Déroulons ta carrière : formation à la Real Sociedad comme, après toi, Antoine Griezmann ?
Oui, je me suis fait repérer lors d’un tournoi de jeunes auquel je participais avec la sélection basque (Gomes est natif de Bayonne, Ndlr). À l’issue du tournoi, la Real m’a proposé d’accompagner l’équipe pour participer à un nouveau tournoi, à Tenerife cette fois. Ça s’est super bien passé et j’ai donc été retenu pour intégrer la formation. Je suis resté 5 ans en tout à San Sebastián, jusqu’à m’entraîner avec l’équipe première.
Et tu n’as pas pu y percer au final ?
Non, j’ai joué quelques matchs de Coupe du Roi, quelques apparitions en championnat, mais sans jamais pouvoir y être titularisé. Il faut dire qu’à cette époque, l’équipe de la Real était composée de gars du calibre de Xabi Alonso, Karpin, Kovačević, Nihat, Mikel Alonso, etc. C’était donc quasiment impossible de l’intégrer pour un petit jeune comme moi. Tant pis, j’ai quand même effectué une bonne saison avec la B, ce qui m’a permis de signer un contrat de 3 ans avec Salamanque en 2007. Problème : après deux saisons, le club a commencé à avoir de gros problèmes financiers – il a même disparu aujourd’hui – et il m’a fallu faire mes bagages.
C’est vraiment la panade dans l’Espagne du foot ces temps-ci ?
Oui carrément, l’Espagne est dans une énorme crise au niveau du paiement de ses joueurs. Mis à part si tu joues en Liga, plus bas c’est vraiment pas ça. Donc moi, j’ai dû rompre mon contrat avec Salamanque en acceptant de leur laisser l’argent qu’ils me devaient et je me suis mis à chercher un autre club. J’ai d’abord eu un accord verbal de la part d’Hercules, mais il a été rompu à cause de mon ancien agent, qui s’est montré trop gourmand…
Tu finis par atterrir en Italie…
Oui, le club de Pescara me propose un super contrat, donc j’y vais. Puis ensuite direction un deuxième club italien, la Juve Stabia, avec lequel je participe à la montée en Serie B. L’Italie franchement, je n’en garde que des supers souvenirs. La Juve Stabia pour te situer, c’est à dix minutes de Naples, donc je te laisse imaginer l’ambiance que c’est au stade… Le public, c’est tout de suite dans les extrêmes : t’es bon sur le terrain, t’es un dieu, t’enchaînes les défaites et c’est l’enfer. J’ai été épargné, étant donné que la première année, on monte et, la deuxième, on réussit à se maintenir.
Elle se concrétise comment, la passion des supporters italiens ?
C’est de la folie. Quand je suis arrivé, le club venait tout juste de descendre de Serie B en D3. Un nouveau directeur a été nommé, et il a fait le pari de placer comme coach un ancien joueur du club et de faire confiance à un groupe de nouveaux joueurs, dont moi. En arrivant là-bas, j’ai eu des échos de la saison précédente, celle de la descente, et c’était terrible. Des voitures cassées, des joueurs déshabillés à la sortie du stade par des supporters estimant qu’ils ne défendaient pas assez les couleurs du club et qu’ils ne devaient donc pas continuer à porter le survêt… Donc la nouvelle saison commence et après 3 journées, on ne récolte qu’un point. Direct, ça commençait à chauffer pour nous. Au stade, c’est 12 000 personnes. Même en D3, tu les sentais énervés, frustrés de la saison précédente. Heureusement, entre joueurs on a réussi à se serrer les coudes et à assurer la montée en Serie B deux matchs avant la fin du championnat. Là, du coup, au fil de la saison, l’ambiance a changé du tout au tout. Tu te balades en ville, on te paie le café, on te file du pain, des fruits, des légumes… En gros, t’es soit un héros, soit… Soit c’est chaud pour ta tronche !
Et l’Italie, c’est moins la crise qu’en Espagne ?
Oui, sauf que l’Italie a créé un système qui empêche énormément de joueurs étrangers de rester pour un long bail. Je t’explique : chaque club qui fait le choix de faire jouer un jeune Italien reçoit une somme d’argent de la Fédération. Une somme cumulable. Donc à l’heure actuelle, à part en Serie A et les trois ou quatre de Serie B qui jouent la montée, toutes les équipes jouent avec cinq ou six U21, en sacrifiant en priorité les postes de latéraux, où moi je joue. Il m’a donc fallu me résoudre à quitter l’Italie.
