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Ultras : la bâche de guerre est déterrée

Par Baptiste Brenot
Ultras : la bâche de guerre est déterrée

Le 4 février dernier, la violente agression de supporters romains et le vol de leur bâche suscitaient une vive émotion au sein du milieu ultra italien. Aujourd'hui, alors que la piste mène à des voleurs serbes, le risque d'une escalade du conflit est dans tous les esprits.

Samedi 4 février, vers 20 heures. La Roma vient de disposer facilement d’Empoli, avec deux buts de la tête sur corner servis par Paulo Dybala. Tandis que la foule des tifosi romanisti quitte le Stadio Olympico, les ultras remballent leurs bâches. Une poignée de membres des Fedayn, groupe historique de la Curva Sud, traverse paisiblement le Tibre avec les siennes pour gagner le parking de la Piazza Mancini tout proche. Une fois arrivés à leurs véhicules jaillissent soudainement des buissons et de la nuit une quarantaine d’individus cagoulés, gantés et vêtus de noir. Les coups pleuvent. Deux victimes seront hospitalisées, dont une avec un hématome cérébral. « Ils ont agi comme un groupe paramilitaire, leur frappe était chirurgicale », confiera un supporter romain anonyme au Messaggero. Le commando déguerpit sitôt son butin récupéré : plusieurs bâches des Fedayn, étendards symboles de l’identité du groupe. L’alerte donnée s’ensuit une chasse à l’homme dans la ville, jusqu’aux gares et à l’aéroport. En vain : les assaillants se sont volatilisés, le trésor de guerre aussi. Un drame pour les tifosi du quartiere Quadraro : chez les ultras, le vol de bâches est la honte suprême, parfois synonyme de dissolution pour les lâches incapables de défendre leurs couleurs.

L’événement suscite une vive émotion dans le milieu ultra italien. Un ancien capo de la Lazio, membre historique des Irriducibli Yuri Alviti, apporte même son soutien à ses ennemis intimes de la Roma, en dénonçant « une embuscade préméditée » qui n’a « rien à voir avec le monde ultra ». Sa prise de position est rapidement désavouée par ses pairs laziali, mais Milan et le Nord de la Botte affichent leur solidarité, alors qu’entre-temps la razzia a été revendiquée par des supporters serbes de l’Étoile rouge de Belgrade. « S’il n’y a pas de règle écrite, la rivalité doit s’exercer lors de confrontations directes, et non par des actes indignes, insiste la Curva Nord intériste dans un communiqué qu’aurait pu signer un diplomate de l’ONU. Nous condamnons cette dérive dangereuse, qui risque d’entraîner les rivalités sur un terrain où l’honneur et la loyauté n’entrent pas en jeu. » Il y a en effet un risque d’escalade de violence, dans « un contexte de fortes tensions au sein du mouvement ultra italien », explique Sébastien Louis, historien et auteur du livre Ultras, les autres protagonistes du football (Mare et Martin). Le 8 janvier dernier, des centaines de supporters de la Louve et du Napoli s’étaient affrontés sur l’autoroute A1, au niveau de l’aire de Badia Al Pino. Faut-il alors voir dans ce vol symbolique une résurgence et une internationalisation du conflit qui oppose Romains et Napolitains depuis l’assassinat, le 3 mai 2014, du supporter partenopei Ciro Esposito à Rome par des supporters giallorossi, en marge de la finale de Coupe entre le Napoli et la Fiorentina ?

La récidive des Delije

À la vue des coupables, vite identifiés, il semble que ce soit le cas. Les Delije, groupe d’ultras de l’Étoile rouge, étaient à Milan deux jours plus tôt pour soutenir leur club en Euroligue de basket. Le mode opératoire ressemble fort à une signature. « Fin 2022 à Budapest, une semaine avant le match contre Ferencváros, les Delije avaient attaqué un leader du groupe hooligan adverse et dérobé une banderole. La semaine suivante, lors du déplacement de l’Étoile rouge au Groupama Arena de Ferencváros en Hongrie, ils l’avaient exhibée en tribune et brûlée », rappelle Sébastien Louis. Le groupe est tristement célèbre pour son implication dans le conflit de l’ex-Yougoslavie. Leur ancien leader Arkan avait recruté dans les rangs des Delije pour former un groupe paramilitaire cornaqué par les services secrets serbes, les Tigres. Spécialisés dans l’épuration ethnique, les Tigres d’Arkan ont notamment perpétré le massacre de Bijeljina en 1992. En Italie, les Delije sont connus comme amis de la Curva B napolitaine… Suspectés par la DIGOS (littéralement la division des investigations générales et des opérations spéciales) d’avoir joué un rôle dans l’agression, les Napolitains ont nié en bloc. « Ont-ils aidé les supporters serbes, nul ne le sait encore. Mais lors du dernier match du Napoli contre la Cremonese, en Curva B, un drapeau serbe a été exhibé, ce qui peut être interprété comme une manière de “sfottere”, de se moquer des Romanisti, ou de revendiquer l’aide qu’ils auraient fournie », observe le spécialiste de la mouvance ultra italienne.

Derrière le buisson, les Serbes

En écho, en déplacement chez leur voisin du Vozdova le week-end dernier, les supporters de l’Étoile rouge ont entonné avant le match “Avanti Stella Rossa”, en italien dans le texte. Une vidéo partagée le soir même du match du Napoli a également suscité l’ire des Romains : un groupe de supporters de la Curva B, celui-là même qui avait affiché le drapeau au cours de la rencontre, y adapte un chant napolitain d’hommage à Maradona : « Oh mama mama mama, sais-tu pourquoi j’ai perdu la banderole ? Il y avait le Serbe derrière les buissons. »

De leur côté, les ultras romains ont expressément appelé à la guerre civile si leurs bâches réapparaissent dans le virage napolitain. Chez les Fedayn et les ultras romains, l’idée d’aller récupérer leur bien à Belgrade fait également son chemin : les Giallorossi sont bons amis avec les Bad Blue Boys de Zagreb, ennemis jurés des Delije. Et Zagreb est sur la route de Belgrade. Rome pourrait donc faire appel à ses satellites pour partir en campagne. « Il y a quelques années, à l’aéroport d’Athènes (le 4 novembre 2015, à la suite de la rencontre Olympiakos 2-1 Dinamo Zagreb, NDLR) un affrontement avait opposé les BBB de Zagreb et les Delije qui revenaient de leur visite chez leurs amis de l’Olympiakos », se souvient Sébastien Louis. Hasard du calendrier, le 10 mars, le Pana reçoit l’Étoile rouge de Belgrade pour la 28e journée d’Euroligue. Avec des Romains cachés derrière les oliviers ?

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Par Baptiste Brenot

Propos recueillis par BB, sauf mentions. Traduction assistée par Sébastien Louis.

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