueillis par Jérémy Lequatre-Garat, sauf mentions.

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