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Quand Luis Suarez éclatait à Groningue

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Quand Luis Suarez éclatait à Groningue

Déniché en 2006 sur les pelouses uruguayennes lorsqu’il évoluait sous les couleurs du Nacional, Luis Suárez a fait des Pays-Bas son passeport d’entrée en Europe. Et alors que l’Ajax affronte ce soir Groningue, son premier club, certains de ses anciens coéquipiers racontent les premiers pas d’El Pistolero en Eredivisie.

« Au début, j’ai trouvé qu’il était impressionnant dans sa conduite de balle pour marquer, son intuition, qui reste d’ailleurs sa plus grosse qualité. On dirait qu’il sait toujours ce que les défenseurs vont faire. Quand ils essaient de venir prendre le ballon, il les dribble. Quand ils l’attendent, il fonce. C’est un incroyable talent. » Quand il découvre la pépite que viennent de lui dégoter son directeur sportif et son président, Ron Jans, le coach de Groningue, sait déjà que cet Uruguayen à la drôle de dentition est à part. Pour ce petit club batave aux finances exsangues, les 800 000 euros et 5 ans offerts à Suárez, 18 ans, constituent un pari. Car malgré des qualités footballistiques évidentes, l’attaquant doit s’adapter à un nouveau mode de vie : « Je lui ai dis que ça allait être difficile. Je n’avais pas envie de lui dire que ça allait être un chemin de roses pour s’adapter. La culture hollandaise, c’est un autre monde. Je lui ai dis qu’il devait changer beaucoup de choses : son alimentation, sa manière de penser, de s’entraîner… Il est devenu pro en arrivant en Hollande. C’était un nouveau départ, un recommencement » , se souvient Bruno Silva, coéquipier et intime. Peu à peu, Luis prend pourtant ses marques, bien aidé par ses dirigeants et quelques membres de l’effectif, comme le rappelle Ron Jans : « Il y avait Hugo, un joueur brésilien qui travaille toujours ici en tant qu’entraîneur des jeunes. Il aidait tous les joueurs sud-américains à rencontrer des gens, à leur montrer où acheter à manger. Ils passaient tout leur temps ensemble. Bruno Silva, Hugo et Luis étaient tout le temps ensemble. Ils mangeaient ensemble, se rendaient au stade ensemble. Ce n’est jamais facile quand vous arrivez dans un pays avec un climat différent, une langue que vous ne connaissez pas. Avec ces amis, il s’est senti chez lui. »

Un cocon et du boulot

Entouré par cette colonie sud-américaine, Luis n’a aucun mal à s’entendre avec ses partenaires. Tous s’accordent à louer la bonhomie du personnage, à commencer par Henk Valdemate, l’un des membres de l’équipée qui a déniché l’Uruguayen. « Il était bien sûr beaucoup plus proche de Bruno Silva et Hugo. Mais c’était quelqu’un de très ouvert et il s’entendait plutôt bien avec tout le monde. Même avec les employés et le personnel du club. Tout le monde en a un souvenir positif. » Antoine van der Linden, l’un de ses partenaires de l’époque, se souvient « d’un garçon très heureux, un gars très marrant, il était très relax. On a fait quelques barbecues avec lui chez Bruno. C’était marrant parce qu’aux Pays-Bas, on le fait toujours dans le jardin. Mais là, Bruno Silva avait une cuisine où on pouvait en faire à l’intérieur. » Et si Luis s’adapte vite à son nouvel environnement, il y est poussé par la plus belle raison qui soit. « Sa plus grande motivation était de venir et de rejoindre l’Europe pour sa copine Sofia qui habitait à l’époque à Barcelone » , analyse Jans. « À Groningue, il est resté deux semaines tout seul. Sa fiancée, celle qui est aujourd’hui sa femme, l’a très vite rejoint » , poursuit Silva. Néanmoins, si l’intégration de celui qui revêt aujourd’hui les couleurs de Liverpool se passe plutôt bien en dehors du terrain, des progrès sont attendus : « Il n’était pas très concentré à l’entraînement, surtout au début. » Souligné par Van der Linden, le manque d’application du joueur en dehors des rencontres s’efface au fil du temps sous l’impulsion de Ron Jans. « Maintenant, il marque sur coup franc, du gauche, du droit. Quand il est arrivé chez nous, son pied droit, ça allait, mais le gauche pas du tout. On a beaucoup travaillé le timing. Il restait aussi après l’entraînement à tirer des coups francs, à se mettre à la place du gardien. » Henk Valdemate se souvient d’un autre protagoniste : « Erik Nevland, qui a joué pour Fulham après, lui a fait comprendre qu’il fallait travailler pour réussir. Ça lui a pris 2-3 mois. »

