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Ivanovic, le spetsnaz de Mourinho

Par Markus Kaufmann
6 minutes
Ivanovic, le spetsnaz de Mourinho

Quand Chelsea a fait venir Filipe Luís cet été, beaucoup croyaient à la possibilité de voir Azpi repasser à droite et Ivanović revenir dans l'axe de la défense bleue. Mais après trois mois de compétition, si Chelsea semble a priori briller à travers les 9 passes décisives de Fàbregas et les 9 buts de Diego Costa, la présence du Serbe dans le couloir droit est devenue indispensable : 900 minutes en 10 matchs de Premier League. Alors qu'Ivanović était déjà le joueur le plus utilisé par José Mourinho l'an passé, avec 36 matchs de championnat, son évolution tactique lui permet de jouer un rôle toujours plus important dans l'animation ambitieuse des Blues.

Mythes, échecs et forces spéciales

Les deux équipes sont prêtes à donner le coup d’envoi du match et les hiérarchies apparaissent au grand jour. Au milieu du rond central, le numéro 9 tient le ballon de la semelle, comme si lui seul pouvait décider du moment où le spectacle allait commencer. Les ailiers sont aussi au milieu de la scène, mordant la ligne médiane comme des fauves prêts à bondir. Un coup de sifflet, une passe minuscule, et le ballon part directement dans les pieds du numéro 10 : le jeu est enfin lancé. Pendant ce temps-là, au fond sur les côtés, « tout là-bas » , les deux arrières latéraux attendent. Loin du coup d’envoi, loin de la colonne vertébrale du collectif, loin des buts et de la gloire, le latéral occupe le costume du dernier invité de la soirée. Un joueur dont le destin est de jouer sur un seul pied, entre la ligne de touche et son adversaire direct, dans un couloir. Paradoxalement, il porte traditionnellement les premiers numéros des joueurs de champ : le 2 ou le 3. Paradoxalement, il est aussi le joueur le plus proche du public. En Angleterre, les occupants des premiers rows peuvent quasiment le toucher, et surtout apprécier tous les détails de ses erreurs. Enfin, dernier paradoxe : s’il se dit « défenseur » , le latéral est bien la première pièce du jeu à dépasser complètement le principe de division des phases offensive et défensive.

Un poste spécial, donc, qui requiert des profils spéciaux et variés : dribbleur comme Marcelo, meneur comme Dani Alves, défenseur dur sur l’homme comme Arbeloa, fusée comme Jordi Alba, marathonien comme Zanetti ou Lahm, cerveau tactique comme Zabaleta, et enfin colosse comme Maicon. Aux échecs, il est la verticalité de la tour, le sacrifice du pion, mais aussi la polyvalence et la surprise du cavalier. Ces spécialités se retrouvent chez les spetsnaz, ces corps des forces spéciales russes, de la police ou de l’armée, capables de réaliser toutes sortes de missions plus ou moins pointues. Des « unités pour des missions spécifiques » , la plupart du temps derrière les lignes ennemies, et toujours dans l’ombre. Sabotages, démolitions, reconnaissances, assassinats et bien plus. Tout dépend de ce dont le collectif a besoin. Et dans ce Chelsea de Mourinho, Ivanović sait tout faire.

Défenseur serbe, ailier brésilien

Les schémas londoniens de José Mourinho, eux, n’ont rien à voir avec les échecs : ils sont asymétriques. À gauche, Filipe Luís ou Azpi peuvent compter sur la couverture de Matić et la présence systématique d’Hazard. À droite, Ivanović s’occupe tout seul du couloir. D’une, le rôle défensif d’Oscar et Willian (ou Schürrle) au pressing fait que le couloir n’est pas « doublé » . À Manchester par exemple, Ivanović défendait seul face à Januzaj et Shaw en première mi-temps. De deux, Willian et Schürrle ont l’habitude d’entrer dans l’axe plutôt que d’élargir, d’où de multiples invitations aux déboulements d’Ivanović. De trois, l’utilisation de Fàbregas réduit la couverture du côté droit du milieu, par rapport au volume de jeu d’un Ramires, bien plus utilisé l’an passé. Mais la variété et la finesse du jeu de l’Espagnol donnent plus d’opportunités offensives aux latéraux, provoquent plus de changements d’aile et entraînent plus de domination. En conséquence, Ivanović tire autant que Hazard (1,5 tir par match) et plus que Willian et Rémy, se retrouvant seulement derrière D. Costa, Oscar (2,9 tous les deux) et Schürrle (2). Et quand Hazard va mordre la ligne à gauche, c’est bien Ivanović qui va jouer au latéral brésilien dans le schéma suivant : passe de Matić vers Hazard qui, pris à deux, trouve Fàbregas dans l’axe pour ouvrir à droite sur Ivanović, tandis que Willian et Oscar viennent couper les lignes dans l’axe.

