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« Arda Turan est un sale type »

Propos recueillis par David Alexander Cassan
«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Arda Turan est un sale type<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Réalisateur turc de 27 ans dont le premier long-métrage, Album de famille, a été présenté à la Semaine de la critique de Cannes, Mehmet Can Mertoğlu aime trop le foot pour ne pas en parler avant le match d'une équipe nationale qui le fait moins vibrer que son équipe locale.

Les personnages d’Album de Famille parlent sans arrêt de foot : parce que vous êtes vous-même fan de foot, ou parce que les Turcs parlent vraiment de foot sans arrêt ? Parce que les Turcs parlent vraiment de foot sans arrêt : je suis sûr qu’en ce moment même, il y a 20 millions de personnes qui y parlent de foot, dans les cafés ou ailleurs. Après, il se trouve que je suis moi-même un passionné de foot : j’ai toujours regardé les matchs, j’ai longtemps été accro aux paris sur le foot. D’ailleurs, la scène de la salle des profs, où les personnages parlent de leurs paris, est presque autobiographique : j’avais un prof d’histoire qui ne nous a jamais fait cours de l’année, pour nous parler des résultats du championnat, de ses paris…

Et vous êtes supporter ?J’ai grandi en province, dans une ville qui s’appelle Akhisar, et suis donc supporter d’une équipe qui s’appelle Akhisarspor. Quand j’étais gosse, ils étaient encore à moitié amateurs et jouaient en quatrième division, mais j’allais à tous les matchs. Je soutiens aussi Galatasaray, mais quand on me demande qui je soutiens, je réponds d’abord Akhisarspor.

Il y a très peu d’Africains en Turquie, et la plupart des gens ne voient des noirs que pendant les matchs de foot : pour beaucoup, les Africains ne sont que des créatures qui jouent au foot.

Ce n’est pas frustrant, que les clubs stambouliotes se partagent systématiquement les titres ?C’est pour ça que je soutiens aussi Galatasaray, mais je suis un romantique : quand on voit ce que Leicester a fait en Angleterre, on se dit que les choses peuvent changer. En plus, ce qui existe en Turquie existe désormais à une autre échelle un peu partout ailleurs, les inégalités budgétaires ont augmenté : on le voit avec l’arrivée des princes arabes au PSG par exemple… Ça devient compliqué dans certains championnats, mais la cote de Leicester en début de saison était de 5000 contre 1, et ils ont gagné : c’est peut-être le début d’un changement, qui sait ?

Quand vos personnages parlent de foot, ils sont souvent très négatifs ; était-ce le ton qui vous intéressait, ou en profitez vous pour donner votre avis sur le football turc ?Les gens aiment voir des gens qui ne réussissent pas, des histoires de déclin. Et puis avec le foot, il faut payer pour aller au stade, payer un abonnement pour voir un match à la télévision… La spécificité de la Turquie, c’est qu’il y a beaucoup d’argent dans le foot, mais le jeu est de très mauvaise qualité, les terrains sont très mauvais… Mais je pense que si tout était nickel, les gens trouveraient quand même des choses à redire.

C’est un sujet évoqué dans le film : quel avis portez-vous sur l’apport des joueurs étrangers en championnat turc ?La Turquie, c’est un peu comme le Qatar ou la Chine : c’est une étape pour de grands joueurs vieillissants qui viennent se faire des millions sans trop d’efforts. Ça n’empêche pas qu’il y ait une attente énorme : on va attendre des miracles d’un joueur, même vieux, parce qu’il est étranger. Quand Wesley Sneijder est venu, les supporters attendaient qu’il marque cinq buts par match. Quand Mario Jardel avait marqué 35 buts en 42 matchs avec Galatasaray, Turgay Şeren, un ancien gardien de but devenu consultant, avait écrit dans sa chronique : « Ce mec ne fait rien à part marquer des buts. » Mais qu’est-ce qu’il pouvait faire de plus ?

J’adorais Dario Hübner. Il n’était pas le plus connu, mais c’était un super buteur : je crois que je l’aimais bien parce que je venais d’une petite ville et qu’il ne jouait que pour des petites équipes.

Le film laisse entrevoir le racisme qui existe dans le football turc ; est-il circonscrit au foot ? Ça dépasse évidemment le cadre du foot, parce que le racisme est partout, mais c’est pendant les matchs qu’il devient le plus visible, parce que les gens viennent se défouler. Le racisme ressort aussi pendant les matchs de foot parce que démographiquement, il y a très peu d’Africains en Turquie, et la plupart des gens ne voient des noirs que pendant les matchs de foot : pour beaucoup, les Africains ne sont que des créatures qui jouent au foot. L’ancien président de Trabzonspor, Mehmet Ali Yılmaz, qui a aussi été ministre de la Jeunesse et des Sports, avait fait venir Kevin Campbell de Nottingham Forest : il l’a traité de cannibale, avant de dire « on pensait avoir acheté une machine à marquer, mais on a acheté une machine à laver » . Évidemment, Campbell a vite fait demi-tour et a quitté le pays. Dans un pays comme la Turquie, si les gens entendent un président de club et ancien ministre manifester leur racisme comme ça, ils se disent qu’ils peuvent bien dire ce qu’ils veulent : ça rend le racisme acceptable.