D’un terrain à un autre

Dilettante lors des sessions d’entraînement, Suárez démontre en revanche toute sa détermination lorsque les rencontres débutent. « Au moment des matchs, c’était un homme complètement différent, avec une véritable volonté de marquer. On pouvait dire après seulement quelques mois que c’était un joueur différent » , se rappelle Van der Linden. Pour Ron Jans, ce trait de caractère transpirait déjà fortement. « Sur le terrain,, la seule chose qui comptait pour lui, c’était de gagner. Tout ce qu’il fait sur le terrain, c’est pour gagner. Donc s’il faut insulter, plonger, faire une faute, il le fait. Le football n’est pas une guerre, mais c’est à propos de victoire. Je n’approuvais pas toujours ce qu’il faisait, mais j’aimais sa mentalité. » Total dans son engagement et son dévouement, Suárez développe même un défaut que d’aucuns lui reprochent encore aujourd’hui : « Au début, à Groningue, quand on ne lui sifflait pas faute, on aurait dit que le monde s’écroulait sous ses pieds. J’ai fini par lui dire qu’ici les simulations, ce n’était pas bien vu. Et j’avais raison : à force de plonger, les arbitres hollandais ne lui sifflaient même plus les fautes qui y étaient vraiment » , balance Bruno Silva. Malgré ces écarts, il s’impose très vite dans une équipe pour le compte de laquelle il inscrira 15 buts. « Quand il est arrivé chez nous, il n’était pas à 100% et nous avions de bons buteurs. Mais dès qu’il a foulé la pelouse, il a été à chaque fois meilleur, il ne s’est jamais rassis sur le banc. »

Vidéo

Mais Groningue est devenu trop petit. Alors les grosses écuries bataves, à commencer par l’Ajax Amsterdam, s’intéressent au cas du Pistolero. « Sportivement et financièrement, c’était une grosse progression pour lui. Il voulait vraiment aller là bas » , estime Van der Linden. Pourtant, le transfert du prodige traîne. Coincé entre deux parties qui divergent sur le montant à inscrire sur le chèque, Suárez s’impatiente. « Je crois que l’Ajax a augmenté 5 ou 6 fois son offre. À chaque fois qu’ils le faisaient, Suárez me disait : « Cette fois, c’est la bonne », mais ce n’était pas le cas. Il avait du mal à comprendre pourquoi Groningue ne lui laissait pas prendre ce wagon. Il était très nerveux » , explique Bruno Silva qui rejoindra son pote l’année d’après, dans des conditions également dantesques. Finalement, la transaction s’opère pour 7,5 millions d’euros, mais laisse quelques traces. « Lorsque l’Ajax a rencontré Groningue, les fans étaient vraiment énervés. Ils savaient qu’ils allaient partir, car c’étaient de bons joueurs, mais ils n’ont pas apprécié la façon dont ils ont agi au cours de cette période. Avec Silva, c’était pire. Il a fait la grève de l’entraînement. Avec Luis, le problème était surtout financier. Même pour moi, ça a été une période difficile à gérer. Pour Luis également » , conclut Jans. Comme s’il avait fallu ajouter une dose d’amertume à cette histoire d’amour entre le jeune Uruguayen et cette Européenne trop modeste pour retenir son immense talent.

Par Raphael Gaftarnik et Martin Grimberghs

Luis Suárez, c’est un passage à Groningue, mais c’est aussi une vie où il est question des Malouines, de bastons, d’insultes, de morsures, de cartons et surtout d’amour. Une histoire d’amour adolescente, à l’origine de tout. Une romance à lire dans le So Foot n°113, en kiosques jusqu’à la fin du mois.

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