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Frères, adversaires et buteurs dans un même match
S’il est assez rare dans le foot de jouer au plus haut niveau contre son frère, il est plus rare encore que deux frangins marquent au cours d’un même match lors duquel ils sont opposés. C’est pourtant la performance réalisée par Marcus et Khephren Thuram lors du dernier derby d’Italie en date entre la Juve et l’Inter (4-3). Bienvenue dans le carré VIP.

Marcus et Khephren Thuram : Juventus 4-3 Inter (2025)
En Italie, quelques minutes seulement avant le coup de sifflet final de cet énième et rocambolesque derby d’Italie entre la Juve et l’Inter, la scène n’a échappé à personne : Marcus et Khephren Thuram dissimulant derrière leurs mains un sourire, discutant comme deux frangins qui venaient d’en finir avec un simple match de foot. Un sourire qui n’a pas forcément plu aux déçus, les supporters nerazzurri, mais qui a bel et bien raconté ce que la fratrie Thuram avait offert aux tifosis le temps d’une soirée.
Sous les yeux de Lilian, en tribunes, c’est d’abord l’aîné qui a montré la voie sur un corner parfait de Federico Dimarco, botté à un quart d’heure du terme, qu’il a smashé parfaitement d’un parfait coup de crâne au milieu de la défense bianconera. Pas de célébration, là encore au grand dam des fans intéristes, mais le match dans le match est lancé. La réponse du petit frère, six minutes plus tard à peine, est un copier-coller : toujours sur corner, avec Kenan Yildiz à la baguette, pour égaliser et relancer le suspense. La Juve s’imposera finalement au buzzer, rendez-vous le 15 février pour départager les deux internationaux français !
István et Ferenc Nyers : Inter 2-1 Lazio (1949)
L’Inter, justement, avait vu près de 75 ans plus tôt l’une de ses légendes faire trembler les filets le même jour que son frère. C’était le 4 décembre 1949, lors d’un Inter-Lazio, où István Nyers défiait son frère cadet Ferenc, lui aussi attaquant, mais présent sous la tunique laziale. Ce soir-là, les deux bros, nés dans l’est de la France lors de l’entre-deux-guerres, inscrivent également une fois chacun leur nom au tableau d’affichage de cette rencontre de championnat remportée par le club milanais (2-1). Sans qu’on ait beaucoup plus de détails, hormis que le pion d’István aurait été inscrit sur penalty en première période et celui de Ferenc en deuxième.
Non solo gli #Insigne. NON è la prima volta nella storia della serie A che segnano due fratelli avversari nella stessa partita! Era capitato anche ai fratelli Istvan e Ferenc Nyers in Inter-Lazio del 4 dicembre 1949 (via @gippu1 e @DanielGnisci)#BeneventoNapoli pic.twitter.com/33DMmXAks1
— Davide Capano (@davide_capano) October 25, 2020
Si István fait toujours partie du top 10 des meilleurs buteurs de l’histoire de l’Inter (133 buts en 182 apparitions, s’il vous plaît), a chopé deux Scudetti en 1953 et 1954 et s’est éteint paisiblement en Serbie il y a vingt ans, Ferenc a eu une tout autre trajectoire. Plus modeste, plus française aussi, puisqu’il a enfilé le maillot des Verts de 1952 à 1960 et brandit une Coupe Charles-Drago (l’équivalent de la célèbre Coupe du Comité en amateur pour les clubs pros éliminés avant les quarts de la Coupe de France) avant de casser sa pipe en 2001 du côté du Grand-Bornand. La classe.
André et Jordan Ayew : Marseille 3-5 Lorient (2015)
Vendredi 24 avril 2015, soirée totalement folle au Vélodrome. Le FC Lorient de Jordan Ayew, relégable, vient rendre visite à l’OM d’André (aligné arrière gauche ce jour-là) et de Marcelo Bielsa qui vise le podium. Le programme est alléchant, le résultat légendaire : les Merlus s’imposent 5-3 avec un doublé de Jordan et un coup de pied martial de Dédé Ayew.
Si les deux fils d’Abedi Pelé se retrouveront côte à côte en sélection du Ghana comme c’était déjà arrivé par le passé sous la tunique olympienne, André Ayew aura sa revanche en Premier League quelques mois plus tard seulement. Plus précisément en octobre. Parti à Swansea durant l’été, alors que Jordan traverse également la manche pour Aston Villa, André Ayew offre la victoire aux Seagulls à trois minutes du terme (2-1) répondant là encore à Jordan qui avait lancé les hostilités. Légendaire, tout simplement.
