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Defoe, la nuit américaine

Par Maxime Brigand
6 minutes
Defoe, la nuit américaine

Parti il y a un an au Canada pour être la tête de gondole du Toronto FC, Jermain Defoe est revenu lors du mercato hivernal en Angleterre à Sunderland. La fin d'un long moment de solitude pour l'international anglais. Retour sur un intermède mis sur pied avec l'aide de Drake et LeBron James, et interrompu par le souhait d'une mère.

Le tableau était pourtant presque parfait. Le rêve sportif monté de toutes pièces par le propriétaire américain du Toronto FC, Tim Leiweke, semblait toucher à son but. Lui qui voulait « penser Toronto en grand » à son arrivée en juin 2013 tenait sa figure de proue : Jermain Defoe, acheté en février 2014, pour un peu plus de sept millions d’euros à Tottenham. Aujourd’hui, Leiweke peaufine son effectif pour la nouvelle saison qui débutera dans un mois avec un déplacement chez les Vancouver Whitecaps, mais sa star manque à l’appel. Defoe a pris un aller simple pour le Nord-Est de l’Angleterre, direction Sunderland. L’Anglais vient de refermer son chapitre canadien après 19 petits matchs chez les Reds. Le « Bloody Big Deal » est devenu un homme du passé.

« Notre priorité est de bâtir un club de gagnant »

Defoe sera resté seulement onze mois au Canada. Le temps pour lui d’inscrire une dizaine de buts en 19 matchs et d’offrir une parenthèse dorée dans la vie de sa mère, Sandra. Une maman qui ne vit que pour les intérêts de son fils et à qui le Toronto FC a fait tourner la tête pour faire venir Jermain dans le Nord de l’Amérique. Un projet monté sur près de deux ans et qui s’est finalement terminé sur un retour à la case départ pour le buteur anglais. Nous sommes alors en juin 2013. Tim Leiweke, le président de la Maple Leaf Sports & Entertainment (MLSE), débarque à Toronto avec un rêve assumé : faire du club canadien, devenu la 13e équipe à intégrer la Major League Soccer en 2006, une machine à stars, un nouveau relais de sa société également propriétaire des Malple Leafs de Toronto (LNH) et des Raptors de Toronto (NBA). D’entrée, il assume vouloir faire le ménage et ne conserve en poste que l’entraîneur de l’époque, Ryan Nelsen, l’ancien international néo-zélandais et joueur de Blackburn. Leiweke installe progressivement ses hommes dont un homme clé du dossier Defoe, Tim Bezbatchenko, en septembre 2013. La machine est enclenchée.

Très rapidement, Leiweke demande à Nelsen de lui exposer une liste de 100 joueurs internationaux afin de scruter les possibilités du marché. Un listing réduit à dix noms parmi lesquels se trouvent l’attaquant de Bologne, Rolando Bianchi, Quagliarella, alors à la Juventus, ou encore Alberto Gilardino. Sur la pile, un dossier est mis rapidement de côté et cité comme joueur central du projet : Jermain Defoe. La paire Leiweke-Bezbatchenko file alors à Londres à la rencontre de Daniel Levy, le propriétaire de Tottenham, réputé pour ses négociations toujours remportées comme sur le dossier Bale avec le Real Madrid qui a fait jurisprudence dans le milieu. « Dès qu’on est arrivé au centre d’entraînement desSpurs, on a tout de suite compris que Defoe était le joueur idéal. Il était reconnu, international anglais et pouvait représenter une marque, à l’image de ce qu’on fait les LA Galaxy avec David Beckham. Seul problème, Tottenham n’était pas vendeur, et Jermain pas forcément très emballé à l’idée de quitter l’Angleterre » , racontera Leiweke à son retour au Canada.

