D'où cela vient ?
Pour marquer sur coup franc, c’est simple, il faut réussir à passer par-dessus le mur pour ensuite tromper le gardien. Par conséquent, la réponse du mur est tout aussi élémentaire : sauter le plus haut possible pour empêcher le ballon de passer. Sauf que des petits malins, à l’instar de Ronaldinho, Messi, Pirlo ou De Bruyne, ont profité de ces sauts pour faire passer le ballon sous le mur. La technique semblait rodée et imparable. Mais à chaque invention, sa parade. Ainsi, le 22 juillet 2013, lors d’un match entre Palmeiras et Figueirense, l’entraîneur de Figueirense ordonne à l’un de ses joueurs de s’allonger derrière le mur à chaque coup franc de l’ancien de Benfica, Alan Kardel. Le même geste est reproduit un an plus tard lors d’un match entre Ponte Preta et Paraná, en vain, puisque le joueur envoie un coup franc dans la lucarne. La mode, née au Brésil, va ensuite être importée en Europe par... Philippe Coutinho. Le petit couteau va ainsi s’agenouiller derrière son mur, sur un coup franc d’Eriksen, lors d’un Tottenham-Liverpool. Et voilà qu’en octobre 2018, Marcelo Brozović popularise définitivement ce geste, en se jetant allongé derrière son mur lors d’un Barcelone-Inter, et en détournant ainsi en corner le coup franc de Luis Suárez. Ça y est, la contagion a commencé.Vidéo
Pourquoi c'est insupportable
Parce que déjà, c’est ridicule. Alors certes, il y a un côté dissuasif. Si un joueur s’allonge derrière son mur, a priori, le joueur adverse ne tirera pas sous le mur, sauf s’il n’a pas vu la supercherie. Mais le fait de s’allonger comme ça, à terre, ressemble vraiment à une vieille ruse de cour de recré, comparable à des règles enfantines comme mettre plusieurs gardiens, le goal volant ou le « interdit de tirer si on est trop près du but » . Ça n’a rien à faire sur un terrain de football, et c’est devenu systématique. Surtout, il s’agit là d’une stratégie grossière, sans la moindre subtilité, sans le moindre effet de surprise, d'autant plus quand le joueur prend place une minute avant le tir. Cela reviendrait à dire à un joueur d’échecs : « Attention, je sais que tu vas jouer ton cavalier en d5 au prochain coup, alors ne le fais pas. » Au moins, Brozović avait eu le mérite de se jeter, utilisant l'effet de surprise.
Qui l'incarne le mieux aujourd'hui ?
Malheureusement, tout le monde. Il ne se passe plus un week-end sans qu’un joueur ne le fasse. Comme la liste serait trop longue, disons que le joueur qui l’incarne le mieux aujourd’hui, c’est Carlos Neva, le joueur de Grenade. Le 10 janvier dernier, lors d’un match entre Grenade et le Barça (0-4), Leo Messi s’apprête à tirer un coup franc. Se pensant malin, et pensant surtout que Messi n’avait pas retenu la leçon Suárez-Brozović, Neva s’agenouille derrière son mur, prêt à s’allonger au moment où la Pulga s’élancerait. Résultat : Messi lui jette un coup d’œil (qui, entre nous, veut dire « pfff, pauvre type » ) et envoie un coup franc à ras de terre qui vient presque caresser le cuir chevelu de Neva. Allez, relève-toi gamin, recoiffe-toi, et la prochaine fois, va plutôt couvrir ton poteau au lieu de faire le mariole.Vidéo
Comment faire pour que ça s’arrête ?
En sanctionnant, tout simplement. En 2021, on peut être sanctionné si l’on est dans la rue à 18h07, donc on peut bien sanctionner un mec qui s’allonge de tout son long derrière un mur, non ? En réalité, certains arbitres ont déjà évoqué le fait qu’un joueur allongé risquait clairement, de par sa position, de détourner le ballon du bras. Dans ce cas-là, comme lorsqu'un joueur qui saute peut détourner un coup franc du bras, il pourrait y avoir penalty. Ce serait une première solution pour que cela s’arrête, mais il faudrait peut-être quelque chose de plus radical. Par exemple : dès qu’un joueur s’allonge derrière le mur, essayer de mettre une mine pour le dégommer. OK, ce n’est pas très fair-play, ni très « bon esprit du foot » , mais au moins, la fois d’après, le gars y réfléchirait à deux fois avant de revenir s’allonger. Si une toute petite violence de rien du tout peut faire avancer la cause...Pourquoi ça peut précipiter la fin du monde
Parce que s’allonger par terre pour empêcher quelque chose d’arriver n’a jamais rien réglé. Imaginons que cela vienne s’intégrer à notre quotidien. Je n’ai pas envie d’aller à l’école / au boulot le matin, bam, je m’allonge devant la porte de ma chambre pour que personne ne puisse l’ouvrir. Je ne comprends rien à ce DM de maths, bam, je m’allonge devant la salle des profs pour que le prof ne puisse plus en sortir. Je n’ai pas envie que Monsieur Castex annonce un troisième confinement, bam, je m’allonge devant la porte de son bureau à Matignon. Ça n’a aucun sens. On ne résout pas un conflit ou un problème à venir en s’allongeant par terre. Super Nanny l’a dit suffisamment de fois aux enfants qu’elle tente de remettre sur le droit chemin, et même Pascal Le Grand Frère, entre deux jets d’assiettes et trois lancers de pots de peinture, n’a jamais osé demander à une famille de s’allonger par terre pour se réconcilier. Alors on oublie, vite.La parole est aux acteurs


Coefficient d’irritabilité
Franchement, un bon 8/10. Au moins.
Par Éric Maggiori, avec Alexandre Delfau Propos de Hervé Renard recueillis par AD
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