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Tactique : comment Lens a fait dérailler l’OM

Par Maxime Brigand
Tactique : comment Lens a fait dérailler l’OM

Au lendemain du combat entre Anthony Joshua et Alexandre Usyk, Jorge Sampaoli et Franck Haise ont à leur tour enfilé les gants dimanche soir pour se livrer un combat tactique de tous les instants. Au bout de la nuit, Marseille, qui n’avait jamais été mené sur sa pelouse cette saison, a jeté les armes aux pieds d’un RC Lens au plan de jeu parfait (2-3).

C’est l’objet d’une quête de tous les instants. Celle pour qui chaque entraîneur se lève chaque matin, pour qui chaque joueur s’arrache à chaque séance. C’est elle qui fait naître les sourires et aide à défaire les adversaires, elle qui change tout, elle qui sert de socle pour renverser les montagnes les plus complexes à gravir. Elle, c’est la force collective, fantasme de tous les coachs du monde, notamment de Franck Haise, 50 ans, qui place toujours cette bête invisible au-dessus de tout. Septième de Ligue 1 au bout de sa première saison dans l’élite au printemps dernier, l’inventif technicien du RC Lens n’a rien perdu durant l’été, et ses Sang et Or ont plongé dans ce nouvel exercice avec la même envie, les mêmes automatismes, la même soif d’être à l’initiative des événements plutôt que de les subir. « J’ai toujours été persuadé que notre bonheur passerait par notre volonté d’imposer quelque chose », justifiait récemment Haise, et il est difficile de contredire un homme qui avait déjà vu sa troupe chanter à Monaco (0-2), puis battre Lille (1-0), avant de se présenter au Vélodrome pour défier l’OM avec tous les ingrédients possibles pour faire un gros coup. Un OM qui n’avait pas encore été mené une seule minute à domicile dans ce championnat, qui n’avait pas encore mis un genou à terre, et dont l’entraîneur, Jorge Sampaoli, avait un rêve avant ce sommet : « Il faut suivre une idée plus que des individualités, créer une forme, un style de jeu. On devra respecter nos idées et être exigeants, car Lens est l’une des meilleures équipes physiquement. Mais quoi qu’il arrive, on doit garder notre idée. » Cadeau pour le public : Haise avait le même objectif que Sampaoli et ce Marseille-Lens a été un régal de bout en bout, voyant, dans la nuit, les visiteurs rentrer dans le Pas-de-Calais avec le butin (2-3) et la place de dauphin. Tout sauf un vol.

La toile parfaite, un Fofana royal

Mais comment le Racing a-t-il réussi ce coup royal ? En étant lui-même, et c’est avant tout ce qu’il faut retenir ce lundi. C’est aussi ce que Haise a tenu à mettre en avant après la rencontre : « On a joué avec beaucoup d’intentions, beaucoup de personnalité. Gagner ici, face à cette équipe, cela donne beaucoup de joie. On est restés fidèles à notre jeu. On voulait amener de la variété et les contrer. Ce soir, on a quinze points, on est deuxièmes de Ligue 1, c’est bien, mais ce qui me plaît surtout, c’est de réaliser ce match-là face à l’OM. » On ne parle en effet pas de n’importe quel OM : on parle ici d’un OM emballant, qui s’amuse depuis le début de l’été à envoyer des vagues, qui assume son déséquilibre offensif pour faire grimper la fièvre, qui affichait un super bilan défensif jusqu’alors (l’OM avait la deuxième meilleure défense de Ligue 1 et était leader au xGA), mais dont on pouvait imaginer les limites liées à une approche avec ballon ultra ambitieuse (on ne place pas autant de joueurs devant le ballon sans être un minimum exposé à la perte, ce que Nice avait notamment bien sanctionné avant l’interruption du match le 22 août dernier). Quelques mois après son arrivée, Sampaoli a réussi à monter l’équipe dont il rêvait, mais l’Argentin ne cachait pas ces dernières semaines, et ce malgré l’euphorie générale, que son groupe a encore « beaucoup de choses à apprendre ». Ce match face à Lens, au milieu d’un marathon, a eu le mérite de rappeler que cet OM est encore jeune.