« Allo Jermain ? C’est Drake, ça te dirait de venir jouer à Toronto ? »

L’agent de Defoe, Struan Marshall, organisera tout de même un rendez-vous avec Daniel Levy, Tim Leiweke et le joueur dans un hôtel de Londres. Une rencontre qui va tourner à une mise en scène digne d’un blockbuster américain mal tourné. Durant la réunion, Tim Bezbatchenko entre dans la pièce et tend à Jermain Defoe un iPad où défile une vidéo de présentation préparée à l’avance montrant l’attaquant anglais avec les couleurs des Reds de Toronto sur les épaules. Le joueur des Spurs n’en croit pas ses yeux et avouera, il y a quelques mois, avoir été pris dans un « scénario surréaliste » . Les dirigeants du Toronto FC avancent leurs arguments : la présence de Ryan Nelsen sur le banc, un ami de longue date de Defoe, et la déclinaison sous toutes les formes d’un projet rocambolesque qui serait construit autour de l’Anglais. Jermain a les yeux qui pétillent et l’american way of life dans la tête. Quelques jours plus tard, MLSE, la société de Tim Leiweke, valide la possibilité de s’offrir un « top-player » pour une cinquantaine de millions d’euros maximum. L’opération séduction débute alors.

Le Toronto FC entend user de tous ses moyens en main pour attirer Jermain Defoe au Canada et en MLS. En novembre 2013, la mère du joueur, Sandra, est invitée une semaine par MLSE dans la plus grande ville canadienne. La femme est alors logée au Ritz et va tomber dans une cupidité aiguë. À peine a-t-elle franchi le pas de porte de sa chambre d’hôtel, Sandra découvre sur le lit un bouquet de fleurs offert par le rappeur Drake assorti d’une invitation pour le match de basket entre les Raptors et le Heat de Miami. Une visite de l’ACC, la salle des basketteurs, est même organisée avec une surprise dans le vestiaire domicile : des sweats floqués du nom de Defoe accrochés sur chaque porte-manteau, LeBron James en personne et un iPad où son fils l’attend via Skype pour discuter. Le coup est parfait. Jermain Defoe recevra même quelques heures plus tard un appel de Drake raconté il y a peu par l’Anglais : « Jermain, ça te dirait de venir jouer à Toronto ? J’ai cru à une plaisanterie sur le moment tellement c’était gros ! »

Troisième salaire le plus élevé de MLS

Quelques semaines plus tard, sur un pont d’or avec un contrat estimé à 6 millions de dollars annuel, Jermain Defoe franchira l’Atlantique et sera présenté en grande pompe aux côtés de la star américaine, Michael Bradley. Le Toronto FC possède alors la masse salariale la plus élevée de l’histoire de la MLS. Le buteur anglais est inscrit en tant que Designated Player, permettant à Toronto de partager son salaire avec la Ligue. Le club canadien semble avoir réussi son coup, et Defoe inscrira un doublé lors de sa première apparition sur la pelouse de Seattle. La suite ne sera que buts et déceptions avec une saison terminée à la septième place de la Conférence Est synonyme de non-qualification pour les play-offs. L’Anglais sera absent de la liste de Roy Hogdson pour la Coupe du monde brésilienne, enchaînera les contre-performances sportives et terminera même la saison blessé avec seulement dix apparitions lors des quinze dernières rencontres du championnat régulier. Une blessure « diplomatique » intervenue peu après l’éviction de Ryan Nelsen en août. Une cause et des conséquences funestes pour l’avenir de Defoe au Canada.

L’Anglais s’épanche dès le mois de septembre 2014 dans la presse britannique pour évoquer son mal être dans un championnat qu’il juge trop faible sportivement pour un joueur possédant toujours des qualités athlétiques certaines. Il avouera même dans les colonnes du Guardian souhaiter revenir « le plus vite possible en Angleterre pour prouver qu’il a encore le niveau » . Face au malaise de son fils, Sandra arrive quotidiennement au centre d’entraînement du Toronto FC pour le soutenir à la sortie du vestiaire. Un comportement qui énerve les coéquipiers de Defoe, cristallise les relations entre l’ancien buteur des Spurs et ses dirigeants. Il y a quelques semaines, l’affaire a finalement trouvé son épilogue dans les mots de Tim Leiweke : « Nous souhaitons des joueurs impliqués dans le projet colossal du Toronto FC. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas de Defoe pour qui on avait fait beaucoup d’efforts. S’il ne veut plus être ici, la porte est ouverte. » Jermain a donc terminé son programme d’échange au Canada loin des strass qui avaient accompagné son arrivée. Andy Warhol pensait que chacun possédait en lui sa propre Amérique. Celle de Defoe est déjà oubliée.

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