- CM 2010
- Zone Afrique
- Égypte/Algérie (2-0)
On était à Alger, hier soir
Rarement match de barrage aura autant senti la poudre. Égypte-Algérie, deux ennemis du Maghreb assis sur une poudrière prête à exploser de joie ou de haine pour une unique place à la Coupe du Monde. Récit d'une bataille qui n'a pas donné de vainqueur, en direct d'Alger La Blanche.
A moins d’être sourd et aveugle, une fois le pied posé sur le sol algérien, impossible de passer à côté. A l’aéroport, les plus téméraires, armés de drapeaux et maillots des Fennecs, font la queue pour obtenir un billet d’avion direction le Caire. Sur le parking, un petit groupe vert et blanc chante et danse en l’honneur de l’Equipe Nationale. En 4×3 s’affichent les têtes des héros. Idem aux arrêts de bus. A chaque coin de rue, des échoppes proposent l’attirail du parfait patriote : écharpe, poster, bracelet, mini drapeaux et autres produits dérivés. A la TV, Zizou en personne déclare en V.O : « Comme moi, supportez les Verts » . Sur la route, des enfants font du portière-à-portière pour vendre CDs gravés avec les chansons officielles à la gloire de la sélection. Enfin les klaxons, comme au mariage, symbole ici d’encouragement. C’est peu dire donc que l’Algérie bouillonne depuis un mois. Depuis la victoire 3 buts à 1 sur le Rwanda. Victoire presque synonyme de qualification. Les Fennecs sont depuis à une victoire, un nul ou une défaite par moins d’un but d’écart de l’Af’Sud. 24 ans que tout le pays l’attend.
Aujourd’hui, c’est week-end. Une heure avant le match, tout Algérois a défilé. Les rues se vident, les voitures entièrement customisées se garent, les bars se remplissent ou les invités arrivent. Maison Gaouar, librairie dans le quartier d’Hydra, la grille est baissée. Le vidéoprojecteur est branché, installé sur un petit tabouret rouge. En face, deux tringles sont accrochées au haut vent. La toile peut être tirée. Au compte-goutte, ça arrive. Chacun avec sa chaise. Les retardataires sont arrivés, l’arbitre peut siffler le début du match devant une petite cinquantaine d’Algérois. Que des hommes. Les seules dames regardent depuis l’intérieur des voitures.
A peine le temps d’applaudir la première faute sifflée en faveur de l’EN que l’Égypte score déjà. 2ème minute, but en trois tentatives, finalement conclu par Amr Zaki. Les masques tombent. Chacun craignait, ces derniers jours, ce scénario. Ce but dans les premières minutes. Pour contenir les vagues caïrotes, l’un fait les 100 pas, l’autre crache, quand le dernier préfère ne pas regarder. Tant bien que mal, le jeu se tasse. Et avec les visages reprennent des couleurs. 25ème : deux filles passent et se prennent un « C’est de votre faute si on perd » . On extériorise comme on peut. Plus rien jusqu’à la mi-temps. Pour l’instant, l’Algérie est qualifiée. Il en faut pas plus pour faire chauffer le klaxon. Par groupes de trois, on refait les 45 premières. Sauf le superstitieux. Drapeau de l’Algérie tourné vers la Mecque, il prie Allah que le score en reste là.
La deuxième démarre mieux. « Montrez-leur aux Allemands » , lâche un papa, qui a vécu l’exploit de l’Algérie 82 contre la RFA. Sur la toile, Saïfi part dans le dos de la défense rouge et tente le lob. Fausse joie d’El-Hadary, qui dévie du bout des gants en corner. Ce n’est que partie remise. Le petit pont de Meghni est fêté comme un but. « One, two, three. Viva l’Algérie ! » . Il reste vingt minutes fait-on remarquer à droite. « Vingt minutes, c’est deux heures » , répond-on à gauche. Réaliste. Les secondes se transforment alors en minutes, et les minutes en heures. Tout le monde regarde en haut à gauche, le compteur qui s’égrène au ralenti. Seules les gueules déconfites des Égyptiens filmés en gros plan lors des nombreux temps-morts font glousser. Péniblement, le chrono affiche 90. Mais le panneau du 5ème arbitre douche l’assemblée : 6 minutes.
Torture, calvaire, supplice. Un mec passe et klaxonne à la victoire. Aussitôt, l’assemblée en furie se retourne, lui intimant de retirer la main du volant. Même tarif pour le jeune bourré bedonnant qui passe, incapable d’attendre plus pour crier sa joie et dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Car ils avaient raison. On t’avait dit de la fermer. Sur l’un des derniers centres, le ballon trouve la tête démarquée d’Aboutrika. Coup de shoot dans tout ce qui passe sous le pied. Des filles en pleurs sortent du resto voisin. Les maquillages coulent d’être passé si près. La fête au village attendra. Les 2 millions d’Algérois restent chez eux. En attendant mercredi et le match d’appui en terrain neutre soudanais. Inch’Allah.
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