Quels sont vos meilleurs souvenirs de l’équipe nationale ?Quand j’étais enfant, j’avais un regard beaucoup plus innocent, ou même naïf sur l’équipe nationale. Je me souviens de l’Euro 1996 : j’étais très fier que la Turquie soit présente, même si on n’avait pas marqué le moindre point. Aujourd’hui, l’équipe nationale est très politisée, l’entraîneur, Fatih Terim, n’est pas un personnage très sympathique, et ça ne m’intéresse plus comme avant. Un quelconque match d’Akhisarspor m’intéresse plus qu’un match de l’équipe nationale, finalement. Je vais quand même suivre l’Euro 2016, même si je pense que la nouvelle formule à 24 équipes va nuire à la qualité de la compétition.

Est-ce qu’il y a un joueur en particulier avec lequel vous avez grandi, une idole de jeunesse ?Il y en a beaucoup, forcément. Je peux citer Hakan Şükür, que j’adorais enfant, même s’il est devenu politicien depuis… Il y avait aussi le Colombien Carlos Valderama, Marcel Desailly, et un footballeur italien qui s’appelait Dario Hübner. Il est moins connu, mais c’était un super buteur : je crois que je l’aimais bien parce que je venais d’une petite ville et qu’il ne jouait que pour des petites équipes. Il a quand même terminé meilleur buteur du championnat d’Italie !

Est-ce que vous jouez, ou jouiez ?Bien sûr, je jouais beaucoup quand j’étais gosse. Je n’ai pas envie de dire que j’étais nul, mais je n’étais vraiment pas doué : j’étais milieu défensif et je faisais ce que j’avais à faire, mais c’est tout. Un porteur d’eau, quoi. Ça fait des années que je n’ai pas joué, mais ça ne me manque pas trop : je préfère regarder les matchs.

Arda Turan, lui, représente bien la Turquie : il n’est pas très intéressant, il a un peu fricoté avec la politique…

Pourquoi est-ce que la demi-finale de la Coupe du monde 2002 ne vous a pas laissé un souvenir plus impérissable ?Je ne l’ai pas citée parce que ce n’était pas une super Coupe du monde : la Turquie a eu la chance de ne pas jouer d’équipes européennes, de ne jouer que des équipes assez médiocres. Le Sénégal avait bien battu la France, mais c’était un exploit, et on ne les a battu que sur un but en or, puisque ça existait encore à l’époque. En plus, il y a eu plein de scandales d’arbitrage pendant cette Coupe du monde, pour les matchs de la Corée contre l’Italie et l’Espagne. Et puis la star de l’équipe était İlhan Mansız, qui jouait à Beşiktaş, et je le détestais : je n’avais d’yeux que pour les joueurs de Galatasaray. Cette Coupe du monde ne m’avait pas passionné à l’époque, je n’avais pas vraiment pris de plaisir.

En 2002, la Turquie avait quand même une très belle génération : qui sont les successeurs de ces grands joueurs aujourd’hui ?Cette génération-là, avec Hakan Sukur ou Emre, était vraiment exceptionnelle. Aujourd’hui, les meilleurs joueurs turcs ont grandi et ont été formés en Allemagne. Je peux citer Hakan Çalhanoğlu par exemple, qui est très bon, mais aussi Enes Ünal : il n’a que 18 ans, il était prêté par Manchester City au NAC Breda cette année, et je pense qu’il deviendra un super joueur. Arda Turan, lui, représente bien la Turquie : il n’est pas très intéressant, il a un peu fricoté avec la politique… J’ai vu il y a deux jours qu’il a menacé quelqu’un sur Instagram qui lui conseillait d’aller s’entraîner plutôt que de poster des photos sur Instagram, alors qu’il vient d’être sélectionné dans le pire onze de la Liga pour la saison. Il faut vraiment être un sale type pour menacer ouvertement quelqu’un sur Instagram.

En tant que parieur, si vous deviez parier sur le résultat de la Turquie à l’Euro, vous parieriez quoi ?Il y aura plein de petites équipes comme l’Albanie cette année, et ça va être intéressant de voir si le fait qu’ils soient très motivés va compenser leur niveau a priori plus faible. Je n’attends pas de miracle pour la Turquie, mais Fatih Terim est bon pour ce genre de tournois : même si ce n’est pas un type génial, il arrive à motiver ses joueurs… Je pense qu’ils vont battre les Tchèques. Contre l’Espagne, je pense qu’ils feront jeu égal en première mi-temps, qu’on sera contents d’être au niveau, mais que l’Espagne va plier le match en deuxième. Maintenant, la génération dorée de l’Espagne a un peu vieilli, et les nouveaux ne sont pas encore très bien intégrés, donc on ne sait jamais…

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