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Pourquoi Bradley a eu raison de quitter le HAC

Par Matthieu Pécot
6 minutes
Pourquoi Bradley a eu raison de quitter le HAC

Le HAC se déplace ce soir à Clermont-Ferrand. Pour la première fois depuis novembre 2015, cela se passera sans Bob Bradley, son coach américain parti remettre tout le monde d’accord à Swansea.

Bienvenue en 2016, époque qui a largement laissé dans son rétro celle où l’on aidait les vieilles dames à traverser les passages piétons et où, de fait, être le doyen des clubs français n’offre aucun privilège. Fondé en 1872, Le Havre Athletic Club a pu le vérifier en devenant, l’espace d’un tweet, le paillasson du club de Swansea. Né quarante ans plus tard, le vulgaire 17e de Premier League a jugé bon d’officialiser, il y a onze jours, à 13 h 09, l’arrivée sur son banc de Bob Bradley à la place de Francesco Guidolin, sans se soucier de synchroniser son annonce avec celle du club haut-normand. Qu’on ne s’y trompe pas, le HAC n’a pas encaissé la nouvelle comme une réelle trahison, trop conscient que le divin chauve, dont le nom avait entre autres été évoqué ces derniers mois à Los Angeles et à Hull City, n’était pas destiné à habiter le reste de sa vie en Seine-Maritime, malgré un attachement à la ville qu’il a répété à France Bleu Haute-Normandie : « Ma femme et moi, nous avons vraiment apprécié la vie au Havre, les balades à pied dans le square Saint-Roch, les dîners dans nos restaurants favoris avec des gens qui sont devenus des amis. Nous ressentons vraiment quelque chose de spécial pour cette ville, nous en avons un peu fait partie. » Le HAC a simplement déploré le timing de l’annonce, un peu de la même manière qu’il subit les vols réguliers de mineurs de son centre de formation : en se taisant, parce que la vie, c’est aussi parfois baisser les yeux à la récréation quand un plus grand n’a besoin que d’un regard intimidant pour nous voler notre goûter. Alors Bob Bradley a eu raison de partir…

Parce que jouer Arsenal ou Clermont, ce n’est pas la même mayonnaisePersonne n’en veut à Bob Bradley ! Quitter la Ligue 2 pour la Premier League est le genre de promotion à laquelle personne ne peut résister. Il suffit de regarder ce qui lui réserve le calendrier pour se rendre à l’évidence. Tandis que le HAC met ce soir les pieds dans l’enfer du stade Gabriel-Montpied de Clermont-Ferrand, Swansea rendra visite le lendemain à Arsenal. Sûr que les sièges de l’Emirates Stadium sont plus confortables que le banc auvergnat. Même si Bradley vient à Swansea pour maintenir le club en Premier League, il va sans dire qu’il risque de commencer son mandat en observant Alexis Sánchez et Mesut Özil marcher sur ses hommes. Sans cette opportunité professionnelle, Bradley aurait passé sa soirée à croiser les doigts pour que ce diable de Rémy Dugimont ne fasse pas trop de mal à la défense normande.

Parce qu’il va enfin pouvoir ridiculiser GuardiolaMourinho, Wenger, Conte, Klopp, Mazzarri, Guardiola… En 2016, les meilleurs entraîneurs du monde ont décidé de se tirer la bourre dans le même championnat. C’est en toute logique que l’ancien sélectionneur des États-Unis a rejoint la bande, et il ne faut pas compter sur lui pour complexer. « J’observe différents entraîneurs, ceux qui font du bon boulot, je pense à Pochettino, Klopp ou encore Tuchel. Je ne parle même pas de Guardiola ou Ancelotti. Mais je vais vous dire une chose, peut-être que je suis stupide, mais je pense que je suis un entraîneur de cette trempe » , a-t-il lâché en mai dernier à la radio américaine Sirius XM. Il ne faudra pas que Pep Guardiola vienne pleurer, le 4 février prochain, après la leçon de football que Bobby lui aura envoyée dans la face.

Parce que Lys Mousset lui manquaitS’il y a bien un joueur qui a marqué le mandat de Bob Bradley, c’est bien Lys Mousset. Devenu le plus gros transfert de l’histoire de la Ligue 2 en signant pour 7 millions d’euros à Bournemouth cet été, l’attaquant de vingt ans n’a pas encore joué la moindre minute en Premier League. Il ne faudra donc pas s’étonner de le voir prêté à Swansea cet hiver, histoire de retrouver la confiance auprès du meilleur entraîneur de l’histoire des États-Unis d’Amérique.

Parce qu’il a réussi ses adieuxOn peut cracher sur Bob Bradley et dire qu’il est parti comme un voleur. On peut aussi constater qu’il a bouclé l’aventure sur deux victoires, dont la dernière face à des Sochaliens qui étaient jusqu’alors invaincus. La rencontre n’était pourtant un cadeau pour personne, Swansea ayant annoncé l’arrivée de Bradley sept heures avant le coup d’envoi. Mais l’Américain a serré la mâchoire et a pris les trois points, avant d’aller saluer le public havrais.

Parce que derrière, il y a Oswald TanchotArrivé le même jour de novembre 2015 que Bradley, Oswald Tanchot était destiné à assurer la relève. Sitôt l’Américain parti, il a chassé deux poisons du staff, Philippe Bizeul et Pierre Barrieu, parti rejoindre Bradley à Swansea et dont la préparation physique estivale avait été jugée par la majorité des joueurs comme la plus light de leur carrière. Une sacrée surprise au regard de la gueule et la réputation de militaire de coach Bradley. Reste que Tanchot, quarante-trois ans, a donc coupé deux têtes pour mieux voir décoller sa carrière. L’ancien tacticien du Poirée-sur-Vie ne peut que réussir dans le métier. Une preuve ? Il a obtenu son DEPF en juin dernier dans la même promotion que Sylvain Ripoll et Pascal Dupraz.

Parce qu’il restera à jamais une légende au HACAux quatre coins de la France, il y a ces supporters qui revendiquent un état de souffrance permanent qui serait plus intense qu’ailleurs et tout en ayant la chance d’assister à des matchs de Ligue 1 tous les week-ends. Ceux du HAC prennent froid pour la huitième saison de suite en Ligue 2 et n’ont eu pour seule fenêtre d’évasion récente qu’un déménagement du stade Jules-Deschaseaux au stade Océane, soit un périple qui s’accomplit en traversant la rue.
Et puis Bob Bradley est arrivé, formant du même coup un tandem 100% américain avec le président Vincent Volpe. Arrivé en provenance de Stabæk (Norvège), il n’a pas réussi à faire monter le HAC en Ligue 1, mais cette soirée du 13 mai 2016, les Havrais en emporteront chacun un morceau dans leur tombe. Ce soir-là, pour la dernière journée de Ligue 2, les Ciel et Marine manquent la montée pour un but, ne battant Bourg-en-Bresse que 5-0 après avoir touché trois fois les poteaux… Ce n’est pas parce qu’une histoire d’amour a une fin que ce n’était pas de l’amour. Celle entre Bob Bradley et le HAC s’est terminée il y a onze jours. Pour l’occasion, coach Bradley s’était fait beau : chemise bleu ciel, veste bleu marine, doudoune bleu roi.
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