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Laval de travers

Par Florian Cadu
5 minutes
Laval de travers

Le Stade lavallois galère cette saison. Les Tangos, derniers de Ligue 2, viennent de licencier Marco Simone. La faute à de mauvaises décisions économiques et une perte de l’identité du club.

En ce jeudi 12 juin 2014, le Mondial brésilien débute tout juste et la Seleção bat la Croatie dans la douleur (3-1). 9218 kilomètres plus loin, le Stade lavallois a d’autres félins à fouetter. Christian Duraincie est nommé président du club et dévoile un nouveau projet sportif, dont le nom est assez explicite : « Ambition Horizon 2020 » . Les objectifs concrets ? « Être un club qui progresse, qui s’inscrit durablement parmi les grands clubs français » à long terme, et terminer dans la première moitié de tableau de Ligue 2 à court terme. Près de trois ans plus tard, ce même projet est au point mort. Un nouveau logo a vu le jour en 2015, l’hymne a changé à peu près en même temps, mais les résultats n’ont pas suivi. Aujourd’hui, le Stade lavallois, qui vient de limoger Marco Simone et d’embaucher Thierry Goudet, est en état de mort clinique et pointe en dernière position de son championnat depuis maintenant trois journées. Avec cinq points de retard sur Auxerre, premier non-relégable, à six étapes de la ligne d’arrivée, l’opération maintien paraît difficilement atteignable. Pour ne pas dire compromise.

L’ennemi, c’est la finance

Pourtant, les Tangos sont habitués à se battre pour leur survie. Hormis la jolie huitième place glanée en 2015, les Mayennais ont toujours dû se battre pour éviter la descente depuis leur montée de National en 2009. Un combat à leur portée et raisonnable au regard de leur budget. Mais qui nécessite tout de même un minimum d’investissement et de réflexion sportive pour le gagner chaque année durant une décennie. Pour Ulrich Le Pen, ancien joueur du club entre 1992 et 1997 puis en 2009-2010, le problème trouve principalement son origine dans un mot : l’argent. « Monter un club et le maintenir au plus haut niveau, ça ne se fait pas comme ça. Or, c’est désormais l’aspect financier qui dicte le football, donc c’est compliqué pour des clubs en structuration de pouvoir rester au top. L’argent fait qu’on veut se développer et qu’on en oublie le principal : l’humain, explique celui qui a failli intégrer la cellule de recrutement il y a peu.Et quand il n’y a plus de relations entre joueurs ou entre les membres du staff, on a beau s’entraîner ensemble la semaine, ça ne marchera pas le week-end. Aujourd’hui, le projet sportif ne suffit plus, on veut faire de l’argent. Et c’est dommage. »

Gestion casse-gueule

Durant l’été 2015, les dirigeants ont ainsi décidé de vendre des cadres de l’équipe (Sehrou Guirassy, Christian Bekamenga, Selim Ben Djemia…) pour environ 1,5 million d’euros – ce qui représente une belle somme pour une structure de cette taille – sans prendre la peine de les remplacer. Justification du président Duraincie à l’époque : « Cet argent nous a permis d’être tranquilles devant la DNCG pour cette année, et l’année prochaine. Nous avons une réserve, des fonds propres. Un coussin bien moelleux.(…)Si on l’ouvre pour acheter des joueurs chers, en se disant qu’on joue la montée, c’est une gestion de joueur de poker. Et ce n’est pas la nôtre.(…)On veut la meilleure équipe possible, mais sans faire de folie.(…)Mais cela ne veut pas dire qu’on n’est pas ambitieux. »

Sauf que la réalité sur la pelouse est moins simple. Contrairement à avant, les recrues sont moins bien ciblées et l’identité même du club s’en trouve touchée. C’est en tout cas l’avis d’Ulrich Le Pen : « Auparavant, il y avait un groupe de qualité, constitué de joueurs qui avaient envie de bien faire. Quand je suis revenu en 2009, on avait des vieux briscards expérimentés et rompus aux joutes de la Ligue 2, avec une petite touche de jeunesse et de potentiel à côté. Ce n’est plus du tout le cas actuellement. La situation est devenue difficile : il n’y a que des joueurs en prêt, les joueurs n’ont pas ou n’adhèrent pas au caractère familial qui représentait le club avant. » L’ex-footballeur, qui habite toujours dans la ville, enfonce le clou. « Pour les joueurs prêtés, l’idée est la suivante : que ça marche ou que ça ne marche pas, ils trouveront un autre club de Ligue 2. Donc ce côté famille, on l’a vraiment perdu. Or, quand on s’appelle Laval et qu’on se bat toutes les saisons pour le maintien ou le milieu de tableau, bah ça devient compliqué de grandir avec ce genre de joueurs. » Autrement dit, des joueurs qui n’ont pas forcément l’amour du maillot.

Gourcuff-Hinschberger, même schéma

En substance, c’est aussi le manque de stabilité qui est pointée du doigt. Le licenciement de Philippe Hinschberger, entraîneur de l’équipe entre 2007 et janvier 2014, n’a en réalité toujours pas été digéré. Celui de Denis Zanko, son adjoint qui a pris le relais et qui a été remplacé par Marco Simone il y a quelques mois, n’a pas aidé. À ce niveau, Le Pen y voit un parallèle avec Lorient, club qu’il a également connu en tant que joueur. « Laval, c’est comme Lorient : tout simplement dramatique. À Lorient, on avait tout pour faire un gros club. Et des mauvais choix ont été faits. Tout vient du départ de Christian Gourcuff. Christian avait le savoir-faire pour fédérer et remettre sur pied des joueurs que personne ne voulait, qui s’adaptait à sa façon de voir le jeu. » Façon de dire que dans un petit club, la longévité d’un homme qui connaît parfaitement l’entité est primordiale. Alors, que faire maintenant ? L’an dernier à la même époque, Christian Duraincie reconnaissait que la situation était loin « des ambitions du club » , mais refusait de décréter l’état d’urgence. « Un état d’urgence dans un club, c’est lorsqu’il y a une crise. Or, il n’y en a pas du tout au Stade lavallois » , assurait-il. Le discours a malheureusement basculé.

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Par Florian Cadu

Tous propos recueillis par FC, sauf ceux de CD (Ouest France)

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