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Promise David, celui qui a enfin touché terre

Par Mathieu Plasse
7 minutes

Pour consolider sa place en Ligue des champions, Marseille se déplace sur la pelouse de l’Union saint-gilloise, championne de Belgique réputée pour l’excellence de son recrutement. Son dernier coup en date demeure Promise David. Parmi les meilleurs buteurs de Pro League la saison passée, le Canadien trouve une fin heureuse à un périple long de plusieurs années. Portrait d’un gamin ayant pris tous les risques pour atteindre les sommets.

Promise David, celui qui a enfin touché terre

« Tu as cinq minutes pour marquer. Ton remplacement est déjà planifié. » Tels étaient les mots de David Hubert, fraîchement nommé entraîneur de l’Union saint-gilloise, envers son attaquant Promise David. Averti d’un carton jaune, le Canadien ne brille pas pour cette cinquième journée de Ligue des champions, sur la pelouse de Galatasaray. Cinq minutes plus tard, Adem Zorgane sert à quelques mètres des cages le colosse, qui n’aura qu’à pousser le cuir au fond. Le tout avant de se faire remplacer dans la foulée par Kevin Rodríguez. Ce sera le seul but de la partie au Rams Park, permettant aux Bruxellois de croire encore au top 24. Il est comme ça, Promise : il a toujours marché à la pression. Une aubaine pour celui ayant fait son trou dans la capitale belge.

Auteur de 34 buts en 64 matchs sous le maillot unioniste, le grand gaillard d’un mètre 96 est devenu le dernier rouage du projet de Tony Bloom. Dix-neuf pions en Pro League, dont un doublé lors du match capital contre La Gantoise, mèneront à un titre de champion de Belgique. Un sacre que le stade Joseph-Marien attendait depuis l’an de grâce 1935. Plutôt véloce et pas maladroit avec ses pieds, c’est sa domination physique qui saute aux yeux, tant le numéro 12 reste impassible à chaque duel. Qu’on le prenne à l’épaule ou par le tee-shirt, le constat est souvent le même : pas moyen de faire dévier « Baby Lukaku » de sa trajectoire. Une habitude qui finit par attirer bon nombre de courtisans. Si le LOSC et le Paris FC ont dû essuyer son refus, il sera plus difficile de ne pas céder aux sirènes de la Premier League, friande de ce type de profils. La balle est dans son camp, une belle revanche pour celui qui a connu un nombre incalculable de stops.

Le premier footballeur passé par Parcoursup

Passionné par le ballon rond alors qu’il passait sa petite enfance à Lagos, le petit Promise se défoule de retour dans l’Ontario. Repéré par l’académie du Toronto FC, le natif de Brampton se développe tranquillement dans le plus grand club du Canada, reconnu pour sa filière italienne. Mais en 2016, au moment de fêter ses 15 ans, la franchise titrée fait l’impasse sur lui, ne le jugeant « pas assez bon ». Celui qui racontait n’avoir jamais entendu le mot « non » de toute sa vie en connaîtra beaucoup d’autres dans sa carrière. Comme d’autres refoulés du centre, l’adolescent se tourne vers le Vaughan Soccer Club, par où sont passés des cadres de la sélection comme Alistair Johnston ou Kamal Miller. Anthony Vadori, son éducateur de l’époque, se rappelle un gamin « très sérieux, très studieux et surtout un bon déconneur. Il n’aimait pas tellement s’entraîner, il préférait avant tout jouer, que ce qu’il fasse soit noté, transformé en points. » 

Des points, Promise va en inscrire un sacré paquet avec les équipes de jeunes. Mais il n’en marquera aucun du côté des scouts, alors qu’il approche l’âge d’entrer à l’université. « Promise n’a pas eu beaucoup d’offres au moment de rejoindre la NCAA : il était très maigre et beaucoup pensaient qu’il ne collerait pas au style de jeu américain. Il est passé par Tulsa en 2021 (évoluant en USL Championship, deuxième échelon du soccer américain, NDLR), et ils ne l’ont pas pris au sérieux non plus. Même en seniors, je connais des coachs en Première Ligue canadienne qui lui ont dit non. » Devant cette montagne de rejets, le déscolarisé décide de partir à l’aventure, avec le rêve de devenir footballeur professionnel.

Aujourd’hui, lorsque je parle aux jeunes de l’académie, je leur dis : “Si le recruteur ne vous aime pas, ce n’est peut-être pas le cas de tout le monde, il n’y a qu’à voir avec Promise David.”