Corfou, c’est super, avec des maisons de stars !
La dernière étape en date de ton périple des pays méditerranéens, c’est la Grèce, où tu joues depuis 2012. Tu y es allé sans hésitation, malgré la crise ?
De ce point de vue, les Grecs sont très différents des Français. Oui, c’est sûr que c’est la grosse crise là-bas, mais en fait, au quotidien, on ne le ressent pas vraiment. Il faut dire que pour ce qui est du football, si certains clubs ont effectivement d’énormes problèmes financiers, ce n’est pas le cas du mien, l’AO Kerkyra, qui joue la montée avec à sa tête un président puissant qui paie assez bien ses joueurs. D’ailleurs, nous sommes en tête de la D2 depuis la première journée et on est actuellement en train de disputer les play-offs de promotion. C’est un nouveau mini-championnat à huit équipes qui démarre, avec deux montées directes et une troisième équipe qualifiée pour un barrage contre une équipe du bas de tableau de la Superleague – la première division – de cette saison.
D’un point de vue personnel, comment ça se passe pour toi ?
Pas mal du tout, au niveau des stats, j’en suis à 5 buts et 7 passes décisives. J’ai été élu meilleur arrière droit du championnat et j’ai récemment prolongé mon contrat. Les dirigeants l’ont souhaité, car différents clubs de Superleague veulent me prendre à la rentrée. On verra de quoi l’avenir est fait, mais je ne m’inquiète pas. L’idéal serait de rester en Grèce encore une saison pour découvrir la Superleague. Si j’arrive à me montrer, ça pourra m’ouvrir des portes. Déjà en janvier, j’ai refusé une offre d’Ukraine en provenance de Crimée, avec le club de Simféropol qui évolue en D1. Mais avec tous les problèmes qu’il y a là-bas en ce moment, j’ai pas osé.
Tu m’étonnes…
Ouais et pourtant, c’était une super offre. L’affaire n’était pas loin de se faire. Début janvier, j’étais en discussion avec mon président et mon agent. Un montant avait été fixé pour le transfert, le président était ouvert à la discussion… Et c’est là que les problèmes en Crimée ont commencé. De là, j’ai appris que l’entraîneur grec en poste là-bas et qui me voulait était parti. Ça m’a refroidi, donc on a finalement trouvé un accord avec Kerkyra pour continuer ensemble avec un très joli contrat à la clé.
Dis-donc, en fait, Kerkyra, c’est le nom de l’île de Corfou, non ? Ça va, tu te mets bien ?
Oui, ça va ! Corfou, c’est super, très touristique, avec des maisons de stars, il n’y fait jamais froid. Franchement, le cadre est idéal, j’ai pas à me plaindre.
Donc j’imagine que c’est aussi pour cela que, la crise en Grèce, tu la ressens moins ici qu’ailleurs dans le pays ?
C’est vrai… Et puis comme je te disais, la mentalité ici est bien différente d’en France, où faut bien reconnaître que les gens adorent se plaindre. Tu vois, ici, la Grèce est plongée dans une crise bien plus grave qu’en France, mais la population garde sa sympathie, son ouverture, sa joie de vivre… Ils sont positifs.
T’as pas l’air des masses pressé de rentrer en France…
Si, j’aimerais bien, mais peu de gens me connaissent, alors c’est moins facile. Et puis ça dépend quelle offre on peut me proposer aussi. À un moment, j’étais en contact avec Pascal Gastien, l’entraîneur de Niort. C’était il y a deux ans, il était intéressé par mes services. Le souci, c’est qu’à l’époque, Niort n’avait pas l’accord de la DNCG, donc même si Monsieur Gastien a insisté, ça n’a finalement pas pu se faire. Dommage, car c’est pour moi un des meilleurs coachs de France, il n’y a qu’à voir les résultats de cette saison pour s’en rendre compte. Son amour pour Niort a un peu freiné sa carrière d’entraîneur, mais il mérite de découvrir la Ligue 1 et je croise les doigts pour que le club monte cette saison.
Dernière chose : qui vas-tu supporter pour la Coupe du monde ? France ou Espagne ?
Pas de grosses préférences en fait, moi je suis de Bayonne et j’aimerais qu’un jour, on nous laisse jouer avec l’équipe du Pays basque !
Theo Hernandez, le prince de la vrille