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Au Maroc, une jeunesse rugissante
D’un côté, les jeunes Marocains manifestent, de l’autre, ils remportent la Coupe du monde U20. Les situations sont plus liées que jamais dans un pays qui privilégie l’impact politique international du football aux conditions de vie de sa population.
Il ne s’est pas déplacé jusqu’au Chili, mais le roi Mohammed VI a tenu à adresser ses félicitations à la sélection U20 du Maroc, victorieuse du Mondial de la catégorie, dans la nuit de dimanche à lundi, en disposant de l’Argentine. Celui qui cristallise les tensions dans un pays, récemment marqué par d’importantes manifestations, a savouré l’engouement populaire et a souligné « une immense joie et une profonde fierté » procurées par les Lionceaux de l’Atlas.
Un soft power réussi
Après plus d’une semaine de calme, le mouvement GenZ 212 a repris la direction de la rue ce week-end, selon l’AFP*, pour protester contre l’emprisonnement de 600 sympathisants interpellés lors des premières mobilisations. Celles-ci visaient à alerter sur les conditions de vie de la jeunesse marocaine et de l’état critique des services publics locaux, jugeant que le football était devenu la priorité du Royaume. L’amertume n’a pas empêché plusieurs milliers de personnes de célébrer le titre à coups de klaxons et de feux d’artifice.
🎉 Célébrations toute la nuit à Rabat ! 🇲🇦🔥 La capitale vit au rythme du triomphe mondial des Lionceaux U20 🦁🏆 Une nuit historique pour le football marocain ❤️💚 pic.twitter.com/kyjXfT8fvq
— KoraMaroc (@AtKoraMaroc) October 20, 2025
Depuis 2009, aucune sélection africaine n’avait remporté la Coupe du monde U20, et il fallait évidemment que ça soit le Maroc. Ces dernières années, le ballon rond a un impact diplomatique pour les dirigeants. Dans la lignée d’une politique étrangère particulièrement active, le pays a réintégré, en 2017, le comité exécutif de la Confédération africaine de football après quinze ans d’absence. Un soft power allant jusqu’à l’attribution de la CAN 2025, disputée à cheval entre décembre et janvier prochains, et du Mondial 2030, aux côtés de l’Espagne et du Portugal. Les 900 millions d’euros dépensés pour la rénovation ou la construction des stades, dont la nouvelle enceinte Moulay-Abdellah de Rabat, et la mise à disposition de camps de base dans 24 hôtels luxueux pour les équipes accueillies, sont le symbole de l’ambition sans limite pour régner sur le continent africain. Et plus si affinités ?
La nouvelle place forte
Depuis l’hiver 2022, marqué par la demi-finale mondiale époustouflante de la bande de Walid Regragui au Qatar, l’appétit s’est ouvert au niveau sportif. Cette année, chez eux et menés par Achraf Hakimi, les Lions de l’Atlas auront sans doute à cœur de réparer l’anomalie historique et de remporter la deuxième Coupe d’Afrique des nations de leur histoire, 50 ans après leur unique titre majeur. La politique menée par les dirigeants marocains – Fouzi Lekjaa en tête, président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) et ministre du Budget – porte ses fruits : dernier carré de Coupe du monde, record de victoires consécutives, trois CHAN remportées entre 2018 et 2024, médaille de bronze aux JO de Paris 2024, CAN U23 en 2023, Mondial U20, Can U17 ou encore finale de la CAN féminine organisée sur son sol cette année. Ajoutez à cela les trois titres consécutifs à la CAN de futsal chez les hommes ainsi que le sacre des femmes pour la première édition en avril dernier et vous avez la recette d’une nation (sportive) qui va bien.

La GenZ 212 (nom donné à la génération née entre la fin des années 1990 et le début des années 2010 et numéro de l’indicatif téléphonique du Maroc) brille sur les terrains. Longtemps issus des centres de formation européens, entre la France et les Pays-Bas, les cracks sortent désormais aussi des académies locales. L’équipe sacrée au Mondial U20 compte ainsi dans ses rangs des joyaux du cru (Yassir Zabiri, Fouad Zahouani, formés à l’Académie Mohamed VI) comme des binationaux ayant, pour le moment, opté pour le Maroc (Gessime Yassine, Othmane Maamma, nés en France, ou Ismaël Baouf venu tout droit de Belgique), à l’image de la sélection A où se croisent Nayef Aguerd et Eliesse Ben Seghir. Avec la CAN féminine U17, qui se dispute actuellement au Maroc, et la Coupe du monde de la même catégorie, chez les garçons, en novembre, les jeunes peuvent continuer de toquer à la porte. Dans la rue, ils vont tenter de se faire entendre, car le pain et les jeux ne suffiront pas toujours.
* Samedi 18 octobre, l’AFP a écrit : « “Détenus, restez sereins, nous poursuivrons la lutte!” ont scandé quelques dizaines de manifestants rassemblés samedi à Rabat à l’appel du collectif GenZ 212, dont l’élan de la mobilisation, engagée depuis fin septembre pour réclamer des réformes sociales et politiques, paraît s’essouffler. […] Depuis le 27 septembre, le collectif, dont les fondateurs restent anonymes, organise des rassemblements pacifiques à travers le pays pour exiger des réformes dans les secteurs de la santé et de l’éducation, la fin de la corruption et le limogeage du gouvernement. Aux premiers jours de cette mobilisation initialement interdite, la police a procédé à des centaines d’interpellations. En marge des rassemblements, deux soirées ont été émaillées de heurts – faisant trois morts près d’Agadir (sud) – et d’actes de vandalisme. Selon un dernier bilan de l’Association marocaine des droits humains, plus de 600 personnes, dont de nombreux mineurs, sont détenues en attendant leur procès pour participation aux manifestations ou violences connexes. […] GenZ 212 avait appelé ce samedi à des “sit-in pacifiques”, une semaine après un discours attendu du roi Mohammed VI, qui a exhorté le gouvernement à accélérer les réformes sociales. S’il espérait une mobilisation “massive”, le mouvement semble marquer le pas. Une centaine de personnes se sont réunies à Casablanca (ouest) et Tanger (nord), d’après des diffusions en direct en ligne. »
Lamine Yamal a envisagé de jouer pour le MarocPar Enzo Leanni


























