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  • Coupe du monde 2014 – Quart de finale – Pays-Bas/Costa Rica

Moby Dirk

Par Régis Delanoë
Moby Dirk

Souvent raillée pour être composée essentiellement de gros égos, la sélection des Pays-Bas peut néanmoins compter sur un infatigable travailleur voué entièrement au collectif : Dirk Kuyt l'insubmersible, homme de l'ombre ô combien décisif dans la qualification des siens au tour précédent en jouant à trois postes différents au gré des changements tactiques gagnants de coach Van Gaal.

Dirk Kuyt, c’est d’abord une gueule. Un mec un peu rougeot, le visage pas mal cabossé par les coups reçus sur les terrains, surmonté de boucles blondes. Le genre de Néerlandais qui, dans une autre vie, aurait passé tous ses étés à Collioure, le cul vissé sur une chaise pliante sous l’auvent du camping-car, à mater sur une petite télé les exploits de la Belkin au Tour. Dirk Kuyt, c’est aussi une carrière, éminemment respectable, débutée au pays, poursuivie de manière admirable à Liverpool entre 2006 et 2012 et qui continue depuis en Turquie, sous les couleurs de Fenerbahçe. Et puis Dirk Kuyt, c’est aussi et surtout un état d’esprit exemplaire, un guerrier travailleur, le type que tout entraîneur rêve d’avoir dans son effectif. Le type aussi que tout supporter rêve d’encourager, tant il mouille le maillot et se bat sur le terrain pour faire gagner l’équipe. Si son allure dégingandée laisse penser que c’est un manche balle au pied, c’est un leurre : le vague sosie d’un autre Dirk, Nowitzki, est aussi un bon tripoteur qui s’est d’abord fait connaître des observateurs du football comme un attaquant de pointe.

« Un Playmobil qui joue au foot »

Pierre van Hooijdonk, que Dirk Kuyt remplaça à Feyenoord en 2003, le raillera gentiment en disant de son successeur : « C’est un Playmobil qui joue au foot. » Manière de dire que le grand blond à bouclettes n’est pas d’une souplesse folle. Et là oui, pour le coup, c’est vrai. Mais pas grave, il compense par une méchante générosité, louée donc d’abord du côté de Rotterdam, puis chez les Reds de Liverpool, dont les fans ne sont jamais les derniers à apprécier les joueurs à gros cœur. Repositionné au poste de milieu droit par Rafael Benítez, c’est à ce poste aussi qu’il évolue la plupart du temps depuis qu’il joue en Süper Lig turque. En équipe nationale depuis une décennie, il a su traverser les époques et les changements de sélectionneur, disputant toutes les grandes compétitions, pas forcément toujours dans la peau d’un titulaire mais comme l’indispensable élément du collectif pour aller au charbon et permettre un changement tactique. C’est ainsi qu’à 33 ans bien tassés – 34 dans moins de trois semaines –, le couteau suisse des Oranje est parvenu au Brésil à sortir du banc après deux premiers matchs sans jouer, contre l’Espagne puis l’Australie.

De défenseur à avant-centre

Car a priori, le système tactique mis en place par Louis van Gaal pour disputer cette Coupe du monde n’était pas pour lui : un 5-3-2 avec deux latéraux mais pas d’ailier. Il ne dispute d’ailleurs pas une seule minute de jeu lors des matchs amicaux et semble partir pour un tournoi avec la mauvaise chasuble à l’entraînement et à distribuer sourires et encouragements aux coéquipiers titulaires, ce qu’il sait très bien faire au passage. Mais lors du troisième match, celui des coiffeurs après les deux victoires inaugurales, Louis le pélican décide de faire tourner un minimum et de tester le vieux blond à un inhabituel poste de latéral gauche, décalant Blind au centre, Martins Indi étant forfait. Et Kuyt, en bon soldat, s’est appliqué dans le repli défensif, comme son supérieur le lui avait demandé, annihilant proprement les montées d’Isla et se contentant du minimum d’un point de vue offensif, terminant sa partie de bravoure avec des crampes, au courage. Abnégation récompensée avec une deuxième titularisation consécutive face au Mexique en 8e de finale. Un match qu’il a débuté à ce même poste de latéral gauche, avant de passer défenseur droit et de finir avant-centre !

Le chef-d’œuvre tactique de Van Gaal

« Tactiquement, (Van Gaal) est l’un des meilleurs, peut-être le meilleur, a estimé Moby Dirk à l’issue de la qualification. Peu importe le système, les joueurs savent exactement quoi faire. Il nous avait prévenus avant le match que nous pourrions passer au 4-3-3 si nous étions menés 1-0. » Et donc quand Santos a ouvert le score pour le Mexique, le dragster Memphis Depay est entré en jeu à la place du latéral droit Paul Verhaegh pour passer à une défense à quatre, avec Kuyt changeant de bord. À un quart d’heure de la fin du match, alors que ça faisait toujours 1-0 pour la Tri, Van Gaal est passé au plan C. Profitant d’un cooling break, il a demandé au bon Dirk de monter aux avant-postes aider Huntelaar, entré à la place de Robin van Persie. « C’était évidemment un système que nous avions travaillé, a expliqué Louis van Gaal avec son humilité légendaire. Nous devions jouer de longs ballons en profondeur, avec ces deux joueurs proches du but et Robben et Depay sur les ailes. »

Une 100e cape parfaite

Un choix payant : lors d’une énième offensive, Kuyt harcèle la défense adverse et provoque un corner, qui amène l’égalisation. Puis c’est le pénalty d’Huntelaar qui scelle la qualification. Van Gaal peut bomber du goitre, il a réussi son coup. Avec un coaching gagnant, des changements tactiques judicieux et bien sûr un Dirk Kuyt indispensable pour sa centième sélection tout juste. « Ça été un jour spécial pour moi, cela fait exactement sept ans que mon père est décédé, a-t-il reconnu à la fin du match. Et je suis devenu le septième joueur à atteindre les 100 sélections avec ce pays. Je ressens une émotion magnifique. » Aux dernières nouvelles, la presse néerlandaise relaie l’information selon laquelle Louis van Gaal est tombé tellement en amour du travail de son guerrier le plus brave qu’il aimerait le débaucher de Fenerbahçe pour l’emmener avec lui à Manchester United à l’issue du Mondial.

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