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André Ayew : « Les Havrais sont des gens très travailleurs »

Propos recueillis par Andrea Chazy, au Havre
14 minutes

Après avoir aidé le HAC à se maintenir l’an dernier, André Ayew a de nouveau relevé le défi d’aider le club doyen à conserver sa place dans l’élite du foot français. Entre un entraînement au stade Océane et une séance de soins, le Ghanéen de 35 ans a pris le temps de parler de ce nouveau port où il a jeté l’ancre en pleine course au maintien.

André Ayew : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Les Havrais sont des gens très travailleurs<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Après avoir signé au Havre en novembre 2023 la saison dernière, l’aventure avec le club doyen ne s’est prolongée qu’à partir du mois d’octobre dernier. Pourquoi si tard ? Après cette première année commune où l’on a atteint notre objectif, à savoir se maintenir en Ligue 1, on a immédiatement pensé à continuer ensemble. Quand je suis arrivé ici en novembre 2023, avec mon expérience, tout ce que j’avais vécu, c’était pour assouvir mon désir de rentrer en France dans un endroit où il y avait des gens compétents, qui connaissent le foot. On ne se connaissait pas personnellement, mais j’avais déjà joué par le passé contre Nico Douchez, contre Mathieu Bodmer. Bref, il y a eu des difficultés au club pour pouvoir signer des joueurs, c’était plus compliqué. J’avais aussi des sollicitations, je devais regarder et analyser ce qui était le mieux pour moi. J’avais déjà signé tard dans la saison au HAC mais cette fois, la différence, c’est qu’un lien s’était créé entre le club, les supporters et moi. Quelque chose de plus personnel, de plus joyeux. Ma priorité a toujours été de resigner ici, je voulais que ça se fasse le plus vite possible.

À 35 ans, tu fais plus attention à ton régime, aux soins, à toutes ces choses-là. Ça n’a jamais été question d’être plus ou moins strict, car j’ai toujours été strict. Sinon, je n’aurais pas fait cette carrière.

André Ayew

Donc tu as pris le risque que d’autres offres te passent sous le nez. Avec la possibilité de te retrouver sans rien. Ouais, mais c’est le foot. (Rires.) Il faut prendre des décisions, assumer. Le club et moi, on savait que dès que la porte serait entrouverte, les deux parties allaient faire les efforts pour que ça se fasse. Il y avait cette confiance. Ça a mis plus de temps, j’ai failli signer ailleurs, mais il y avait toujours ce contact qui rendait cette deuxième année possible. Le fait d’arriver plus tard était surtout plus dommageable pour moi, en réalité. Lorsque tu passes la trentaine, c’est toujours utile de faire la prépa avec le groupe. Si tu ne la fais pas, il te faut plus de temps pour être au top. Pendant ces quelques mois de flou, je bossais avec mon kiné, mon préparateur physique, je sais ce qu’il faut faire, mais ce n’est pas pareil. Tu essayes d’avoir le maximum de foncier pour ne pas te blesser à la reprise, mais tu ne peux pas rattraper les matchs et avoir le même rythme. Après quand tu as 35 ans, tu n’as pas 20 ans. Tu fais plus attention à ton régime, aux soins, à toutes ces choses-là. Ça n’a jamais été question d’être plus ou moins strict, car j’ai toujours été strict. Sinon, je n’aurais pas fait cette carrière. Le plus important à cet âge-là, c’est d’essayer de ne pas s’arrêter. De garder le même cap, car dès que tu arrêtes pendant un moment, tu peux retrouver le rythme et le niveau, mais c’est plus long. Maintenant, on est en plein dans le sujet du maintien. On espère que ça va le faire d’ici la 34e journée.

Même après un premier exercice où vous êtes allé chercher ce maintien, tu t’es dit que tu avais de nouveau envie de revivre ça ? C’est très dur de se battre pour le maintien. Je savais que ça allait être une nouvelle année difficile où il allait falloir donner énormément mentalement, physiquement, mais ce n’est pas quelque chose d’impossible. On le voit aujourd’hui : c’est dur, très dur, mais on est encore dedans. Ce qui est important, c’est de toujours y croire. Je suis venu ici pour qu’on garde le club en Ligue 1, qu’on le pérennise dans cette division afin qu’il grandisse aussi financièrement. Il y a tout ici pour bien travailler.

