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François Marchal : « Ça me va bien de ne pas être dans la lumière »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger, à Marseille
7 minutes

Transporter des millions de téléspectateurs tout en redoutant de prendre la parole en public. Aux commentaires des matchs de Premier League comme de Coupe d’Europe au micro de Canal+, François Marchal a appris à grandir avec ce comble, sans que ça ne l’empêche aujourd’hui d’inscrire certaines de ses formules dans les mémoires.

François Marchal : « Ça me va bien de ne pas être dans la lumière »

À part le son de ta voix, on sait assez peu de choses sur toi. Alors qui es-tu, d’où viens-tu, qui supportes-tu ? Le club de cœur, je préfère le garder pour moi. Ce que je peux te dire, c’est que je viens de Reims. Au départ, j’ai fait des études qui n’ont rien à voir avec ce que je fais actuellement, puisque j’étais dans l’informatique. Mais ça ne me plaisait pas, donc j’ai fait du journalisme, pour arriver à Paris il y a 22 ans maintenant.

Ton rapport au football se construit comment au milieu de ça ?

Comme beaucoup de gens : à travers les premiers matchs à la télé autour de mes 10 ans. J’ai un an et demi d’écart avec mon frère, donc on s’est auto-alimenté dans la passion du foot, et ça nous a conduits jusque-là.

Quelle est ta première grande émotion liée au foot ?

Le premier match dont je me souviens, c’est la finale de la Coupe de France 1989 entre Marseille et Monaco. C’était une finale spectaculaire puisque l’OM avait gagné 4-3. Et puis la Coupe du monde 1990, qui est la première que je vis réellement en regardant tous les matchs à la télé. Et là, c’est plein de souvenirs. Elle n’est pas restée dans l’histoire comme une Coupe du monde très enthousiasmante, il n’y a pas l’équipe de France, il n’y a pas beaucoup de grands matchs, mais pour moi, c’est la plus belle, parce que c’est la première.

Est-ce que tu t’intéresses aussi tôt à la manière dont le foot est diffusé ou à la manière dont il est raconté à travers la télévision ?

Pas du tout. À ce moment-là, je n’imaginais pas du tout que ce serait mon métier. À 12-13 ans, d’ailleurs, j’écoutais plus la radio et je vivais le commentaire par la radio et les soirées multiplex. On y trouvait une variété de voix qu’on ne trouvait pas à la télé : les matchs télévisés étaient moins nombreux, et ceux qui commentaient, c’étaient des références. À la télé, c’était Thierry Roland, à la radio, c’était Eugène Saccomano. Ce sont des gens que j’ai beaucoup écoutés, mais je n’ai pas l’impression de faire comme eux.

Je suis complètement absorbé par le match et par le jeu. Souvent, on me donne la consigne de passer tel ou tel message à l’antenne, mais j’oublie tellement je suis dans mon truc.

François Marchal

Comment t’es-tu retrouvé à Canal+ ?

Comme tout journaliste débutant, je suis allé où il y avait de la place, où on voulait bien de moi. J’ai fait un peu de radio en début de carrière, puis je suis entré à Infosport, qui était propriété de TPS. Il y a eu la fusion avec Canal+ en 2007, donc j’ai fait mes premiers matchs en commentaire en 2010, avec des petits matchs au début. Et une fois qu’on y est, on fait son chemin en tentant de convaincre.

Y a-t-il des matchs plus simples à commenter que d’autres ?

Bizarrement, les matchs les plus durs sont ceux où il ne se passe rien. Quand il n’y a pas d’action, pas d’émotion, que le jeu est arrêté, pas d’ambiance… Faire vivre ces matchs, c’est le plus difficile. La dernière finale de la Ligue Europa entre Manchester United et Tottenham, c’était horrible parce qu’on n’avait pas grand-chose à raconter.

À quel point commenter un match de Ligue des champions est différent de commenter un match de championnat ? 

Déjà, il faut différencier les matchs européens avec et sans club français. Dans le premier cas, il y a un parti pris logique, tu accentues sur le club français, tu essayes de faire passer une émotion pour le public français. Il y a une petite pression supplémentaire avant le coup d’envoi, mais – que ce soit un PSG-Bayern ou Newcastle-Manchester City – une fois que c’est parti, l’exercice du commentaire reste le même.

Depuis ton poste de commentateur, comment vis-tu les matchs ?

