Triste anniversaire
Voici un an Yann Lorence, supporter parisien du Kop of Boulogne (KOB), était agressé par des fans du virage Auteuil répondant à une attaque d’une frange de Boulogne devant leur virage. Violemment passé à tabac, il devait succomber à ses blessures quelques jours plus tard. Si l’enchaînement des événements est assez bien établi (voir l’article “Paris Match” dans le n°75 de So Foot), les circonstances du drame ne sont pas totalement éclaircies. Notamment, les responsables de l’agression n’ont pas tous été identifiés. Inquiète de voir l’enquête piétiner devant le silence des deux “camps” rivaux, la famille de Yann Lorence a lancé vendredi un nouvel appel à témoignages. Dans une instructive interview accordée au Parisien, son père reste convaincu que « Yann a été pris à partie alors qu’il marchait passivement avec une bière à la main. Il était au mauvais endroit » . Il affirme également avoir découvert l’appartenance de son fils à un groupe « radical » à l’occasion de ce drame. Il annonce que la famille ne participera pas à l’hommage du KOB, prévu ce soir à 19h devant la Tribune G du Parc des Princes : « Yann a déjà payé pour toutes ces violences et désormais ça suffit. Je ne veux pas apparaître aux côtés d’une partie ou de l’autre des supporters. De notre côté, on ira au cimetière en famille, mais de manière privée. On veut se retrouver seuls » .
Les difficultés de l’enquête sont sans doute liées à la situation confuse au moment du drame. Elles s’expliquent aussi peut-être par les responsabilités multiples, à divers niveaux, qu’il conviendrait d’établir. Celle des agresseurs de Yann Lorence qui se sont acharnés sur un homme à terre. Celle des radicaux de Boulogne qui ont attaqué leurs rivaux après un après-midi à chanter des slogans racistes. Celle aussi des forces de l’ordre qui ont été incapables de tenir à distance les deux camps et ont été débordées par un groupe pourtant identifiable du KOB, alors qu’aucun supporter marseillais n’était présent. Sans parler de l’aberrante gestion par les pouvoirs publics du Lille-PSG de janvier 2010 où l’attaque de Boulogne contre Auteuil était non seulement restée impunie mais avait conduit à l’évacuation du stade des ultras d’Auteuil, renforçant leur hostilité (qui s’était déjà exprimée dans les semaines précédentes) à l’encontre du KOB.
La mort de Yann Lorence a durement frappé sa famille et ses proches. Elle a aussi transformé le Parc et plus largement les tribunes françaises. Elle a suscité une vague de répression sans précédent (interdictions de stade et dissolutions d’associations de supporters). Elle a convaincu le président du PSG d’adopter un plan radical supprimant les abonnements dans les tribunes Auteuil et Boulogne (sur les atouts et les limites de ce plan, voir nos deux articles PSG-OM huit mois après et Les abonnements sans les abonnés).
Elle a également entraîné le durcissement des mesures anti-hooligans : si la fermeté nouvelle des pouvoirs publics envers la violence et le racisme est louable, les conséquences de cette politique dépassent les seuls supporters violents et racistes et commencent à être discutées. (Voir deux articles récents publiés sur notre site : LOPPSI 2 et criminalisation des supporters et Quelle politique de gestion des supporters ?, et également un article d’Anthony Cerveaux dans Libération de vendredi dernier Les supporters sifflent l’arbitraire de la loi LOPPSI 2 ou encore un papier Délit de supportérisme paru aujourd’hui sur le blog de Jérôme Latta sur lemonde.fr).
JPM et QB