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Dans la famille Kluivert, on demande Ruben le laborieux
Parmi la pléthore de joueurs recrutés par l’Olympique lyonnais au cours d’un mercato low-cost, entre paris surprenants et noms jusqu’alors inconnus au bataillon, surgit un blase rutilant : celui de Kluivert. Fils de Patrick et frère de Justin, Ruben est donc le troisième de sa famille à découvrir les joutes de la Ligue des talents. Alors qu’il devrait connaître sa première titularisation sous ses nouvelles couleurs lors du déplacement des siens à Utrecht, son club formateur, peut-il définitivement tuer le père ?

Le véritable baptême du feu en bonne et due forme de Ruben Kluivert avec l’Olympique lyonnais fut une bataille vertement perdue trois buts à un dans les derniers instants. Après une entrée contre le FC Metz, déjà battu à plates coutures, et une apparition d’une poignée de secondes pour profiter d’un succès déjà bien engagé contre l’OM, voilà que se présentait enfin à Ruben l’occasion de faire ses classes, en pleine mission commando : un point du nul à préserver, en infériorité numérique, contre le Stade rennais, revenu dans le match quelques minutes plus tôt. Résultat, le grand Batave s’est fait avoir comme un bleu par Kader Meïté, 17 balais, lequel s’est offert le luxe de le faire tourner en bourrique dans un mouchoir de poche avant de décocher une praline heureusement déviée au fond des filets lyonnais, puis de s’envoler quelques minutes plus tard sous les yeux ébahis de la recrue pour parachever le succès rennais. Reprochable sur les deux buts : une défense naïve, pataude, empruntée du fils de Patrick. Au point de se demander ce que les recruteurs lyonnais ont trouvé au défenseur central de 24 ans, si ce n’est son joli minois ou son nom clinquant renvoyant directement aux 40 buts en 79 sélections avec les Oranje du paternel.
17 years old. Kader Mëité. ❤️🔥 pic.twitter.com/E6bTHh1DRd
— Ligue 1 English (@Ligue1_ENG) September 14, 2025
Ce recrutement a « un peu surpris » son ancien coach chez les U21 utrechtois, Darije Kalezić, « même si, dans le même temps, l’Étoile rouge de Belgrade, qui joue également l’Europe, était venue aux renseignements ». L’actuel entraîneur du TSC Backa Topola, en Serbie, développe : « On parle d’un joueur qui peut prétendre au très haut niveau, avec un immense potentiel. » Pourtant, celui-ci ne saute pas aux yeux au départ. Débarqué chez les Rouge et Blanc en 2022, Kalezić est censé aider les jeunes à intégrer le collectif d’Eredivisie : le cas de Ruben n’est pas le plus simple à gérer.
Je me suis demandé comment on pouvait juger un jeune sans rien mettre en place pour qu’il performe.
Embarqué avec l’équipe fanion pour la prépa, le cadet Kluivert n’a pourtant le droit qu’à une pauvre titularisation et quelques bouts de matchs en début de saison avant de faire l’ascenseur entre l’équipe une et la réserve, engagée en D2. « Ça ne lui a pas permis de progresser comme il aurait dû, on ne lui a pas vraiment laissé sa chance, témoigne le coach néerlando-bosniaque. J’avais fait deux heures de route pour aller voir sa première titularisation contre le FC Emmen. L’entraîneur a choisi de modifier complètement son système de jeu, en plus de l’aligner avec un autre jeune en défense central. Ça a un peu perturbé Ruben, il a perdu quelques ballons, et n’a plus eu sa chance par la suite. Je me suis demandé comment on pouvait juger un jeune sans rien mettre en place pour qu’il performe. » Score final, une défaite trois buts à deux chez le promu, et un train manqué : on a connu piston plus efficace.
Se faire un prénom au Portugal
Pour rattraper le temps perdu et son temps de jeu famélique en Eredivisie, Darije n’hésite pas à le nommer capitaine de l’équipe réserve, qui termine bonne dernière de l’Eerste Divisie. « C’est un bon gars, au grand cœur, même si en jeune, il pouvait être un peu trop facile, juge Darije. En même temps, avec un tel nom, les portes s’ouvrent plus facilement. À l’époque, je ne dirais pas qu’il était égoïste, mais il était un peu plus porté sur lui-même. Il faisait un peu selon ses envies, ce qui l’empêchait d’être suffisamment à l’écoute. Mais il a évolué, s’est adapté, et est devenu un joueur collectif, un véritable capitaine. »
S’imaginer qu’on puisse faire carrière simplement par son nom, c’est de la jalousie.
Son âme de leader naissante ne suffit pas à lui ouvrir la porte de l’étage du dessus. « Il a clairement été mal utilisé à Utrecht. Je pense qu’aux Pays-Bas, tout le monde le jugeait sans raison objective, uniquement parce qu’il est le fils d’un footballeur célèbre. Son frère Justin est aussi parti à l’étranger pour faire carrière, et être jugé par le seul prisme de ses performances, sans que l’on suspecte un rôle de ses parents », désespère encore Kalezić. Finalement, Ruben décide de tenter sa chance 60 bornes plus au Sud, toujours en deuxième division néerlandaise, du côté de Dordrecht. Après une saison en tant que titulaire, bien que tronquée par une blessure à la cheville, le voilà qui met les voiles vers le Portugal, direction Lisbonne, la première division et Casa Pia.
Chez la reine du Tage, Kluivert s’impose comme un titulaire, bien qu’encore gêné par quelques pépins physiques. « C’est un mec très avenant, qui a une joie de vivre incroyable, tout sourire du début à la fin de la journée, peu importe qu’il joue ou non. C’est un bonheur d’avoir un mec comme ça dans son groupe, rejoue Jérémy Livolant, son coéquipier la saison passée chez les Casapianos. Son nom, ça a pu être une pression supplémentaire pour lui. Après, s’imaginer qu’on puisse faire carrière simplement par son nom, c’est de la jalousie : si un mec n’a pas les qualités, il ne passera jamais le cap. Ruben, franchement, c’est un mec qui a toutes les qualités pour s’imposer en Ligue 1. Il est très rapide, puissant, technique. »
Un népo-baby, vraiment ?
Mais lui, sent-il le poids de son patronyme ? « Il se considère comme une personne lambda, il ne parle jamais de ça. Si on ne connaît pas son nom avant de lui parler, on ne se douterait jamais que c’est le fils de quelqu’un de célèbre, il est super simple, humble, abonde l’ancien capitaine guingampais, avant de souligner un des avantages à être le rejeton de Patrick. Il a une vraie maturité. Il n’a que 24 ans, mais il donne l’impression d’en avoir plutôt 27 ou 28. Il est en avance, tu sens qu’il connaît le monde du football par cœur, qu’il a baigné dedans. S’il a signé à Lyon, s’il a été la vente la plus importante de l’histoire du club (3,78 millions, NDLR), s’il a grimpé si vite en Ligue 1, ça ne peut pas être du piston. » Un avis auquel adhère entièrement Darije Kalezić : « On ne peut absolument pas dire que ce soit un népo-baby. Au contraire, ce nom, il n’en a pas tiré bénéfice, car il a un gros potentiel, mais a été mal jugé en raison de son père célèbre. » Le meilleur moyen de le prouver, c’est de réussir en France, pays dans lequel le frère Justin (6 buts en 31 matchs à Nice) et surtout le père Patrick (joueur éphémère à Lille, directeur du football transparent au PSG) n’ont qu’assez peu brillé.
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