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Le Lucas Deaux de Tristan

Par Florian Cadu, à Nantes
6 minutes
Le Lucas Deaux de Tristan

Avant son départ du FC Nantes, Lucas Deaux avait l’habitude de cacher des places de match dans la ville. Les supporters devaient les trouver à l’aide une photo postée par le joueur sur Twitter. Tristan, fan inconditionnel du club, est l’un des vainqueurs du jeu. Il a même gagné à trois reprises.

Quand Tristan fait les choses, ce n’est jamais à moitié. Énorme barbe parfaitement soignée, longue moustache bouclée, chemise à carreaux pour l’allure bûcheron et casquette qui va avec, le jeune homme de 35 ans pousse le côté hipster jusqu’à son moyen de locomotion, un Lambretta 125 des années 50, qu’il a achetée il y a quinze jours. « Ce qui est génial avec ce scoot’, c’est que quand je passe dans les zones piétonnes, les passants matent mon bolide et me sourient au lieu de m’engueuler » , crie-t-il en conduisant pour couvrir le bruit de son moteur, avant de s’intéresser à autre chose : « Oh, c’est joli ce qu’il y a devant ! » Reluquer les demoiselles en se baladant dans Nantes sur son bolide, Tristan en est adepte. Avant, c’est en vélo électrique qu’il arpentait les rues de sa ville d’origine. Du coup, Nantes, il connaît bien.

C’est d’ailleurs en partie grâce à ça qu’il a trouvé les places de match cachées par Lucas Deaux… par trois fois. En octobre 2014, le milieu de la Maison Jaune propose un jeu aux supporters : régulièrement, il cachera dans un lieu précis de la ville deux tickets en tribunes présidentielles. Le premier qui les trouvera – grâce à l’indice photo posté sur Twitter par le Canari – aura le droit de les garder et d’assister à la rencontre. Sur le tramway, au pavillon de la Beaujoire, à proximité du château… En tout, le Français planquera ses cadeaux une dizaine de fois. « Je trouve ça génial. C’est vraiment fun de créer une petite relation comme ça avec les fans » , apprécie encore Tristan, même si le game est désormais terminé en raison du départ de Lucas Deaux à La Gantoise l’hiver dernier.

Si l’abonné du FCNA est aussi enthousiaste pour causer de ce jeu, c’est aussi parce qu’il en a été le vainqueur indiscutable. Tristan a en effet réussi à choper les places à trois reprises. « Pas mal, hein ?, kiffe-t-il encore. En fait, Lucas postait d’abord une photo des places dans ses mains. Et souvent, on voyait le sol. Comme je connais très bien Nantes, je pouvais reconnaître à peu près l’endroit avant qu’il ne mette la photo du lieu. Ça me faisait gagner un peu de temps. » Surtout, Tristan, qui se prend à fond au jeu, est au taquet : « Lucas faisait quasiment toujours ça la veille du match en question. Donc le vendredi, j’avais toujours les yeux sur mon portable. Une fois, après l’envoi du tweet, j’ai dû appeler ma femme et lui demander de se speeder à rentrer pour garder notre enfant, que je puisse partir chercher les billets. »

La première fois qu’il se lance à la chasse aux places, le 22 novembre 2014, il est en voiture avec un pote. « Fallait qu’on aille de l’autre côté de la Loire et il y avait plein de bouchons. J’étais grave chaud » , rembobine-t-il en montrant le trajet sur une carte dépliante de la ville. Tristan finit à pied et récupère le butin sur un poteau électrique. Avec à la clé un Nantes-Sainté. Deux mois plus tard, le Nantais est chez lui et enfourche son vélo direction le pont Éric-Tabarly, à la suite du message de Lucas Deaux. « Là, c’était le plus facile, estime Tristan après avoir garé son scoot’ en face de la « cachette ». Ces places pour Nantes-Lille, je les ai données. Parce que j’en avais déjà, vu que je suis abonné. En fait, il n’y a que Nantes-Sainté que j’ai gardé pour moi. La présidentielle, ce n’est pas trop mon truc. »

Trop fort pour la famille Deaux

Pour celles de Nantes-Guingamp, Tristan rencontre carrément le joueur. Sans le vouloir. Devant sa pinte (équipée d’un protège-moustache) au bar où il vient de s’attabler, situé place Royale – lieu où il a empoché les places –, le barbu détaille l’anecdote : « Comme d’hab’, Lucas a lâché un message pour dire qu’il allait planquer des places. Mais le deuxième tweet, avec la photo du lieu, ne venait pas. En attendant, j’ai flâné dans le centre et je l’ai vu sortir de la boutique officielle. Ni une ni deux, je suis allé voir pour lui réclamer les places. Ce à quoi il m’a répondu : « Ah non, il va falloir que tu me suives pour les avoir ! » Il était avec ses parents et la famille s’est divisée. Moi, j’ai décidé de suivre le père » mais je l’ai perdu. Et quand je suis passé sur la place Royale, je suis tombé nez à nez avec sa mère, qui s’est affolée et a couru voir Lucas dans un commerce pour lui dire que j’étais là. Quelques minutes plus tard, elle pensait que j’étais parti et je l’ai vue mettre les places en face de la statue, sous un petit pupitre. Je l’ai grillée, quoi ! J’ai attendu un peu, et je suis allé les prendre. Deux minutes après, Lucas twittait la photo de lieu pour dire que les places étaient cachées. Alors que je les avais dans la main ! »

Qui pour reprendre le concept ?

Ce sera la dernière fois pour Tristan. Mais ce beau bilan de trois trouvailles aurait pu être amélioré. Comme cette fois dans la galerie marchande où ils sont deux supporters à chercher. C’est finalement son concurrent qui découvre la planque en premier. « À la fin, sur les lieux des tickets à trouver, les gens qui venaient chercher me reconnaissaient. Ils me disaient : « Ah, c’est toi qui gagnes tout le temps ! » Même Lucas a parlé de moi lors de J+1 ! » Bref, des moments marrants qu’il garde parfaitement en mémoire. Son seul regret ? Que Lucas Deaux ne lui ai pas filé un maillot, comme il lui avait demandé si jamais il arrivait à gagner trois fois.

Mais Tristan ne lui en tient pas rigueur. Au contraire, même : « C’est un mec cool et ouvert. J’aime sa façon d’être et son style, pose-t-il à propos de celui qui a fait tomber la barbe en octobre 2014. Et puis, c’était un tueur quand il avait envie de jouer. Fait chier qu’il soit parti. » Écharpe bretonne autour du cou, le militaire n’a plus qu’un désir : que le concept de Lucas Deaux soit repris. « Ce que j’aimerais vraiment, c’est qu’un joueur, genre Gillet, reprenne le truc et que ce soit quelque chose qui se perpétue de joueur à joueur au FC Nantes. Lorsque le « cacheur de places » s’en va, il choisit un autre mec pour le remplacer. Ce serait notre petit truc à nous. » Tristan et son nouveau deux-roues sont en tout cas préparés.

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