Un papier pour Ciso.
Dans le jeu, il y a bien longtemps que Thadée Cisowski est entré au Panthéon du football français. Décédé le 25 février dernier à l’âge de 78 ans, il est désormais parti rejoindre le paradis des plus grands joueurs de ballon rond, que l’hexagone n’ait jamais connus. Hommage au buteur émérite qu’il était.
Né le 16 février 1927 à Laski, en Pologne, le jeune immigré arrive avec ses parents en Lorraine. Il est âgé de six ans. C’est décidé, le minot sera mineur, comme les autres ! Ben, non, il sera footballeur ! Comme les autres…
Débutant à l’E.S Piennes, comme Roger Piantoni, il débarque en 1947 au FC Metz, club dans lequel il passera professionnel, et exprimera régulièrement ses talents de buteur. Resté quatre saisons sous les couleurs « grenat » , il connaîtra la D1 et D2, ce qui ne l’empêchera pas de faire des misères à ses adversaires directs.
Indifféremment, il fait parler la poudre et met le feu à sa carrière. Dynamiteur officiel de défenses, il tape dans l’œil des recruteurs et plus particulièrement dans celui des représentants du Racing Club de Paris. C’est en 1952 qu’il rejoint le club de la capitale (avec lequel il connaîtra aussi les deux divisions), tout juste auréolé d’un titre de meilleur buteur de D2, acquis avec le club messin (23 buts). Â l’époque, le transfert fait sensation, puisqu’il constitue alors un record financier (il restera chez les Ciel et Blanc jusqu’en 1960).
La même année, il connaît les joies d’une première sélection en équipe nationale, appelé à revêtir la tenue frappée du coq. Il portera le maillot tricolore à 13 reprises entre 1952 et 1958, et inscrira 11 réalisations au total. Le fait marquant de sa carrière internationale restera pour le grand public, le quintuplé réalisé le 11 novembre 1956 à Colombes, face à la Belgique (6-3) – record absolu, qu’il partage avec Eugène Maës (8-0 face au Luxembourg, en 1913). Cet avant-centre athlétique, racé et véloce avait la frite ! Nos voisins s’en souviennent encore !
Pourtant, rien n’a jamais vraiment baigné dans l’huile pour lui, puisque ses cerbères, des types trop scandaleusement rugueux, ne le ménageaient pas. Justement, absent de la fameuse épopée scandinave de 1958, il fut victime de nombreuses blessures répétitives (dont trois fractures de la jambe !), causées par de gentils tacles bien appuyés…
En dépit de ces diverses infortunes, le « Braconnier » s’est bâti une renommée digne de faire rougir les plus grands goléadors de la planète foot. Si sa carte de visite est restée vierge de tout palmarès au sein de l’élite, « Ciso » (cela n’a rien à voir avec les papinades de JPP), ainsi surnommé par ses fans, pouvait néanmoins s’enorgueillir de faire partie du cercle très fermé des canonniers français, ayant totalisé plus de 200 buts dans leur carrière. Ce joueur complet, demeure avec ses 206 offrandes, délivrées entre 1948 et 1961, le quatrième buteur de l’histoire de la Division 1 française, derrière Delio Onnis (299), Bernard Lacombe (255), Hervé Revelli (216) et devance de trois unités, Roger Piantoni. Cela, en 11 saisons et 279 matches…
Hé oui ! « Ciso » le tranchant, dépasse notre plus illustre buveur de Cacolac, qui n’en totalise « que » 180… en 215 rencontres…
Thadée Cisowski était de la trempe des Grands. Le dire est un euphémisme. Ne pas en parler, un crime de lèse-majesté ! Avant de terminer sa carrière à Nantes (1961-1962), en deuxième division, et avant un ultime détour par Valenciennes (1961-1962), il décrochera trois titres de meilleur buteur du championnat de France de D1, en 1956 (31 buts en 29 matches), 1957 (33buts en 28 matches) et 1959 (30 buts en 29 matches) ! Ce parcours prodigieux, il le doit à son talent, son sens de l’anticipation, son mental, et comme il le reconnaissait lui-même, modestement, à « la chance » et au « travail de [ses] camarades » .
Le football français vient de perdre un de ses plus beaux champions. « Ciso » , l’homme des records (on a failli oublier qu’il avait aussi marqué 21 buts dans le même match, avec les juniors de Piennes !), s’en est retourné au firmament des étoiles du football. N’en déplaise aux Diables Rouges…
Alors, bon voyage Monsieur le Buteur,
Le football français vous remercie pour tout ce que vous lui avez apporté.
Laurent Brun
Par