 

C’est la compétition qui t’anime ? D’autres joueurs de 35 ans à ta place seraient partis coffrer à l’étranger dans un championnat moins compétitif. Ouais, mais ça, je l’ai déjà fait quand je suis parti au Qatar (André Ayew a joué deux ans à Al-Sadd de 2021 à 2023, NDLR). J’ai adoré, j’ai kiffé, mais il me manquait quelque chose. C’est pour ça que je suis revenu en Europe. Je ne m’interdis pas d’y retourner, mais il n’y avait pas comme ici cette ferveur, cette pression, ces stades. Ça me manquait. Puis il faut dire la vérité : à mon âge, c’est aussi comment ton corps est. Si tu te sens bien comme je le suis aujourd’hui, que tu peux jouer avec un minimum de blessures, ça te donne cette confiance, cette certitude de pouvoir continuer à ce niveau-là.

J’ai envie de marquer les gens, qu’ils se souviennent de moi sur et hors du terrain. J’ai appris à connaître cette ville ouvrière, les gens et leur mentalité. Ils sont à fond derrière le club, c’est une ville unie et j’aime ça.

André Ayew

Tu parlais tout à l’heure du lien tissé en si peu de temps avec le public havrais. Quand tu entres en jeu, on sent que c’est spécial. Comment tu l’expliques ? Oui, je ne vais pas mentir, je le sens aussi et ça a joué sur le fait que je sois resté. Il y a ce respect qui s’est noué entre les supporters et moi. Ils voient que je ne suis pas un tricheur, tout simplement. Je pense que ça a été ma chance et ma force dans ma carrière : partout où je suis passé, j’ai toujours tissé un lien fort avec les fans. C’est très important car cela fait partie de mes objectifs. Quand tu arrives quelque part, si tu fais du bon boulot, tu es apprécié et ça te donne de la confiance. J’ai envie de marquer les gens, qu’ils se souviennent de moi sur et hors du terrain. Le Havre, je ne connaissais pas vraiment, j’étais venu jouer ici il y a longtemps lorsque j’étais avec Arles en Ligue 2. J’ai appris à connaître cette ville ouvrière, les gens et leur mentalité. Ils sont à fond derrière le club, c’est une ville unie et j’aime ça. J’ai connu ça à Swansea, bon Marseille c’est différent…

En tout cas, tu aimes bien les villes portuaires ! Ah, je le jure, je ne fais pas exprès ! Je crois que j’aime ces ambiances chaleureuses, familiales. Ça fait partie de moi. Marseille, quand tu commences à 13-14 ans jusqu’à 25-26, tu te retrouves à Swansea, même West Ham… La fanbase est très importante dans ces clubs-là. Fenerbahçe, pareil. Quand je choisis un club, ce paramètre entre en ligne de compte : je regarde comment les supporters sont, leur mentalité, ce qu’ils recherchent car chaque ville a sa mentalité. C’est important pour moi d’essayer de comprendre la ville.

Qu’est-ce que tu as compris du Havre ? Les Havrais sont des gens très travailleurs, qui ont une vie de guerriers. Mais ce sont des gens souriants. À chaque fois que je vais au resto, je croise des gens aimables, gentils et quand ils sentent que tu donnes tout, ils sont là pour toi et ils sont derrière toi. C’est une ville qui est en train de grandir, pas seulement sur le plan du foot, même au niveau des constructions. Même si elle s’agrandit, tu sens qu’il y a une base : des quartiers, des gens autour, pour moi elle ne risque pas de perdre son identité. Les gens qui sont là n’ont pas quitté Le Havre. En tout cas c’est l’impression que j’ai quand je discute avec les gens. J’aime bien et je me sens à l’aise dans mon environnement. Si ce n’est pas le cas de toute façon, je ne dure pas et je pars. Lorsque j’ai du temps libre, j’aime bien aller côté plage, dans les docks ou même dans des villes à côté comme Deauville. Bon, quand il fait froid, je ne bouge pas. (Rires).

 

C’est important de s’évader quand tu es dans une phase stressante comme ce sprint final pour le maintien ? Bien sûr, même si chaque joueur se prépare différemment. Il faut savoir qu’on est dans un moment clé de la saison, il reste un mois, il faut mettre toutes les chances de notre côté. Beaucoup de gens en début de saison ne pensaient pas qu’on serait encore à la bagarre à quatre journées de la fin. Alors voilà, on y est, de grosses affiches nous attendent et on va faire en sorte d’être prêts.

