Football makes politic
Trop nombreuses sont surtout en France les belles âmes qui n’ont pas percuté les différentes facettes, finalement la cohérence, de ce qu’avait accompli Marcus Rashford. Il ne s’agit en rien d’une quelconque démarche de philanthropie, ce dont se révèlent tout à fait aptes pour le coup, et régulièrement, nos stars à crampons hexagonales. Le Mancunien a utilisé, presque par devoir, son statut pour interpeller son gouvernement, mobilisé des députés, des élus du peuple, pour que l’État assume sa mission envers les enfants les plus démunis du Royaume, et ce via un service public. Nous sommes à des années-lumière des campagnes pour des pièces jaunes ou les Restos du cœur. Marcus Rashford ne se l’est pas permis malgré le fait qu’il était footballeur, mais justement au nom de cette particularité. Le football est pleinement reconnu au sein du Royaume-Uni comme une part constitutive de l’identité nationale, et longtemps spécifiquement de la classe ouvrière qui, comme l’écrivait l’historien marxiste Eric J. Hobsbawm, reposait sur trois piliers : le club, le pub et le syndicat.
Nous sommes en 2020 dorénavant. Toutefois, en tant que footballeur, Marcus Rashford sait qu’il possède une légitimité et quelque part une obligation de penser plus loin que le terrain de foot, puisque le terrain se trouve bien au centre de la vie de la cité.
République du foot ?
En revanche, sous les ors de la République, les footballeurs, surtout en exercice, sont encore soumis au soupçon de l’imposture. Leur méritocratie ne répond pas aux critères habituels : universitaires, militaires ou patrimoniaux. Pas besoin des centres de formation pour qu’ils comprennent vite, que davantage que toutes les Zahia, leur parole politique peut s’avérer obscène aux yeux et aux oreilles de la plupart de nos élites, surtout dans les ministères ou les travées de l’Assemblée. Imaginons-nous Kylian Mbappé se rendre auprès de François Ruffin pour faire voter une loi en faveur de l’encadrement des enfants autistes dans le milieu scolaire. Certains poufferaient d’indignation, à une sorte de vulgarité et de nivellement par le bas du débat parlementaire. Cela n’aurait rien d’indigne. Cela pèserait plus qu’un tweet et rappellerait que la démocratie signifie le pouvoir au peuple. Et que les joueurs de foot font partie du peuple.
Par Nicolas Kssis-Martov
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