À Old Trafford, sans les montées du Serbe en première mi-temps, dans une configuration qui faisait croire à une consigne de Mourinho, Chelsea a paru sans impact offensif. Le Serbe a tellement progressé techniquement que sa capacité à « push forward » , comme disent les Anglais, est devenue un vrai dilemme pour les managers adverses : comment arrêter 1m85 et 91kg de puissance ? Dans la surface adverse, les déviations d’Ivanović permettent même au Mou d’avoir un second point de référence. D’après le site Squawka, le Serbe a créé 11 occasions en 10 matchs, plus que les 8 de Willian. Au Barça, si Dani Alves en est à 13 en 8 matchs, le Brésilien n’a que 3 situations défensives à gérer par match, contre les 6 d’Ivanović. Au sein de la défense des Blues, le numéro 2 au physique de boxeur est même le leader des duels aériens gagnés par match (3,3) devant Terry et Cahill (2,4 et 2,3). Formé en Serbie et en Russie – à l’instar de Nemanja Vidić – Ivanović reste un défenseur central de métier.

Un char d’assaut entre ombre et lumière

Si Ivanović impressionne, c’est parce qu’il semble toujours attaquer très haut et défendre très bas. Surnommé Bane au pays – rien à voir avec le personnage de Tom Hardy dans Batman, quoique – Ivanović a été judicieusement appelé « le tank » par Raheem Sterling : « Le joueur qui m’a fait le plus peur, c’est Branislav Ivanović. Ce n’est pas qu’il te fait des sales coups, mais ce mec est un tank ! Un gars énorme, costaud du haut du corps et du bas du corps. Un vrai tank. » Quand il est interrogé à propos d’Ivanović, Lampard est aussi clair que lorsqu’il loge une frappe rasante dans le petit filet : « Il suffit de le regarder pour voir que c’est une bête. Il passe un peu inaperçu parce qu’il fait son job, mais quel joueur… C’est l’homme que tu préfères avoir de ton côté… » Comme un spetsnaz, Ivanović opère dans l’ombre. Comme un spetsnaz, il peut accomplir toute sorte de mission. Lorsqu’Arsenal et Alexis Sánchez se présentent à Stamford Bridge le 5 octobre dernier, Mourinho demande au Serbe de calmer ses ardeurs offensives pour éteindre l’explosivité du Chilien. Bilan : 8 duels aériens gagnés, homme du match et victoire 2-0.

S’il a longtemps donné l’image d’un joueur de devoir, Ivanović a néanmoins connu la lumière. Impossible de passer inaperçu avec un tel talent sur coup de pied arrêté. Si Mihajlović était un expert pour les tirer, Ivanović est un maître pour les recevoir – et les défendre. Il y a dix jours, Smalling a même été contraint à l’étranglement pour l’empêcher de sauter. En 2009, déjà, Ivanović avait marqué ses premiers buts – un doublé de la tête – contre Liverpool en C1. En finale de Ligue Europa 2013, il avait fait pleurer Benfica sur corner. Plus généralement, le Serbe a pris la bonne habitude de se rendre utile dans les grandes batailles : il y a ce raid surprenant à Milan en 2010 contre l’Inter, le but de la victoire lors de la remontée incroyable contre Naples en 2012, mais aussi cette frappe du gauche contre City le 3 février dernier. Un soldat fidèle qui a forcément séduit Mourinho. En 2011, son Real Madrid avait même préparé une opération spéciale à Londres, symbolisée par cette Une de Marca, partagée avec Modrić : « Real Madric » . L’an passé, c’était le PSG. « Aucune chance » , avait répondu le Portugais. De tous les « vieux héros » de Chelsea, Ivanović est le plus jeune (30 ans) et le seul à être dans la plus belle forme de sa carrière. L’un des joueurs les plus sous-cotés de ces dernières saisons ? Peu importe, d’après Mourinho : « Je ne sais pas si on lui donne tout le crédit qu’il devrait avoir, mais je ne pense pas que ça l’inquiète. Il est plutôt du genre à dire « fais-moi jouer, donne-moi le maillot de l’arrière droit titulaire et tout ira bien ». » Après tout, le spetsnaz ne se fait jamais remarquer.

Dans cet article :
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Par Markus Kaufmann

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