Lorenzo et Roberto Insigne : Benevento 1-2 Napoli (2020)
Et soudain, Roberto Insigne comprit ce qu’il venait d’accomplir. Dans un stade Ciro-Vigorito vide ou presque en période de Covid, le petit frère de Lorenzo fait tomber quelques masques en ouvrant le score de près face au Napoli de Victor Osimhen. Le cadet n’en croit pas ses yeux et s’écroule sur le gazon de Campanie, en pleurs, là où l’histoire de sa famille s’est écrite, face à son club formateur où il n’avait joué que 4 petites minutes en Serie A neuf ans plus tôt.
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Promu cette année-là avec Benevento pour sa première vraie saison dans l’élite, ce n’est donc qu’au bout de quatre journées que Roberto défie son frangin et ouvre le bal. La réponse de Lorenzo, elle, sera terrible : une frappe de dingue barre rentrante en seconde période, brassard du Napoli au bras, histoire de montrer qui est le patron. Neuf mois plus tard, Lorenzo Insigne sera champion d’Europe avec la Nazionale. Roberto Insigne, lui, commencera sa préparation estivale avec Benevento en Serie B après un bel ascenseur que n’importe quel fan du FC Metz aurait apprécié à sa juste valeur. Ce monde est cruel.
Basile et Roger Boli : Lens 2-1 OM (1992)
Une nuit de gala à Bollaert devant 48 912 spectateurs, record d’affluence en D1 à l’époque pour l’enceinte artésienne. C’est « le grand Olympique de Marseille » qui monte à Lens, avec ses stars et son statut de finaliste de la dernière Coupe d’Europe. Une soirée attendue, pas comme les autres, où les frères Boli décident de faire le show au cours d’un combat tonitruant. Roger est attaquant à Lens, Basile défenseur à l’OM, et ils se retrouvent l’un et l’autre dans la même zone le temps d’une soirée. « Sur le tableau noir, chez nous, on notait qui était le meilleur joueur adverse pour lui mettre un mec au marquage. C’était toi et ça m’angoissait, glissait Basile à Roger dans un entretien croisé à L’Équipe. J’ai levé la main. Mais les minutes passaient et je ne m’en “occupais” pas. (Éric) Di Meco s’est approché : “Oh Baz, il est encore là Roger Boli sur le terrain !” Bon, qu’est-ce que j’ai fait ? Je l’ai emplâtré et je le voyais crier. Je lui ai dit : “Roger, heureusement que c’est moi qui te prends…” Mon père – c’était la première fois qu’il nous voyait adversaires – m’a demandé pourquoi je lui avais donné un coup. Je lui ai répondu : “Si c’est Di Meco, il l’envoie à l’hosto.” (Rires.) »
Ce soir-là dans le Pas-de-Calais, Roger ouvre le score grâce à un beau plat du pied à la suite d’un déboulé fantastique sur la gauche de Jimmy Adjovi-Boco. Son cadet, Basile, lui répond quelques minutes plus tard, inscrivant un vrai but d’attaquant sur une déviation d’Abédi Pelé. Si un certain Francis Gillot scellera le succès des Sang et Or, les Boli se retrouveront chez Roger après la rencontre pour l’après-match, et surtout pour y passer « une soirée top »… avec des fans lensois. Un autre temps.
Ariel et Daniel Gastón « Rolfi » Montenegro : Gimnasia y Esgrima 4-1 Independiente (2009)
Pourquoi s’emmerder à marquer l’un contre l’autre sur des corners, des frappes déviées, quand on peut chacun son tour inscrire un coup franc direct ? C’est le coup du destin qui a frappé la fratrie Montenegro, le 13 mars 2009. Lors du tournoi de clôture du championnat argentin, le Gimnasia y Esgrima d’Ariel affronte l’Independiente de « Rolfi » Montenegro, l’ancien éphémère joueur de l’Olympique de Marseille et international argentin. Au bout de 85 minutes de jeu, le score est sans appel : 3-0 pour le club de La Plata qui domine outrageusement son adversaire d’Avellaneda.
Le moment choisi par Rolfi Montenegro pour sauver l’honneur, en bon capitaine, de l’ancienne écurie d’Esteban Cambiasso ou Jorge Burruchaga. À plus de 35 mètres, à la manière d’un Roberto Carlos, le milieu offensif expédie un missile qui ne laisse aucune chance à Gastón Fernando Pezzuti et met fin, à titre personnel, à trois ans de disette dans l’exercice. La réponse d’Ariel, elle, sera un peu moins spectaculaire à l’orée du temps additionnel : une chiche à l’entrée de la surface, détournée par le mur, suffisante quand même pour lessiver Independiente et entériner le score final à 4-1. Chez les Montenegro, l’aîné s’est bien fait respecter. Comme souvent, finalement.
Ils auraient pu intégrer ce top : Matteo et Federico Ricci (Serie B, Spezia-Benevento, 3-1, 2018), Taylor et Zach Booth ( Eredivisie, FC Utrecht 4-2 Volendam, 2024).
La Juventus dégoûte l’Inter dans un derby d’anthologiePar Andrea Chazy