- Euro 2020
- Gr. A
- Italie-Suisse (3-0)
C’est sexy, c’est l’Italie
Six buts marqués en deux matchs, un pressing énervé comme les riffs de guitare d'un groupe de rock californien et une absence globale de calcul, à contrepied des clichés qu'elle a parfois pu véhiculer : l'Italie de Roberto Mancini promène dans son sillage quelque chose de charnel. Un spectacle jouissif, et même pas interdit aux mineurs.
Certains matchs sont d’abord affaire de sensations. Ce mercredi face à la Suisse, quand Nicolò Barella et Jorginho ont commencé à se faire des papouilles dans l’entrejeu à coups de une-deux amoureux, on a vite su. Su qu’on allait passer un bon moment. Du moins si on était transalpin. Ou qu’on avait un petit truc pour la Nazionale. Parce qu’on aime le bleu, l’Italie et les jolies choses. Comme ce premier pion que Manuel Locatelli a inscrit, après avoir magistralement servi Berardi et galopé sur toute une moitié de terrain, pour marquer de près.
Il y avait de la passion dans ce rush, qui semblait insensé. Un peu comme dans ce pressing italien, furieux et obsessionnel, qui étouffait dans l’œuf les offensives helvètes, dont le jeu fut longtemps purement et simplement annihilé (score final : 3-0). Comme face à la Turquie vendredi, l’Italie a confronté son adversaire loin de ses propres bases. Le message est clair : la Nazionale n’attendra pas une erreur adverse pour plonger en contre. L’Italie cuvée Roberto Mancini n’espère pas d’ouvertures. Elle s’en crée. Elle n’attend pas davantage une approximation adverse. Elle les provoque.
Un frisson Nazionale
C’est un petit ensorcellement, une séduction charnelle qui s’opère alors, entre son public et une équipe qu’on aura rarement vu aussi joueuse. Quand Spinazzola déboule comme un fauve sur son côté gauche, l’Olimpico frissonne. Quand Insigne enroule un tir, qu’Immobile combine aux contours des seize mètres, que Berardi bondit sur son aile, l’Italie distille un envoûtement qui porte les promesses charmeuses d’un Euro hédoniste. Il ne s’agit pas ici d’une formation cérébrale et tactiquement machiavélique, comme le fut son équivalent de l’Euro 2016. Ces Azzurri-là convoquent plus de talent, plus d’improvisation, plus de lâcher-prise, plus de plaisir aussi. Il suffit de voir cette équipe se mouvoir, dans une vague de courses qui se mélangent joyeusement vers l’avant, ses joueurs fonçant comme des gamins qui veulent marquer un dernier but avant la fin de la récré. Il faut la voir défendre en avançant, avec l’obstination adolescente d’un groupe pas encore tout à fait mature, mais impossible à faire changer d’avis, de parti pris, quitte à en payer les pots cassés. Elle n’a l’air ni cynique, ni invincible. C’est peut-être déjà ce qui fait d’elle une formation à part, dans une compétition où la France et le tenant du titre portugais s’avancent blindés de certitudes et sans s’embarrasser du panache, une notion qui n’a jamais franchement passionné Didier Deschamps ou Fernando Santos. L’avenir dira si l’Italie saura défier dans son style ces deux ogres. En attendant, les épicuriens du ballon savent déjà vers qui se tourner, s’ils veulent frissonner cet été : tout droit vers la Nazionale.
Par Adrien Candau