Monaco, Auxerre, Marseille, Strasbourg, c’est un sacré calendrier pour boucler la saison. Tu dis quoi à tes coéquipiers pour les booster ?

Qu’il faut rester soi-même. Chaque mouvement, chaque appel de balle, chaque retour défensif, tout aura son importance. C’est impossible de ne pas être conscient de cela. Il faut essayer à chaque fois de se surpasser intelligemment car tout va se jouer sur des détails. Ça va être difficile pour tout le monde. Sur le papier, oui ces équipes sont au-dessus de nous. Sur le papier, elles sont favorites face à nous. Mais sur un terrain tout peut se passer : on l’a démontré à Lille, à Lens, c’est à nous de continuer de montrer qu’on veut rester en Ligue 1.

Je n’ai pas besoin de dire aux supporters marseillais que je les aime et eux n’ont pas besoin de me le dire en retour. On le sait mutuellement. Ils savent que j’ai tout donné, que je fais partie d’eux.

Tu n’as que trois ans d’écart avec ton coach, Didier Digard. Il s’appuie sur toi dans ces moments-là ?

Je crois que je suis le seul joueur de l’effectif à avoir affronté le coach sur le terrain. (Sourire.) Il était vraiment bon au milieu de terrain, la tour de contrôle de l’OGC Nice. C’est quelqu’un qui sait où il veut aller, qui a ses idées de jeu, qui est assez dur. On sent qu’on est de la même génération, qu’on a la même vision des choses. Loïc (Nego), Abdou’ (Touré) ou moi, les anciens, il faut qu’on soit ses relais afin d’aider nos coéquipiers, ces jeunes joueurs à fort potentiel, à aller le plus haut possible. Je crois que pas mal de joueurs ici ont les armes pour aller voir plus haut, et ils ont le coach qui peut les y emmener. Il a beau être jeune, Didier Digard a cette mentalité de gagnant et de formateur. Il sait analyser vite un joueur qui a quelque chose, et ça c’est fort. Je pense que ces jeunes ont de la chance de l’avoir. Ils ne s’en rendent peut-être pas encore compte parce qu’ils n’ont pas connu énormément d’entraîneurs, mais quand ils vont changer, ils comprendront. Ils doivent prendre le maximum de lui.

Dans ces dernières rencontres, il y a donc l’OM. À l’aller, pour ton retour au Vélodrome dix ans après ton dernier match sous le maillot olympien, tu avais sauvé l’honneur malgré une large défaite (5-1) et les fans olympiens avaient même applaudi ton but. Tu crois que si tu avais inscrit le même pion pour le 0-1 à la 90e, cela aurait été ainsi ?

Je ne peux pas dire. Ce qui est sûr, c’est que même à l’échauffement, le stade m’avait déjà applaudi. C’est des fois dur à expliquer, cette relation avec l’OM. J’ai déjà tenté de mettre des mots dessus dans différentes interviews ou podcasts sur ce que j’ai connu et vécu à Marseille, le lien que j’ai eu avec le peuple marseillais, la ville… Mais c’est difficile. En fait, je n’ai pas besoin de dire aux supporters marseillais que je les aime et eux n’ont pas besoin de me le dire en retour. On le sait mutuellement. Ils savent que j’ai tout donné, que je fais partie d’eux. Ce jour-là, ce qu’ils m’ont montré, ça m’a ému. On peut compter sur les doigts d’une main des joueurs qui ont vécu ça dans le monde du foot. Ça m’a donné des frissons de vivre ça dans mon stade. Ces supporters savent très bien que je serai à jamais marseillais, pour toujours. Quand je suis sur le terrain, je représente toujours indirectement l’Olympique de Marseille. Quand on parle d’André Ayew, oui on parle du Ghana, mais sinon c’est Marseille. Je reçois encore aujourd’hui des messages de supporters marseillais quand Arles gagne, quand l’OM gagne, quand nous on gagne ici… Personne ne pourra jamais enlever ça.

 

Pour rester sur l’OM, cela fait un peu plus de 5 ans aujourd’hui que Pape Diouf s’en est allé. C’était un deuxième papa pour toi. Tu penses toujours à lui ?