Anthony Vadori, éducateur au Vaughan SC

Venant d’obtenir sa majorité, le buteur va réussir une détection pour un club de deuxième division croate. Pour déchanter une fois arrivé dans les Balkans, apprenant que l’homme ayant négocié sa signature a été limogé. Afin d’éviter le retour direct au Canada, il doit signer au NK Trnje, un échelon plus bas. Une expérience mi-figue mi-raisin, offrant une certaine expérience mais devant conjuguer au départ avec un entraîneur très adepte du mot « cr̀nac » (l’équivalent du n-word en serbo-croate, NDLR). « Parfois, je me retournais vers un coéquipier en lui demandant : “Est-ce qu’il vient réellement de me dire ça ?” À certains moments, les autres joueurs préféraient ne pas me traduire ce qu’ils avaient entendu tellement c’était chaud », révélait-il, dans un entretien avec La Dernière Heure. S’ensuivent des essais dans l’Oklahoma puis à Malte, tous infructueux malgré un potentiel évident. À 21 ans, le nom de Promise David ne se trouve sur aucune lèvre. L’envie d’arrêter les frais se fait déjà sentir.

Arrivé en jeune garçon, reparti comme un Nõmme

Au début de l’année 2022, malgré les moyens financiers de sa famille, Promise David s’envole pour un quatrième pays. Direction le Nõmme Kalju, aussi connu pour son entraîneur se posant sur le toit du stade que ses performances en Meistriiliga, élite du football estonien. « J’ai dû convaincre mon père de ne pas retourner à l’école alors que c’était la seule chose que voulait ma mère. Je me sentais comme au casino : tu joues ton argent, mais à quel moment tu t’arrêtes ? », confesse le fiston. La partie commence cependant avec une paire de deux dans la manche, le nouveau venu devant démarrer en équipe de jeunes. « Avec tout son passif, il fallait d’abord le reconstruire mentalement. C’est pour cela qu’on l’a lancé en U21, même s’il s’entraînait constamment avec l’équipe première », explique Kuno Tehva, président des Panthères roses. Un effort de plus demandé au géant venu d’ailleurs, vu le peu de temps qu’il lui reste pour exploser, mais pas dénué de sens. Le club de la banlieue sud de Tallinn se démarque par son bon développement des jeunes, locaux ou étrangers, au point de devenir la troisième meilleure écurie du pays, derrière le Flora et le Levadia.

À l’origine, il ressemblait plus à un engin sorti d’une usine Hyundai. Maintenant, il réalise des gestes pour prendre le devant physiquement qu’il a appris en Estonie.

Kuno Tehva, ingénieur en automobile

Ayant pris beaucoup de muscles depuis son départ du Canada, c’est ici qu’il va devenir la machine qu’il est aujourd’hui. Kuno Tehva peut en témoigner : « Aujourd’hui, je ne connais pas d’autre profil dans le Big Five aussi fort physiquement. Mais c’est ici qu’il a appris à utiliser son corps à son avantage. À l’origine, il ressemblait plus à un engin sorti d’une usine Hyundai. Maintenant, il réalise des gestes pour prendre le devant physiquement qu’il a appris ici, et j’en suis ravi. » Une progression fulgurante lui permettant de devenir un atout, d’abord avec les moins de 21 ans, puis en équipe première, posant une quarantaine de buts en 18 mois. Un an avant qu’un certain Guilherme Smith ne fasse le même parcours, l’Union saint-gilloise ferre un poisson qu’eux seuls sont capables de déceler. « On prévoyait d’en faire une plus-value pour l’été 2024. On pensait atteindre les 300 000 euros, on en a eu le double », s’en satisfait Tehva.

Alors qu’il pourrait faire trembler les filets de Geronimo Rulli, son ascension fulgurante n’en finit pas d’étonner, son formateur en premier. « Je savais qu’il pouvait devenir un joueur tout à fait correct, mais pas à ce point. Malgré tout, ça me paraît étonnant qu’aucun club ici ne lui ait donné sa chance. Mais ça fait aussi partie du modèle nord-américain, qui va parfois prioriser des noms avant des jeunes », ressent Anthony Vadori. Des choix sportifs rarement payants, mais permettant de tester le caractère de certains. « Aujourd’hui, lorsque je parle aux jeunes de l’académie, je leur dis : “Si le recruteur ne vous aime pas, ce n’est peut-être pas le cas de tout le monde, il n’y a qu’à voir avec Promise David.” » C’est bien la preuve qu’on peut encore se faire une place dans le gratin européen sans passer par la grande porte.

En direct : Union saint-gilloise - Olympique de Marseille (0-0)

Par Mathieu Plasse

Tous propos recueillis par Mathieu Plasse, sauf ceux de Promise David.

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