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Pourquoi l’Espagne brandit la menace du boycott de la Coupe du monde 2026 face à Israël ?

Par Tristan Pubert
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L'Espagne a récemment menacé les instances de boycotter la Coupe du monde 2026 en cas de présence d'Israël. De l'autre côté des Pyrénées, la cause palestinienne fait consensus, à gauche comme à droite. Mais qu’est-ce qui explique ce soutien inconditionnel de l’Espagne ? Surtout, cela peut-il fait bouger la FIFA et l'UEFA ?

Pourquoi l’Espagne brandit la menace du boycott de la Coupe du monde 2026 face à Israël ?

Le mercredi 17 septembre, l’Espagne a une nouvelle fois décidé de taper du poing sur la table. Après un embargo sur les armes et le carburant, ainsi que ses nombreuses prises de position pour dénoncer le génocide en cours à Gaza, le Gouvernement ibérique a décidé d’utiliser le levier du ballon rond. Par l’intermédiaire de Patxi López, député et porte-parole du PSOE, le parti socialiste ouvrier espagnol, l’Espagne a menacé les instances internationales de football d’un possible boycott du prochain Mondial de la Roja en cas de participation de la sélection israélienne. « On peut avoir des désaccords politiques mais sur la question de la Palestine, le gouvernement est irréprochable », félicite Rocío, militante en Andalousie du parti Podemos.

Une position ferme qui fait l’unanimité de l’autre côté des Pyrénées, aussi bien dans l’opinion publique, dans les médias et dans la classe politique. « Il n’y a aucun problème ici à dénoncer le génocide qui est en cours. Et c’est vrai que d’Espagne, quand on voit comment est traitée la Palestine dans les médias et les partis politiques en France ou dans d’autres pays, on a du mal à comprendre. J’écoute la radio française tous les matins et je suis toujours choqué du traitement de la Palestine », soupire Moussa Bourekba, français expatrié à Barcelone depuis plus de dix ans et chercheur au CIDOB, spécialisé dans le Moyen-Orient.

Un soutien à la Palestine historique et consensuel

Comme le dévoilait une étude publiée par Elcano en mai dernier, près de 82% des Espagnols qualifient de génocide ce qui se passe à Gaza. Un soutien massif dépassant les clivages habituels, dénotant avec la réalité française. « Je discutais avec un oncle à moi qui est plutôt de droite. On se dispute souvent sur les questions économiques ou d’immigration, mais sur la Palestine, on ne débat même pas. Pour lui, c’est un génocide, il voit les images, les horreurs qui se déroulent à Gaza », souligne Rocío. Un soutien qui s’est exprimé notamment lors de la Vuelta, où de nombreux manifestants ont perturbé la course pour dénoncer la participation de l’équipe Israël-Premier Tech. Le Gouvernement Sánchez a par ailleurs félicité ces actions. Un contraste saisissant avec la répression à l’encontre de certains militants pro-palestiniens en France, comme relayé par Amnesty.

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« Les Espagnols ne comprennent pas cette complicité des autres pays avec Israël. Le gouvernement espagnol a de suite condamné les attentats du 7 octobre 2023, mais a aussi dénoncé le pseudo-droit de l’État d’Israël à se défendre, comprenant que ce droit était utilisé pour décimer la population palestinienne, rappelle Moussa Bourekba. L’Espagne a considéré qu’il fallait faire bloc face aux actions d’Israël en la sanctionnant économiquement. »

En mai dernier, la Commission européenne a annoncé qu’elle allait revoir son contrat d’association avec Israël. Cette demande a été faite par les gouvernements espagnol et irlandais en février 2024.

Moussa Bourekba, chercheur

Mais alors, qu’est-ce qui explique ce soutien massif de l’Espagne à la cause palestinienne ? Remontons dans le temps, jusqu’à l’époque Franco. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le dictateur est de plus en plus isolé, mis à l’écart par les autres puissances occidentales. De ce fait, Franco va alors chercher d’autres alliés et ainsi se rapprocher de nombreux pays arabes. Une époque où la cause palestinienne occupe également une place forte dans l’opinion publique (toujours le cas aujourd’hui) et dans la classe politique (moins le cas aujourd’hui), exemple avec la guerre du Kippour. L’Espagne s’aligne alors avec les positions de ses nouveaux alliés. Et c’est seulement qu’en 1986 que celle-ci reconnaîtra l’État d’Israël. « Cette reconnaissance s’explique par l’entrée de l’Espagne au sein de la communauté économique européenne », rappelle Moussa Bourekba.

Historiquement, donc, l’Espagne a toujours entretenu des liens forts avec la Palestine, même après la mort du dictateur Franco en 1975. Elle sera par exemple le premier pays européen à accueillir Yasser Arafat en 1979 et n’a pas lâché sa ligne depuis « En 2014, c’est le gouvernement de droite (Rajoy) qui a posé une motion au parlement pour reconnaître l’État de Palestine, puis c’est sous le gouvernement de Sánchez que la reconnaissance de l’État palestinien s’est fait », souligne Moussa Bourekba, qui ajoute que, au-delà de la question palestinienne, c’est surtout le respect du droit international qui prime : « L’Espagne est considérée comme un pays radical par beaucoup de voisins européens. En réalité, elle prend simplement comme boussole le droit international. Étant donné qu’Israël viole ce droit, alors que c’est un pays partenaire avec l’UE, elle se doit de le dénoncer et de s’y opposer fermement. »

« Cette menace de boycott peut être efficace »

Bien que l’Espagne reste une grande puissance mondiale, celle-ci reste pèse moins que les États-Unis, la Chine, la Russie ou encore même ses voisins européens comme la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ce qui ne l’empêche pas d’utiliser tous les canaux pour dénoncer le génocide perpétré par Israël. Moussa Bourekba : « En mai dernier, la Commission européenne a annoncé qu’elle allait revoir son contrat d’association avec Israël. Et cette demande a été faite par les gouvernements espagnol et irlandais en février 2024. L’Espagne a reconnu la Palestine il y a plus d’un an, les Français, les Canadiens, les Britanniques ou encore les Australiens ont emboîté le pas. L’Espagne tranche avec une complicité totale des autres pays européens et occidentaux. »

Mais s’il y a un bien un secteur où l’Espagne est la plus grande puissance mondiale et jouit d’une grande influence, c’est le football. Vainqueur du dernier Euro masculin, et de la dernière Coupe du monde féminine, première du classement FIFA et disposant dans ses rangs d’un certain Lamine Yamal, superstar, la Roja a repris sa place sur le trône du football mondial. Alors forcément, lorsqu’elle décide de menacer de boycott de la prochaine Coupe du monde, elle sait pertinemment l’impact que pourrait avoir cette décision. « On espère vraiment que ce coup de pression fonctionnera et que les hautes instances vont prendre cette menace très au sérieux », se réjouit Rocío. Pour cette militante et supportrice du Séville FC à ses heures perdues, le Gouvernement espagnol a vu juste en s’attaquant au football : « On est la plus grande nation de football, cette menace de boycott peut être efficace. »

Moussa Nourekba conclut : « Le gouvernement lutte contre la normalisation d’un génocide, de toutes les manières possibles. De ce point de vue, le levier du football, quand on sait la popularité de ce sport dans le monde, mais aussi du fait que l’Espagne est une grande nation, est pertinent. » Une menace de boycott qui semble avoir fait bouger les hautes instances. En effet, selon le Times, l’UEFA serait prête à suspendre la Fédération israélienne de football. Pas trop tôt.

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Par Tristan Pubert

Propos de Moussa Bourekba et Rocío recueillis par TP.

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