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Mais qu’est-ce que fout le FC Gueugnon ?
Une saison en D1, une Coupe de la Ligue, un président nommé Tony Vairelles et puis, plus rien. Mais qu'est donc devenu le club forgeron un an et demi après sa liquidation judiciaire ? Éléments de réponse.
8 avril 2011, une date qui donne encore la nausée aux amateurs de football en Saône-et-Loire. Ce jour-là, le tribunal de commerce de Mâcon prononce la liquidation judiciaire du FC Gueugnon, tout juste 71 ans après sa création. Un laps de temps pendant lequel on peut distinguer les 65 ans de progression constante des sphères amateurs au professionnalisme – les principaux faits de gloire étant une extraordinaire longévité en L2 et la Ccoupe de la Ligue 2000 – des dernières années d’une gestion calamiteuse. Une petite mort que beaucoup attribueront à deux hommes : Jean-Philippe Demaël, investisseur qui gérait le club en sirotant des caïpirinhas depuis le Brésil, et Tony Vairelles, l’ancien pro venu tel un messie mais à la tête d’un « clan », avec toutes les connotations que cela comporte.
Alors quand tout le monde se barre et laisse l’institution jaune et bleue en plan à l’été 2011, le tableau n’est pas franchement beau à voir, comme précise celui qui a accepté de reprendre la barre de la présidence, Bernard Canard : « C’est simple, il n’y avait plus rien. Plus de joueurs, plus d’équipes, plus de budget, il ne restait que l’association, menée par des anciens joueurs et fidèles du club. » Lui qui a plutôt l’habitude de mettre les morts sous terre – il est à la tête d’un des principaux fabricants de cercueils en France et en Europe – le voilà désormais obligé d’en ressusciter, ce qu’il va s’atteler à faire. Car s’il n’y a plus une thune en caisse à ce moment-là, c’est aussi en partie car le club a suscité une véritable désaffection au fil de la dégringolade : « Lors de la descente en National en 2009, beaucoup de partenaires nous ont quittés. Certains sont restés, mais après quelques mois de gestion Vairelles, beaucoup ont aussi résilié avec le FCG. Au moment de la liquidation, il n’y avait plus que quatre ou cinq partenaires. »
Le projet de trois anciens
Dès lors, Bernard Canard et son équipe prennent donc leurs bâtons de pèlerin pour reconquérir les cœurs déçus. Car une chose et sûre : sans billets, pas de nouveau départ, y compris en division d’honneur Bourgogne. « Nous sommes aujourd’hui revenus à un chiffre oscillant entre 70 et 80 partenaires, dont certains nouveaux, preuve que les gens croient en notre projet. » C’est précisément ce projet qui pourrait d’ailleurs permettre à Gueugnon de retrouver son lustre d’antan. Fini les entrepreneurs de l’autre bout du globe ou les anciens pros pleins aux as pour gérer la barque, l’heure est au retour à la terre, au local, au vrai. Le club fait le choix de se reposer sur les forces du cru et de reconstituer la petite PME avec des ouvriers du coin : « Pour rebâtir des équipes, nous nous sommes servi des jeunes qui n’avaient pas quitté le club, mais aussi d’anciens éléments évoluant au niveau régional dans les clubs alentours, qui n’avaient pas eu leur chance ici auparavant » détaille Bernard Canard, qui confie les rênes de l’équipe à Vincent Stropoli, ancien ailier ayant fait l’essentiel de sa carrière à Jean-Laville.
Malgré le départ de ce dernier à l’été 2012, la nouvelle identité forgeronne va se voir boostée d’un cran avec l’arrivée conjointe de trois anciens pros, le portier Richard Trivino et les deux défenseurs Éric Boniface et Philippe Correia. « Avec Richard et Phillipe, nous habitions encore Gueugnon et lorsque Vincent s’en est allé, on a émis le souhait de revenir ensemble, Richard et Philippe sur le terrain, moi sur le banc, pour tenter de faire remonter en deux ans le club en CFA2 » raconte Boniface, qui fut de la folle finale face au PSG au début du siècle. En jouant sur l’attachement aux couleurs, ceux-ci convainquent encore des anciens du club de revenir au bercail pour tenter d’atteindre leur objectif. Ainsi, ils seront nombreux, à l’instar de Flavien Michelini, dont nous vous avions raconté les tribulations en Asie en septembre, à revenir aux sources pour se joindre à l’aventure, tant humaine que sportive.
Quid de la formation et du soutien populaire ?
Avec ses trois contrats fédéraux, les Gueugnonnais sont à l’heure actuelle invaincus et plus que jamais en course pour rejoindre le niveau national. Encore faudrait-il pouvoir l’assumer face à la lourdeur du chantier actuel. « Si on progresse sportivement, il nous faudra mettre les moyens financiers en face. Alors peut-être qu’on atteindra le CFA2, voire la CFA à moyen terme, mais au-delà… Le tissu économique local nous permettrait guère mieux, à moins qu’on trouve un ou deux sponsors d’échelle nationale ou qu’on procède à un regroupement avec d’autres clubs du coin » pose le président Canard, rejoint dans cette analyse par Éric Boniface : « Vous savez, je reçois pas mal d’appels d’anciens du club qui souhaitent revenir bosser et aider le club. Sauf que dans la région, il y a peu de boulot et le club ne peut pas encore se permettre financièrement de les employer. » La sinistrose ambiante, couplée à une situation géographique plongeant ce coin sud de la Bourgogne dans la diagonale du vide, pourrait donc empêcher de revoir tout ce petit monde à haut niveau, malgré des infrastructures qui n’ont rien à envier à certains clubs de L1.
Il en est de même pour ce qui est de la pépinière à champions. Si Romain Alessandrini, Aly Cissokho ou Romain Genevois sont les produits les plus récents de la formation forgeronne, pas sûr que ces derniers aient des successeurs, comme l’explique Éric Boniface : « Du bricolage ? Oui, c’est un peu ça pour le moment. Nos équipes de jeunes sont revenues en ligue, donc on n’a plus le même vivier qu’auparavant. Aujourd’hui, on a six apprentis et on espère passer à dix l’an prochain. Par contre, avec une montée en CFA2, c’est certain qu’on aurait une meilleure attractivité sur les jeunes de la région. » Question popularité, elle est aussi à redorer après avoir atteint le pic de désamour peu avant la liquidation du club et des affluences de 100 spectateurs en National selon Bernard Canard : « Le public a souvent été gâté par la L2, voire la L1, mais aussi les beaux parcours en coupe, alors forcément, quand on revient en DH. Malgré tout, avec une moyenne de 500 spectateurs, on reste l’un des plus suivis à ce niveau. Mais il est évident que ça sera un vrai défi que de faire revenir les gens au stade dans le futur. »
par Arnaud Clement