Que ce soit mon frère ou moi, on ne peut pas oublier Pape. C’est une figure très importante dans notre vie. Quand Pape Diouf était l’agent de mon père, on était gamins et on a grandi avec lui. Quand on est arrivés à Marseille, c’était notre tuteur. C’est un tonton pour nous, Pape Diouf. Il nous a fatigués avec les bulletins de notes ! (Rires.) Il était dur, mais c’était un homme bon. Il avait toujours le bon mot, au bon moment. Il nous a conseillés, aidés… c’est difficile de faire un résumé de tout mais c’était vraiment un deuxième père. Aujourd’hui, dans ma manière de voir les choses, dans ma manière de m’exprimer sur certains sujets, c’est lui. Je pense à comment lui aurait fait ou j’essaye d’appliquer les conseils qu’il m’a donnés.

La disparition de Pape pendant le Covid, ce n’était pas facile à gérer. On lui doit énormément. On pense à lui et il nous manque. À la fin de notre vie, j’espère qu’on se retrouvera dans l’autre monde.

André Ayew

Tu as un moment de vie avec lui dont tu aimes te souvenir ? À l’époque quand j’avais un contrat aspirant. Lorsqu’il était à son bureau, à la Commanderie, c’était rare. Pape était toujours en réunion, toujours à droite à gauche, occupé… Mais quand on finissait l’entraînement quand j’avais 14-15 ans, j’allais demander à sa secrétaire : « Tonton, il est là ? » Si c’était le cas, je passais la porte et je lui disais : « Tonton, je vais au bled là il me faut des maillots, il me faut ci, il me faut ça… » Il me répondait : « Oh, toi tu me fatigues ! » J’insistais, et il appelait alors en disant : « Bon préparez lui des affaires. » Je lui ai fait le coup plusieurs fois, à tel point que lorsqu’il me croisait près de son bureau, il me disait : « Bon, tu veux quoi toi encore ? » (Rires.) Certaines fois, je calculais mon coup, car on pouvait rentrer chez nous deux fois dans l’année : en décembre et en fin de saison. Tous les mois, on prenait notre argent, on le dépensait, et donc quand les vacances approchaient, j’allais le voir et je lui disais : « Oh Tonton, je n’ai plus d’argent, vas-y, tu me donnes 100 euros ? » Il me disait : « Prend-les et sors d’ici ! » Notre père n’était pas là, il était au Ghana. J’allais voir qui sinon pour demander ces choses-là ? Il était top. La disparition de Pape pendant le Covid, ce n’était pas facile à gérer. On lui doit énormément. On pense à lui et il nous manque. À la fin de notre vie, j’espère qu’on se retrouvera dans l’autre monde.

Il paraît que Pape Diouf disait que ton père était le Maradona noir. C’est vrai ? C’est vrai. Et il avait raison. Notre père était phénoménal.

Il fait quoi aujourd’hui ?

Il est toujours au Ghana, il a son club, ses business… Il est tranquille. Il a bien fini sa carrière, il est en train d’enjoy son après-carrière. La vie qu’il mène, c’est magnifique.

Dans ta riche carrière, c’est quoi la scène la plus folle que tu aies vécue ? Au Ghana, quand on a gagné la Coupe du monde U20. Tout le pays était dehors, c’était la folie. Pendant deux semaines, on était les rois. Les gens criaient, sautaient, tous torse nu, et même certains étaient tout nus. C’étaient des milliers et des milliers de personnes qui faisaient la fête en notre honneur. Je me rappelle que le bus qui était venu nous chercher à l’aéroport était bloqué au milieu de la foule, ça ne bougeait pas. C’est inexplicable, cette passion africaine pour le foot, il faut la vivre. C’est pour ça que j’ai quelques regrets de ne pas avoir gagné la CAN avec les A. On fait deux finales, quatre demi-finales au total, on passe toujours très proches… Après, comme on dit des fois, ça se joue à rien. J’aurais pu gagner 2-3 CAN tranquillement, mais ce n’est pas le cas. C’est comme ça.

Tu as encore des rêves dans le foot ?

Je sais ce que je vais faire une fois que j’aurai raccroché les crampons, mais je le garde pour moi. Tant que je suis sur le terrain, j’aurai des rêves. Gagner le maximum de matchs, rajouter un petit trophée, n’importe lequel, je prendrai bien…

L’OM tartine Le Havre

Propos recueillis par Andrea Chazy, au Havre

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