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Reggiana, comptes à rebours
Alors que les cas de faillites ne cessent de se multiplier à tous les étages du football italien, ce lundi c’était au tour de la Reggiana d’y (re)passer. Et malgré sa longue présence dans les divisions inférieures, il s’agissait là encore d’un club historique et même précurseur dans ses années fastes.
La faillite comme une sale habitude. Car la Reggiana, qui évolue en Serie C – et à ne pas confondre avec la Reggina de Reggio de Calabre -, n’en est pas à sa première banqueroute. C’est la troisième fois que la Regia se voit confrontée à une telle situation en moins de 20 ans (après 1999 et 2005). Et cette semaine, les supporters tremblent à nouveau pour l’avenir de l’institution centenaire. Le soutien populaire dont bénéficient les Granata est en effet des plus honorables, vu les voisins encombrants (dont Parme, Modène, Sassuolo et la SPAL) et les faillites à répétition. Mais si cette ferveur perdurait, c’était grâce à la belle histoire de ce club.
Quand un tifoso de longue date de la Reggiana se rend compte que son club de coeur a fait faillite… pic.twitter.com/LpIsdBV476
— FrSerieA (@FrSerieA) 17 juillet 2018
Un club précurseur
En 1923, la Reggiana accède à l’élite du foot italien. Avec un international français dans ses rangs : Félix Romano, qui évolura par la suite à cinq reprises avec la Squadra Azzurra. Un autre Français portera le maillot grenat bien plus tard, Gaël Genevier installé depuis des années en Italie, arrivé à l’été 2017 et désormais libre de tout contrat à l’âge de 36 ans. Si titre de champion de Serie B en 1993 reste son principal titre, la Regia compte sept saisons en première division. Son apogée sportive a d’ailleurs conduit le club à délaisser son mythique Mirabello pour le premier stade de propriété d’une équipe en Italie.
Nous sommes alors en 1995, Carlo Ancelotti effectue ses débuts sur un banc pour décrocher une troisième place de Serie B synonyme de montée. Le stade Giglio (une société laitière) révolutionne le Calcio. L’Italie découvre déjà le naming et un écrin doté de 32 loges, précurseur du stade moderne sans barrière et équipé de télésurveillance, le premier à bénéficier d’une galerie commerciale à proximité en 2007. Cet investissement sera entre autres financé grâce à la souscription d’abonnements pluriannuels par les tifosi. Hélas, la Reggiana gère mal son retour en Serie A et redescend.
La construction du Giglio plombe les finances, l’équipe granata s’enlise avant d’être rétrogradée en Serie C en 2000. L’inéluctable se produit, l’AC Reggiana fait faillite en 2005 et repartira soutenue par des entrepreneurs locaux en quatrième division. Giorgio Squinzi, président de Sassuolo depuis 2003 et à la tête de Mapei, un puissant groupe de produits chimiques, flaire l’affaire. Le businessman rachète le Giglio en 2013 mis aux enchères pour presque rien : 3,8 millions d’euros. Au nez de supporters qui avaient prévu de faire une offre. Seules contraintes pour le président de Sassuolo : rénover le stade et continuer à accueillir les matchs des Granata. Toutefois, la Reggiana passe du statut de propriétaire à simple locataire expulsable.
En territoire occupé
La Reggiana n’étant plus chez elle dans sa propre ville, ses tifosi organisent une manifestation dès la vente du stade. Le Mapei Stadium est né. Le logo de la Regia sur la façade est remplacé par celui de Sassuolo, le « Città del Tricolore » en hommage à la ville conceptrice du drapeau italien se voit désormais inscrit en petit, le musée granata a laissé place à un restaurant. Squinzi a bien compris que pour susciter l’intérêt, Sassuolo devait devenir un club régional, quitte à effacer toute trace de l’identité reggiana.
Un rassemblement de groupes de supporters « Tradizione Reggiana 1919 » a vu le jour en 2016 de peur de voir le club disparaître. Les tifosi accusent la mairie et les médias locaux « d’indifférence complice » . L’espoir renaît cependant la même année lorsque l’Américain Mike Piazza, ex-star de baseball, rachète la Reggiana. L’enthousiasme était encore perceptible en mai dernier où 8000 spectateurs ont assisté au play-off contre Sienne. Mais les problèmes économiques et structurels n’ont pas pour autant disparu.
Le cauchemar américain
Le président jette l’éponge le 26 juin dernier et provoque une inévitable faillite. « J’étais relativement proche de lui, témoigne le capitaine Gaël Genevier. Ça faisait un moment qu’il se plaignait d’avoir des dépenses assez importantes et de pas recevoir d’aide. Il avait demandé à Mapei de diminuer le loyer du stade. Ce qui a déclenché son envie d’arrêter de mettre des sous, c’est le dernier match quand on était en quarts de finale contre Sienne (2-1). Nous, on a marqué à la 94e. Il y a 7 minutes de temps additionnel et l’arbitre donne un pénalty à la 98e alors qu’il y avait faute sur notre joueur. Je suis quasi sûr que sans cet épisode, il n’aurait pas lâché. Il a quand même mis 12 millions d’euros en 2 ans pour un club de Serie C ! »
« J’avais prévu de jouer encore une saison. Ensuite, il était probable que je devienne conseiller du président ou que j’exerce un rôle dans le staff. Ça va être un peu plus compliqué de trouver quelque chose pour continuer à jouer » , admet le Français. Concernant l’avenir de la Reggiana, des entrepreneurs locaux semblent intéressés. En cas de projet fiable, les nouveaux dirigeants pourront espérer repartir en Serie D au vu de la situation générale des clubs italiens. Une course contre la montre s’engagerait alors pour monter une équipe et trouver un accord avec Mapei. Et dans le pire des cas, cette fois la Reggiana disparaîtra.
Par Adrien Verrecchia
Propos de Gaël Genevier recueillis par AV.