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Les travaux de Medhi Benatia
Dans un long entretien accordé à L’Équipe, Medhi Benatia est revenu sur ses premiers mois à l’Olympique de Marseille. Le contexte phocéen, sa méthode, sa personnalité, mais aussi son rapport tumultueux avec les instances, l’ancien défenseur n’a rien éludé. Méticuleux, comme à son habitude.

Suspendu pendant trois mois par la commission de discipline de la FFF, Medhi Benatia est de nouveau sous le feu des projecteurs, mais cette fois, de sa propre initiative. À froid, le directeur du football de l’Olympique de Marseille a soigneusement fait un point sur ses 15 premiers mois au club lors d’un entretien accordé à L’Équipe mardi, dans lequel il a exposé sa méthodologie et ses ambitions. L’ancien international marocain a aussi mesuré le chantier immense qu’il a devant lui pour rendre ses lettres de noblesse au club phocéen.
Un projet miné par des attitudes ?
Benatia ne met pas longtemps avant d’être offensif dans cette interview. Après avoir évoqué la réalité économique de l’OM, sans pour autant la déplorer, l’ancien défenseur, passé notamment par la Juventus et le Bayern Munich, a justifié ses choix lors du mercato hivernal avant de pointer du doigt l’attitude de certains éléments : « Tu recrutes un joueur sur du scouting, par vidéo, en se déplaçant à des matchs, via des échanges téléphoniques, furtifs aussi dans un restaurant, par exemple… Son caractère, tu ne le découvres qu’après la signature, souligne le directeur sportif marseillais. Au début, tout est beau, tout est rose. Mais quand le joueur commence à faire deux, trois matchs sur le banc, quand il te fait des réflexions parce qu’on lui demande plus, dans l’intensité, sur la rigueur, le travail, le sacrifice, la réaction au ballon perdu et qu’il répond : “C’est la faute de l’autre, pas la mienne”, ou “c’est le coach”, etc., là, tu te dis : ça va être plus compliqué que prévu pour en tirer le maximum. […] Si ça ne se traduit pas par des actes pendant des mois, on fait comment ? On fait semblant que tout va bien, parce qu’on les a choisis, parce qu’on ne veut pas se mouiller ? Nous, on a décidé de prendre des décisions pour améliorer les choses. »
Je vois un Nyakossi ou un Bamo Meïté qui s’entraînent pareil qu’un Gigot ou un Balerdi… Je n’avais jamais vu ça dans ma carrière. Il faut leur expliquer pourquoi on n’est pas sur le bon chemin.
Après avoir loué la mentalité de la recrue Ismaël Bennacer, il assume que l’actuel dauphin du PSG soit pris s’il le faut pour « un hall d’aéroport ». Et il va même plus loin en nommant, comme il l’avait déjà fait par le passé avec Jonathan Clauss, directement les responsables de la saison ratée l’année dernière, où le club phocéen avait terminé à la huitième place : « Quand j’arrive, je vois Aubameyang, 34 ans, un des plus grands buteurs des quinze dernières années, qui joue tous les matchs, jeudi-dimanche-jeudi-dimanche, eh bien, il s’entraîne pareil que Vitinha, qui a 22 ans et ne joue pas beaucoup. Je vois Nyakossi ou Bamo Meïté qui s’entraînent pareil que Gigot ou Balerdi… Je n’avais jamais vu ça dans ma carrière. Il faut leur expliquer pourquoi on n’est pas sur le bon chemin. »
Bouclier et taille patron
Nommé directeur du football de l’OM début janvier, Medhi Benatia sait qu’il a l’entière confiance de son président, Pablo Longoria, et de l’entraîneur Roberto De Zerbi. Un trident solide, malgré plusieurs bâtons mis dans leurs roues, même en interne, à en croire le principal intéressé. Devenu insomniaque depuis sa prise de fonction, il tient à endosser toutes les responsabilités et semble vouloir jouer le rôle d’un bouclier humain : « Jusqu’au dernier jour, je vais toujours défendre l’institution, les joueurs tant qu’ils sont défendables, mon entraîneur. Si c’est un échec, le coach, ce sera mon échec. »
Benatia ne s’en cache pas : il n’est pas à Marseille pour des années, c’est impossible selon lui. Cela demande trop d’investissement, trop de nuits blanches, et la machine à laver du foot et d’un club aussi spécial finit toujours par vous essorer. Alors, il continue d’apprendre le métier et de se prendre des murs. « Ce que j’ai vécu contre Lille… l’une des plus grosses humiliations de ma vie », assure-t-il en revenant sur l’épisode du 16e de finale de la Coupe de France face à Lille. Le personnage ne plaît pas à tout le monde, il reste considéré comme sulfureux, encombrant, arrogant, mais il déroule ici une vision claire de ce qu’est le foot aujourd’hui et surtout de ce que doit être un club comme l’OM dans un milieu insupportable. On ne sait pas trop pour combien de temps, mais l’ancien capitaine des Lions de l’Atlas ressemble au patron dont l’Olympique de Marseille avait besoin pour poursuivre son évolution.
Par Thomas Morlec