S’abonner au mag
  • Arabie saoudite
  • EA Sports

Rachat d’EA par l’Arabie saoudite : tout ça n’a plus rien de virtuel

Par Cyprien du Brusle
4 minutes

L’Arabie saoudite a sorti le joystick... et surtout le chéquier. Avec le rachat d’Electronic Arts via son fonds d’investissement PIF, le royaume ne veut plus être spectateur, mais le joueur vedette de la partie. Loin d’un simple caprice de gamer fortuné, c’est une manœuvre géopolitique, économique et culturelle, au croisement du soft power et de la conquête de l’e-sport mondial. Bref, le nouveau terrain de jeu des puissants.

Rachat d’EA par l’Arabie saoudite : tout ça n’a plus rien de virtuel

Ce n’est pas parce qu’on parle de technologie de pointe qu’on ne peut pas se permettre un petit retour au XXe siècle. Dans les années 1980, l’Arabie saoudite ne brille pas particulièrement par son ouverture. Englué dans des tensions internes, le royaume se replie sur lui-même, préférant les prêches aux passes en triangle. « La famille régnante était face à une révolte des périphéries, qui s’appuyaient sur des mouvements millénaristes », résume Raphaël Le Magoariec, docteur en géographie et spécialiste du Golfe. Le sport, vu comme un luxe occidental, est alors gentiment étiqueté haram et rangé tout au fond du placard. Quarante ans plus tard, changement de manette : l’e-sport devient le nouvel objectif.

L’Arabie saoudite a eu un temps de retard sur les grands événements sportifs. Aujourd’hui, elle veut se positionner directement, pour ne pas devoir surpayer plus tard.

Raphaël La Magoariec

Via son PIF et en s’associant à deux autres fonds d’investissement (Silver Lake acquéreur de Skype et Dell et Tiktok aux USA, mais aussi Affinity Partners fondé par Jared Kushner, le gendre de Donald Trump – tiens tiens), la monarchie pétrolière va mettre le grappin sur Electronic Arts. Le mastodonte américain connu pour avoir enfanté EA Sports FC (ex-FIFA), Madden, Les Sims, Apex Legends ou encore Battlefield, a donc trouvé acquéreur pour 55 milliards de dollars (46,9 milliards d’euros). « La transaction a été approuvée par le conseil d’administration d’EA. Elle devrait être finalisée au premier trimestre de l’exercice fiscal 2027 », a annoncé l’éditeur californien dans son communiqué, qui rappelle qu’elle sera soumise à « l’obtention des autorisations réglementaires des autorités de régulation et à l’approbation des actionnaires d’EA. »

Arabie saoudite, it’s in the game

Le but ? Séduire la jeunesse locale, capter les fans internationaux, et gagner un peu de street cred sur la scène mondiale. Cette fois, pas question de monter en retard dans le train comme avec le football. « L’Arabie saoudite a eu un temps de retard sur les grands événements sportifs, situe Le Magoariec. Aujourd’hui, elle veut se positionner directement, pour ne pas devoir surpayer plus tard. » Et puis, le royaume a déjà ses cracks : le champion du monde de FIFA est saoudien. Pas besoin de claquer 200 millions sur Ronaldo, quand on peut briller en claquettes chaussettes devant une télé. Après avoir accueilli la Coupe du monde d’e-sport, l’Arabie saoudite organisera les tout premiers JO de la discipline en 2027. Objectif : ne plus cliquer dans le lobby, mais héberger le serveur.

Derrière la manette, c’est Vision 2030 qui tient les commandes. Ce grand plan de diversification veut faire du sport – et maintenant du gaming – un pilier économique. « L’Arabie saoudite veut réformer son système social et économique autour du sport, qui n’était pas lucratif depuis les années 1990 », explique Le Magoariec. Le rachat d’EA montre une volonté claire : ne plus seulement financer, mais posséder.

Monter de niveau, sans cheat code

Mais attention, la méthode saoudienne a déjà montré ses limites sur les terrains plus classiques. En football, le modèle ultra-centralisé, où tous les clubs dépendent d’un seul et même fonds public, peine à attirer des investisseurs privés. « Tous les fonds sont rattachés au royaume. C’est une fausse libéralisation, qui n’incite pas les acteurs privés à venir », observe Le Magoariec. Difficile de parler de compétition ouverte quand l’arbitre, le stade et les droits TV sont gérés par la même personne.

Rien ne dit que cette logique s’appliquera à l’e-sport avec la même rigidité. Mais le risque existe. Un secteur qui explose à l’échelle mondiale a besoin d’agilité, d’innovation et… d’un peu de créativité. Pas forcément le point fort d’un État qui aime tout piloter depuis Riyad. Et comme souvent, les États-Unis ne sont jamais loin du clavier. Le deal EA, c’est aussi une passerelle diplomatique, avec un clin d’œil assumé à l’entourage de Donald Trump. La présence de son beau-fils à tout faire Jared Kushner ne fait aucun mystère. En clair, l’Arabie saoudite avance ses pions, manette bien en main. Elle veut faire de l’e-sport une vitrine, un levier d’influence, et un actif stratégique. Parce qu’au fond, acheter EA, c’est aussi tenter de reprogrammer l’image du royaume : plus moderne, plus cool, plus « bankable ». Alors oui, certains annoncent déjà un game over à peine lancé. Trop rapide, trop contrôlé, trop vertical. Mais Riyad, lui, entend bien passer au niveau supérieur, quitte à jouer en solo.

Les Monuments Men de l’AC Ajaccio

Par Cyprien du Brusle

Propos de Raphaël Le Magoriec recueillis par CDB.

À lire aussi
Les grands récits de Society: Tout le monde en parle, l'histoire orale
  •  
Les grands récits de Society: Tout le monde en parle, l'histoire orale

Les grands récits de Society: Tout le monde en parle, l'histoire orale

C’était une émission, c’est devenu un rendez-vous. Puis un objet de culte. Souvent drôle, parfois intelligente, toujours alcoolisée et volontiers vulgaire, Tout le monde en parle mêlait la désinvolture d’une petite soirée entre potes et le clinquant d’un dîner dans le grand monde. Voilà pourquoi personne ne l’a oubliée, même 20 ans après.

Les grands récits de Society: Tout le monde en parle, l'histoire orale
Articles en tendances

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

20
Revivez OL - Salzbourg (2-0)
Revivez OL - Salzbourg (2-0)

Revivez OL - Salzbourg (2-0)

Revivez OL - Salzbourg (2-0)
01
Revivez AS Roma - Lille (0-1)
Revivez AS Roma - Lille (0-1)

Revivez AS Roma - Lille (0-1)

Revivez AS Roma - Lille (0-1)

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • La revue de presse foot des différents médias, radio et presse française/européenne, du lundi au vendredi en 3 à 4h!