Ce qui nous amène logiquement au plan établi par Franck Haise, qui a notamment vu ses joueurs sortir une première demi-heure au plus-que-parfait, grâce à un choix systémique – un 3-4-3 plutôt que le 3-4-1-2 habituel, ce qui a aidé les Lensois à fermer toute possibilité d’échanges intérieurs en se calquant sur le système de relance marseillais – et à un choix d’hommes (Kakuta et Clauss placés sur le banc, David Pereira da Costa envoyé au front, Frankowski installé en piston droit, Machado en piston gauche). Rapidement, on a alors vu les Nordistes tisser une toile défensive parfaite autour d’un 3-1-6 marseillais stérile (67% de possession pour un tir sur la première demi-heure), incapable de piquer dans la profondeur, de créer des supériorités numériques dans le cœur du jeu où Gueye a été très isolé et de se défaire du jeu de compensations subtilement synchronisé des visiteurs.

Dès la première minute, le casse-tête de la première demi-heure a été visible avec un Lens installé en 5-2-3 (ou 5-4-1). Les trois attaquants lensois ont alors été chargés de casser les initiatives du trio Saliba-Balerdi-Peres. Puis, une fois la première ligne de pression franchie par l’OM (souvent via une passe latérale vers Gerson, Guendouzi ou Rongier, écartés autour du bloc), la chasse s’est ouverte…

Exemple ici : Luan Peres trouve Gerson côté gauche, Frankowski part tout de suite à l’assaut, alors que Gradit assure la couverture dans son dos et que Doucouré a coulissé sur Payet dans l’axe. L’OM ne peut enchaîner.

Autre exemple quelques minutes plus tard : l’OM sort cette fois à droite via Saliba et Rongier, Machado démarre dès la passe effectuée, alors que Medina coulisse pour anticiper le danger de la profondeur avec Under.

Au bout de cette séquence, l’OM va reculer, et Saliba va tenter une passe ultra risquée vers Balerdi dans l’axe…

… sur laquelle Fofana va surgir. Derrière, Gueye va venir au duel et faire une main dans sa surface, ce qui va conduire à l’ouverture du score de Sotoca sur penalty.

Ces situations vues en début de match se sont répétées tout au long de la première demi-heure…

Dans cette configuration, Medina n’a pas hésité à sortir parfois très haut pour chasser Rongier.

Face à ce scénario, Seko Fofana s’est évidemment régalé (11 ballons récupérés) et son match, avec et sans ballon, est à enfermer précieusement dans les mémoires. Franck Haise a également pu compter sur ses bagarreurs habituels (Gradit, Medina, Sotoca, entre autres), qui se sont tous relayés pour boucher les trous, compenser et couvrir la profondeur, avec toujours le souci de tenir un bloc compact, dont la hauteur a varié au fur et à mesure du scénario.

Jeu de poisons

Solide et précis sans ballon, Lens a également su briller, sans surprise, dans la variété de ses sorties de balle, ce qui est une marque du football prôné par Haise. Pour ce match à Marseille, on a alors vu la plupart du temps Jonathan Gradit se décaler en position d’arrière droit sur les phases de relance, de façon à former une première ligne de quatre, mais surtout pousser Frankowski à grimper d’un cran pour appuyer dans le dos de Luan Peres. Jean-Louis Leca (12 longs ballons tentés) et Facundo Medina (11 longs ballons tentés) ont ensuite souvent cherché à pilonner cette zone, soit pour directement toucher le piston polonais, soit pour solliciter une déviation de Sotoca.

Sur les phases de relance nordistes, dimanche soir, l’idée a été de libérer le côté pour Frankowski grâce au positionnement de Gradit et d’appuyer dans le dos de Luan Peres.

Exemple de tentative d’ouverture de Medina.

Autre exemple, payant celui-ci : sur cette séquence, Leca va chercher Sotoca dans les airs, qui va prendre le meilleur sur Luan Peres, seul avec deux joueurs dans sa zone (Sotoca et Frankowski dans son dos). À la retombée du ballon, Frankowski va ensuite s’offrir un rush individuel pour doubler la mise.

Grâce à une parfaite alternance jeu court-jeu long pour sortir les ballons, Lens a varié les positions et a parfaitement profité des espaces ouverts par l’approche marseillaise.

Lorsqu’il ne l’a pas fait par la passe, Medina a su faire gagner des mètres à son clan balle au pied.

Autre séquence avant la pause, symbole des espaces énormes entre les lignes marseillaises : au bout, Pereira da Costa verra sa frappe contrée en corner.