Je suis complètement absorbé par le match et par le jeu. Souvent, on me donne la consigne de passer tel ou tel message à l’antenne, mais j’oublie tellement je suis dans mon truc. Je ne me rends plus trop compte de ce qu’il y a autour.

Dans ce métier, on fonctionne aussi en binôme. Comment fait-on pour trouver l’alchimie avec son consultant ?

On met souvent l’accent sur le commentateur, mais on ne commente jamais seul. Et c’est pareil : cette alchimie prend corps avec le temps. J’ai eu la chance de côtoyer des super consultants, comme Jean-Luc Arribart qui est mon ami, comme Christophe Jallet, Sidney Govou, Aline Riera. L’entente se peaufine pendant les matchs, mais aussi pendant les déplacements parce qu’on passe beaucoup de temps ensemble. C’est de la vie à deux, donc il faut que ça fonctionne.

Beaucoup de tes commentaires l’an dernier ont marqué les gens, plutôt positivement. C’est quelque chose auquel tu es attentif ?

Je ne vais pas sur les réseaux sociaux, donc je ne vois pas directement tout ce qui se dit ou ce qui se fait. Après, on m’a montré pas mal de choses et ça me fait marrer quand on reprend un de mes commentaires ou qu’on essaye de m’imiter. En tout cas, ça me surprendra toujours que ça trouve un tel écho.

Quand tu es au micro, tu visualises les gens qui t’écoutent ? 

Non, je n’y pense pas, et heureusement qu’on ne les voit pas d’ailleurs, parce que sinon je ne parlerais plus. Une prise de parole en public, pour moi, c’est impressionnant.

Peut-on travailler dans les médias sans être un personnage médiatique ?

Je vis très bien ce qui m’arrive. Rien n’a vraiment changé dans ma vie. Mon rôle, c’est d’accompagner le match, de rendre compte d’une émotion quand elle est là, de la restituer le plus justement possible, c’est de la faire circuler du terrain jusqu’à la maison avec des mots, un rythme et des intonations. Moi, ça me va bien de ne pas être dans la lumière.

Heureusement qu’on ne voit pas les téléspectateurs, parce que sinon je ne parlerais plus. Une prise de parole en public, pour moi, c’est impressionnant.

François Marchal

Dans ces mots, quelle est la part de ce qui est travaillé ou préparé en amont et de ce qui sort spontanément sur le vif ? 

C’est difficile à expliquer parce qu’il y a plein de choses qui se passent dans ma tête. Mais le commentaire, c’est une question de maturité. Si tu écoutes ce que je faisais il y a 15 ans, ce n’était pas le même type de commentaire. C’est avec le temps qu’on apprend à choisir les mots, à les trouver au bon moment, à réfléchir rapidement et avoir confiance en ce qu’on dit. Ce sont des mécanismes.

Tu n’as pas de filet de sécurité avec des textes écrits au préalable ?

Je peux avoir une phrase de prise d’antenne préparée, pour être sûr de bien partir, mais au-delà de ça, c’est impossible d’anticiper tout ce qu’il va se passer. Il y a tellement de scénarios et de rebondissements possibles qu’il ne faut pas s’enfermer avec des formules toutes faites. C’est plus de la réflexion avant, pendant les matchs, parfois après les matchs. Des fois, je me dis : « Ah j’aurais pu dire ça », mais ça reste dans un coin de ma tête et ça peut ressortir six mois après.

© CANAL+
© CANAL+

La timidité qui te caractérise, ça a été un frein dans ta carrière ?

C’est quelque chose que j’ai dû surmonter. Pas seulement pour faire ce métier, mais pour la vie de tous les jours, pour parler à n’importe qui. La passion fait beaucoup dans le fait de réussir à prendre confiance.

Il y a eu un déclic ?

C’était très progressif. Je suis dans ce métier depuis 20 ans, ça fait 15 ans que je commente des matchs. Donc je suis allé à mon rythme. J’ai toujours avancé marche par marche, et à chaque étape, on m’a fait confiance. La seule ambition que j’ai eue dans ma vie, c’était la marche suivante, sans jamais regarder plus loin.

Quelle rencontre garderas-tu dans ton panthéon ?

L’un des plus beaux moments de ma vie au commentaire restera la demi-finale de Ligue des champions entre le Barça et l’Inter de la saison dernière, aller comme retour. Le niveau du match et des joueurs, les émotions, le suspense et l’ambiance des stades sont tels que tu te sens privilégié de vivre ça. À la fin de matchs comme ça, tu es heureux de faire ce métier.

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