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Copa del Rey, réunion de professionnels
Loin de notre Coupe de France ouverte à toutes les surprises, la Copa del Rey est propriété de privilégiés. Entre héritage historique et consensus financier, son nouveau millésime ne devrait encore une fois n’émerveiller que Madrilènes et Barcelonais.
La Vieille Dame est reine des surprises. L’hiver arrivant, les anonymes Calais Racing Union Football Club, Union Sportive Quevillaise, USJA Carquefou et autres Stade Olympique de Chambéry font leur retour dans le giron médiatique du ballon rond français. La France du football s’égosille alors pour supporter le Petit Poucet annuel, promis à une défaite certaine face à ses salauds de professionnels. L’exploit au rendez-vous, toute la famille du football salue cette parenthèse enchantée du football champêtre. De l’autre côté des Pyrénées, un grand écart de cet acabit n’existe pas. Car la Copa del Rey, Coupe de France sauce espagnole, a un fonctionnement aussi démocratique que son patronyme l’indique. A contrario de l’Hexagone et de ses quelque 8 000 participants, la Copa n’oppose que 80 clubs. Un chiffre en oscillation constante qui symbolise à merveille la complexité du fonctionnement de cette dite Coupe du Roi. Son long siècle d’existence a connu pas mal de remous, allant de ses statuts à son nom.
Un club select et fermé
A l’heure actuelle baptisée Copa del Rey, la compétition a connu des balbutiements bien plus personnalisés. Grâce à l’opiniâtreté – pour ne dire les coups de lèche – du président du Real Madrid Carlos Padros, la Copa de la Coronacion voit le jour en mai 1902. Cette Coupe du Couronnement – également appelé Copa del Ayuntamiento de Madrid – a pour objectif de rendre hommage au tout frais monarque Alfonso XIII. Après 72 heures de compétition entre les cinq plus grands clubs du pays, le Club Vizcaya, ancêtre de l’Athletic Bilbao, est couronné. De fait, trois saisons plus tard, et autant de titres basques, la dénomination trop peu tapageuse signe son clap de fin. Un brin mégalomane, Alphonse, treizième du nom, fait dans le tape à l’œil. Son « couronnement » est détourné en un bien plus simpliste Copa de su Majestad el Rey Alfonso XIII. Année après année, la coupe ne cessera de changer de nom au gré de la guerre civile puis de la dictature franquiste.
De la Copa del Presidente de la Republica (1933-1939) au Trofeo puis Copa de S.E. El Generalisimo (1939-1975), la Copa del Rey voit finalement le jour à la mort de ce merengue de Franco. Durant les périodes plus que troubles de l’histoire espagnole, les formes de fonctionnement vont se succéder. Pourtant, le fond reste grosso modo le même. Seule une poignée de clubs – à l’échelle nationale – participe à la compétition. La Coupe d’Espagne n’est que le recensement de quelques équipes formant un cercle élitiste. Ce « pourquoi du comment » explique donc la démesure des records accumulés depuis l’an 1902. En vrac, Augustin Piru Gainza, membre émérite de l’Athletic Bilbao des années 40-50, se fend de 99 matchs pour sept titres – et détient le record de huit buts dans un seul et même match lors de l’édition 1948. A la même époque, son coéquipier Telmo Zarra affiche 81 pions en 74 coups d’envoi. Côté palmarès collectif, le CV du Barça étale 26 breloques dorées, celui de Bilbao 24, alors que le Real n’en annonce « que » 18. Bref, une domination sans partage. Pour preuve, seuls 15 équipes ont brandi la Coupe depuis plus d’un siècle – en France, ils sont au nombre de 33. Un constat qui ne devrait pas changer dans l’immédiat.
Compensation financière
Lorsque la Vieille Dame version 2011-2012 oppose 6032 clubs, la Copa del Rey affiche seulement 83 concurrents. Font partie des heureux élus, les 20 clubs de Liga, les 22 de Liga Adelante (ou Segunda A) – moins les équipes réserves, d’où le nombre fluctuant de participants –, les 24 de Segunda B ainsi que les 18 champions des ligues régionales. Ce tri sélectif de prétendants est le fruit d’une décision de l’assemblée générale de la fédération espagnole de football. « La coupe a changé à de nombreuses reprises de format. Mais depuis sa nouvelle dénomination, un choix a été fait par la RFEF de ne pas inscrire toutes les équipes du pays » , explique Pablo Brotons, journaliste et spécialiste de la question à Marca. « Les dirigeants du football amateur, membres de l’assemblée, ont voté en faveur de cette décision. En contrepartie, les clubs amateurs touchent une compensation financière qui tombe dans un fonds commun » , conclut-il. Tout le petit monde du futbol espagnol semble donc s’accorder sur le bien-fondé de ce fonctionnement. Tant pis diront les démocrates du foot.
Car le déroulement des différents rounds proposent une multitude de rencontres. Lors des trois premiers tours opposant le bas de l’échelle, la qualification se joue en 90 minutes. Ce n’est qu’à partir des 32e de finale, avec l’entrée des pensionnaires de Primera Division, qu’elle se joue au meilleur des deux manches. Ainsi, les surprises de clubs des échelons inférieurs se font rares. Sur un seul et unique match, l’exploit, sur un coup de chance, un surplus de motivation, est possible. Rééditer cette prouesse lors du retour, qui plus est à l’extérieur, relève quasiment de l’utopie. L’aventure chevalière des joueurs du CD Mirandes, modestes internes de la Segunda Division B soit notre niveau national, jusqu’en demi-finale l’an passé, ou encore celle des banlieusards de l’Alcorcon face au grand voisin du Real Madrid en 2009, rappellent tout de même qu’on n’est jamais à l’abri de surprises à la française. Il n’en reste pas moins que les chances d’Alaves et d’Alcoyano respectivement face aux Blaugranas et aux Merengues paraissent plus que faméliques. Le Roi n’aime pas trop la nouveauté et le désordre.
Par Robin Delorme, à Madrid
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