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Vilda España !

Par Anna Carreau

Si l’Espagne est parvenue à se hisser jusqu’en demi-finale de Coupe du monde pour la première fois de son histoire, son sélectionneur Jorge Vilda est toujours loin de faire l’unanimité. Les tensions sont là, et à l'heure d'affronter la Suède ce mardi, les joueuses ne le cachent même plus.

Vilda España !

L’image a fait le tour des réseaux sociaux en Espagne : alors que la Roja vient de se qualifier pour la première fois de son histoire en demi-finale d’une Coupe du monde, son sélectionneur Jorge Vilda est zappé des célébrations, les joueuses préférant des câlins collectifs entre elles ou des retrouvailles avec leurs proches en tribunes. « Je les ai serrés dans mes bras avant, pendant, au dîner, pendant les célébrations après… Cela restera gravé dans ma mémoire, se justifie trois jours plus tard le snobé au micro de la radio COPE. Nous sommes un groupe très soudé. Si nous écoutons ce genre de commentaires… Quand il y a de la musique, je l’écoute, mais pas le tapage. » Adepte d’un discours performatif qui matraque que « le groupe vit bien » malgré certaines images éloquentes, il assure même que « la cohabitation a commencé avec beaucoup d’harmonie et de professionnalisme et maintenant, il y a une bonne ambiance, nous passons un bon moment. »

Des championnes d’Europe manquent à l’appel

Une façon de mettre entre parenthèses presque un an de conflit ouvert entre quinze des meilleures joueuses espagnoles et la fédération. Au lendemain d’un Euro 2022 raté où l’Espagne sort dès les quarts de finale, certaines s’étaient mises en retrait de la sélection, demandant de nombreux changements afin de pouvoir performer au plus haut niveau. Une demande semblable à celle formulée par Wendie Renard et d’autres Françaises quelques mois plus tard. Sauf que contrairement aux Bleues, la fédération espagnole a décidé de maintenir Jorge Vilda, en poste depuis 2015 et qui n’a pas gagné le moindre titre avec une équipe de plus en plus compétitive. Ce sont donc les joueuses qui ont fait des concessions pour disputer malgré tout ce Mondial en Océanie. Parmi les quinze s’étant déclarées non-sélectionnables auprès de leur fédération, trois seulement font partie du groupe des 23 au parcours historique : Aitana Bonmatí, Mariona Caldentey et Ona Batlle. D’autres qui ne sont pas du voyage auraient également envoyé une lettre à la RFEF pour faire machine arrière, mais n’ont finalement pas été retenues comme c’est le cas pour Sandra Paños, habituelle titulaire des cages du FC Barcelone.

Certaines ont tout simplement préféré rester fidèles à leurs valeurs plutôt qu’au plaisir de jouer une Coupe du monde. Parmi elles, trois récentes championnes d’Europe avec le Barça : Mapi León, Patri Guijarro et Claudia Pina. Les différents changements insufflés par la fédération pour tenter de calmer le jeu – un physiothérapeute supplémentaire, une nutritionniste, un accord pour faciliter les déplacements des familles, un traitement particulier pour les mamans, une assurance de voyager dans de meilleures conditions – n’ont pas suffi. Et tant pis si parmi les absentes figurent « la meilleure pivot et la meilleure défenseuse centrale au monde », selon bon nombre d’observateurs. Se passant de leurs services, Jorge Vilda construit « une nouvelle Espagne », « avec celles qui ont envie de jouer pour ce maillot ». Figurent donc dans la liste des 23 des joueuses qui ne sont pas titulaires dans leur club, comme Cata Coll, remplaçante de Sandra Paños au Barça et revenant d’une rupture du ligament croisé, ou Laia Codina, cinquième dans la hiérarchie catalane des défenseuses centrales. Même la très jeune Maria Pérez, 21 ans, et milieu de terrain du Barça B – qui joue en D2 espagnole – est du voyage.

Plan tactique : « Vamos España »

En Nouvelle-Zélande, les nerfs sont souvent à vif, à l’image des larmes que partagent Irene Paredes, Jenni Hermoso et Alexia Putellas sur le banc après la qualification historique. « Nous avons traversé beaucoup de choses ensemble et beaucoup se sont battues pour qu’on arrive ici. Je suis super fière et satisfaite de ce que nous avons obtenu jusqu’à aujourd’hui », rembobinait, les larmes aux yeux, l’attaquante de Pachuca en zone mixte après la victoire 2-1 face aux Pays-Bas. À ses côtés en conférence de presse à la veille de cette demie, Jorge Vilda réécrit un peu l’histoire et assure qu’il est lui aussi en grande partie responsable de cette réussite. Répondant à une journaliste suédoise l’interrogeant sur la situation au sein de la sélection, il explique d’un ton solennel : « La première chose que je voudrais faire est de souligner le soutien et l’appui de notre président depuis le premier jour. Sans cela, nous ne serions certainement pas là aujourd’hui. Nous avons un président qui a réagi avec courage et qui a soutenu mon staff et moi-même, et je tiens donc à le féliciter pour la gestion de tout ce processus. »

Sur son estrade de l’Eden Park d’Auckland, le sélectionneur espagnol semble oublier le lot de polémiques qui a déjà pollué la Coupe du monde de la Roja. Celui qui n’a que la formation de préparateur physique, et qui est aujourd’hui le responsable du football féminin de la fédération hispanique, a notamment été pointé du doigt pour avoir fait entrer Athenea del Castillo en toute fin de match contre la Zambie, alors que le score était déjà plié et que celle-ci revenait à peine d’une blessure à la cheville. Résultat : l’attaquante du Real rechute et quitte le terrain cinq minutes plus tard en pleurant, portée par le staff médical. Les choses empirent après la claque reçue face au Japon. La défaite 4-0 à peine digérée, il répond au micro de la télévision publique espagnole qu’il est très satisfait malgré tout d’être qualifié pour « les quarts », bien que le format de la compétition passe avant par des huitièmes. Interrogé en conférence de presse sur un éventuel plan B, le boss de l’Espagne esquive les questions tactiques et se contente d’un : « Je remarque beaucoup de négativité… Vamos España, vamos equipo, nous allons gagner ce match tous ensemble ! »

Une rivalité oubliée au profit d’une autre

Même réponse évasive lorsqu’on lui demande qui va récupérer le brassard d’Ivana Andrés, nommée capitaine pour la première fois lors de ce Mondial et forfait sur blessure pour plusieurs rencontres : « J’ai 23 capitaines et 23 Ballons d’Or dans mon équipe. » Il choisit aussi de changer de gardienne, après que Misa, habituelle titulaire, a sous-performé contre le Japon et a été victime de larges critiques sur les réseaux sociaux. La jeune Cata Coll, 22 ans, vit ainsi sa première cape lorsqu’elle est titularisée contre la Suisse, avec devant elle Laia Codina, qui dispute ses premières minutes en Coupe du monde dans ce match à haute pression. Résultat : Codina inscrit un but contre son camp dès la 11e minute, alors que l’Espagne avait ouvert le score juste avant (score final 5-1). Des péripéties qui forcent certaines à dire en conférence de presse qu’elles préfèrent « oublier ce qu’il s’est passé avant ». Y compris l’ancienne brouille entre des Madrilènes qui se refusent à entrer dans la fronde et des Barcelonaises meneuses des revendications. Une unité rare dans un pays souvent divisé par cette rivalité Real-Barça, qui dit beaucoup des relations entre les joueuses et Jorge Vilda.

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