- Euro 2020
- Finale
- Italie-Angleterre (1-1, 3-2 TAB)
Ils sont venus, ils ont vu, ils sont invaincus
Invaincus depuis le 10 octobre 2018, les Italiens ont marché sur cet Euro comme ils marchent sur le football depuis leur absence remarquée au Mondial russe : en ne laissant pas une miette à leurs adversaires. Et si ces Italiens étaient tout simplement invincibles ?
Et pourtant, le scénario avait laissé aux Anglais tout le loisir de croire que leur heure était venue. Ce but à la 2e minute, cette première période suffocante passée à déborder la défense italienne, ce tir au but manqué par Andrea Belotti et même cet arrêt miraculeux de Jordan Pickford devant le spécialiste de l’exercice Jorginho. Mais il y avait quelque chose dans l’air des stades d’Europe cet été qui appelait l’Italie à la victoire. Un parfum de revanche, de renaissance, de café finement moulu et de pizza sans ananas, évidemment. L’Italie, qui arrivait à l’Euro avec une invincibilité de 27 matchs, tous ceux disputés depuis une petite défaite 1-0 face au Portugal en Ligue des nations le 10 septembre 2018, l’a quitté avec la médaille d’or et une invincibilité conservée, qui atteint désormais 34 matchs. Après être descendu au plus bas dans son histoire, l’Italie est de retour au plus haut, et s’il fallait la décrire en un mot, ce serait sans doute celui-ci : invincible.
À Wembley comme à la maison
Il fallait au moins ça pour déjouer le sort, qui envoyait de sérieux signaux en faveur d’un sacre anglais. Des Anglais qui disputaient la deuxième finale de leur histoire (après le Mondial gagné de 1966), la deuxième à Wembley, devant leur public, en pleine période de Covid où les déplacements d’Italiens avaient forcément été limités. Un stade dans lequel les Three Lions avaient joué, dans des pantoufles, cinq de leurs six matchs avant le coup d’envoi de cette finale, et dont l’on assurait pourtant de toute part que ça avait été un avantage décisif, au coude-à-coude avec un arbitrage que d’aucuns ne s’étaient pas gênés de qualifier de plutôt clément envers les Britanniques. On en avait presque oublié de parler de l’Italie, dans tout ça. L’Italie, qui a plus impressionné en poules qu’en matchs à élimination directe, mais qui avait tourné un à un les matchs à son avantage et préservé cette invincibilité qui en faisait l’un des grandissimes favoris de cette édition 2020 de l’Euro. L’Italie qui, dès la 2e minute, avait été enterrée sous le poids d’un Wembley en délire et d’un but fou de Luke Shaw, qui avait posé la première dalle de la route censée ramener le football à la maison.
Invincibili
Mais il y a dans cette Italie une force, un truc qui la fait se relever des épreuves et écarter les obstacles sur sa route, même encombrants. Acculée en première période, suffoquée par une Angleterre qui faisait ce qu’elle voulait dans sa moitié de terrain, elle a ensuite inversé les rôles, profitant d’un adversaire passé en mode ultra-défensif et qui ne demandait qu’à se prendre des grandes salves d’attaque dans la tronche. Même à 1-1 au bout du suspense, engagée dans une séance de tirs au but où, là encore, la statistique lui était défavorable – jusqu’ici, la France avait perdu aux tirs au but contre la Suisse, qui avait perdu contre l’Espagne, qui avait perdu contre l’Italie, qui aurait dû perdre contre l’Angleterre si la loi des séries avait été respectée –, l’Italie a vu un scénario qui lui était contraire se retourner sous ses yeux. Le premier raté de Belotti offrait un boulevard aux Anglais ? Ils s’empressaient de le démolir avec les ratés coup sur coup de Rashford et Sancho. Pickford réussissait l’exploit de refuser un péno à Jorginho ? Gigio Donnarumma et sa performance déjà majeure face à l’Espagne dans le moment décisif s’imposaient devant Bukayo Saka pour donner le titre à l’Italie. Au sortir de cet Euro, une impression colle à la peau : celle que Roberto Mancini a bâti, en deux ans, une équipe tellement chiante à battre que même les adversaires les plus retors d’Europe n’y sont pas parvenus. Encore ce dimanche soir, tous les signes et les petits clins d’œil à l’histoire pointaient vers un sacre de l’Angleterre dans ce premier Euro post-Brexit, mais ils n’ont rien pesé face à un truc, un truc tout simple : cette Italie ne pouvait tout simplement pas être battue. Parfois, c’est aussi simple que ça, le football.
Par Alexandre Aflalo