Petit hic, malgré tout, pour les Lensois : à 0-2, le bloc nordiste a reculé dangereusement, et Sampaoli a assisté à la colère de Dimitri Payet, seul joueur de l’OM à créer des étincelles lors du premier acte grâce à des coups de pied arrêtés tous plus brûlants les uns que les autres. Peu trouvé dans un premier temps, le capitaine marseillais a rayonné ensuite en envoyant un coup franc sous la barre de Leca, en étant à l’origine d’une énorme occasion de Gerson et en inscrivant le penalty du 2-2 juste avant la pause après une intervention mal maîtrisée de Wooh.

Trappe ouverte, puis refermée

Ces quinze minutes ont été suivies de quinze autres, conséquences heureuses d’un rééquilibrage de Sampaoli avec les entrées de Lirola et De la Fuente à la pause. Au cœur d’un 3-3-3-1 plus équilibré, où Gerson n’a enfin plus à occuper le rôle d’ailier qu’il a occupé par séquences lorsque Dieng rentrait à l’intérieur, Payet a alors été la solution attendue pour créer des nœuds aux cerveaux de Doucouré et Fofana. Si l’OM n’a jamais vraiment été capable de créer du danger (les deux buts inscrits échappent à la logique du scénario) en première période par manque de mouvements et de présence dans le dos de la première ligne de pression lensoises, les Marseillais ont retrouvé de la vie en début de seconde période.

On a alors pu retrouver Payet dans une position encore plus mortelle, comme ici au bout d’un jeu à trois avec Guendouzi et Gerson…

Avec Guendouzi dans un rôle plus défensif, l’OM a pu former un losange plus net autour du milieu nordiste…

Balerdi a alors pu trouver Payet à quelques reprises…

… et l’OM a enfin pu créer du danger dans la profondeur grâce à une meilleure occupation des zones.

Autre bonne passe trouvée par Balerdi vers Payet.

Au cours de cette période, une trappe a alors semblé s’ouvrir sous les pieds nordistes. Ünder a touché la barre de Leca, Dieng a poussé Leca à un bel arrêt, l’OM a commencé à mieux sortir les ballons grâce à un Balerdi placé un cran plus haut, mais les Lensois n’ont jamais été pris de vertiges. Plus encore, en faisant entrer Gaël Kakuta, Jonathan Clauss et Wesley Saïd, Franck Haise a vite redonné un second souffle à son groupe. Sampaoli : « Quand on n’a pas le contrôle du match, ça donne ce genre de match. On l’a eu pendant quinze minutes, quand on est revenu à 2-2, et pendant vingt minutes ensuite, en deuxième mi-temps, mais trop peu dans l’ensemble. On n’a pas su les neutraliser, on n’a pas gardé notre ligne de conduite. J’ai voulu reprendre le match en main à la pause avec les changements, reprendre le contrôle du jeu, modifier un peu l’aspect de l’équipe… Cela n’a pas fonctionné. » Peut-être avant tout car pour la première fois de la saison, Jorge Sampaoli a vu son OM s’éparpiller, Ünder dézonant par exemple avec excès en seconde période.

Lens, de son côté, a gardé la tête froide, a réussi à gratter de nouveaux ballons hauts, a serré les mailles de son 5-4-1 en phase défensive, et le duo Fofana-Sotoca a poursuivi sa soirée de super-héros. Et, au bout de ce match de ping-pong, où Lens a pu se régaler en transitions rapides grâce en partie aux astucieux décrochages de Sotoca et appuyer sur les doutes des centraux excentrés marseillais (Saliba et Peres), l’OM a vite lâché les armes.

Première vraie alerte de la seconde période avec l’ouverture de Kakuta vers Saïd, qui profite de la mauvaise communication de la paire Balerdi-Peres et va ensuite manquer son face-à-face.

Moins d’une minute plus tard, nouveau coup envoyé, toujours côté Luan Peres, forcé à sortir par l’un des nombreux décrochages de Sotoca.

Le but du 2-3, inscrit par Saïd, va également démarrer dans le dos de Luan Peres avec ce triangle classique Gradit-Clauss-Sotoca.

Nouvelle séquence en fin de match où, après un nouveau décrochage, Sotoca va profiter des appels multiples pour passer par loin d’un exploit individuel.

Battu pour la première fois de la saison par un Lens vorace et malin, symbolisé par un Sotoca XXL (1 but, 2 passes décisives, 4 passes-clés, 22 pressions, 8 ballons récupérés…), l’OM a été puni pour avoir trop attendu les exploits individuels de Payet et l’avoir laissé plus ou moins tout faire en solitaire. Ce n’est qu’un avertissement. Pour Franck Haise, c’est une confirmation, une vraie.

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