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PSG-OM : Le chant de la discorde
Chaque saison, à l’approche de la rencontre entre le Paris Saint-Germain et l’Olympique de Marseille, un chant continue de défrayer la chronique : celui des rats. Mais ces dernières saisons, l’assimilation entre « rats » et « Marseillais » a régulièrement été pointée du doigt par les instances du football français. Décryptage.

« Dans la boue, y a les rats / Dans les égouts, les rats / Ils sont partout, les rats / Ce sont les Marseillais ! » C’est l’histoire d’une chanson, populaire parmi les supporters parisiens et ressortie chaque saison à l’approche des Classiques, qui suscite la polémique. D’un côté, les Marseillais crient au racisme. De l’autre, les Parisiens plaident volontiers le chambrage à propos de l’hygiène de la ville. Si beaucoup ne comprennent pas le problème des paroles de ce chant aujourd’hui, il est pourtant l’héritage d’un discours colonial débutant au moment de la conquête de l’Algérie.
Le racisme colonial en héritage
La connotation raciste du terme « rat » n’est pas nouvelle et relève du racisme colonial, particulièrement prégnant au XXe siècle. On parlait alors de « ratons » (jeunes rats), un terme qui vise à animaliser sous forme d’injure les populations colonisées. C’est, aussi, la dénomination sous laquelle les nazis désignaient les populations juives pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est donc en dérivant du terme « ratons » qu’est né celui de « ratonnades », à savoir « une expédition punitive ou brutalités exercées contre des Maghrébins » selon le Petit Robert. Au moment de la guerre d’Algérie, puis des évènements survenus sur le territoire français après l’indépendance algérienne, les ratonnades se sont multipliées au cours des années 1960 à 1980, et l’histoire de la ville de Marseille a été particulièrement marquée par ces phénomènes. D’abord avec la rafle qui s’est déroulée au Vieux-Port les 22, 23 et 24 janvier 1943 par les nazis accompagnés de la police collaborationniste afin de nettoyer les quartiers adjacents avant leur dynamitage en février 1943. Puis lors de l’année 1973, en parallèle du premier choc pétrolier, où les violences racistes envers des immigrés maghrébins se sont multipliées dans le sud de la France et en particulier dans la cité phocéenne.
"On vivait dans la terreur": il y a 45 ans, à Marseille, une série de ratonnades ensanglantent la ville https://t.co/DaNx0MUc0u #AFP par @beckerin_AFP pic.twitter.com/1hFxjwLBLD
— Agence France-Presse (@afpfr) February 16, 2018
C’est dans ce contexte sociétal, en marge de la rivalité grandissante entre le PSG et l’OM, qu’est né ce qui est désormais connu comme « le chant des rats » lancé depuis la tribune Boulogne. Selon Sébastien Louis, docteur en histoire contemporaine et spécialiste du supportérisme, le racisme de ce chant ne fait aucun doute : « Le terme “rats” est un des nombreux vocables xénophobes pour désigner les populations maghrébines en France, et évidemment, dans ce chant cette parole est une référence aux Marseillais. Alors il suffit de se souvenir des blagues racistes sur la ville de Marseille, qui est une ville qui connaît et qui a toujours eu de par son histoire une forte population immigrée. Bien sûr, ce terme se réfère à l’idée que les Marseillais ne seraient pas véritablement des Français, mais uniquement des Maghrébins. » Jusqu’à la mise en place du plan Leproux à la suite de la mort de Yann Lorence, en marge du Classique du 28 février 2010, les groupes qui peuplaient la tribune Boulogne étaient pour la plupart adeptes d’une idéologie d’extrême droite, comme l’explique Sébastien Louis : « On le voit dès le début des années 1980, plus précisément en 1985, lors d’une interview de quelques membres du Kop de Boulogne lors de PSG-Toulouse par Charles Biétry. Ceux-ci affichent clairement leurs opinions d’extrême droite, et la mouvance d’extrême droite a, depuis le milieu des années 1980, été représentée au sein du Kop de Boulogne. »
Un caractère raciste dilué avec le temps ?
Depuis, les tribunes du Parc des Princes se sont recomposées, à la faveur du plan Leproux et de l’arrivée des Qataris. C’est désormais le Collectif Ultras Paris, posté au sein du virage Auteuil, qui règne en maître sur l’animation du stade depuis le retour des ultras en 2016. Un collectif qui réunit en son sein plusieurs groupes de supporters, rappelle Sébastien Louis. « Le CUP est une émanation plutôt récente, et n’affiche pas véritablement d’idéologie à proprement parler, selon l’auteur d’Ultras, les autres protagonistes du football. Sa population est bien plus représentative de la banlieue parisienne et c’est une identité multiculturelle qui se reflète à Auteuil, qui est l’inverse de celle qui était voulue par Boulogne, c’est-à-dire une identité blanche. » Pour autant, ce sont bien les supporters d’Auteuil qui lancent aujourd’hui ce chant. Pour Mathéo Moreau, abonné au Parc des Princes et fidèle supporter du PSG, « est-ce que le chant a une histoire raciste ? Oui. Est-ce que le chant, aujourd’hui, est prononcé par des racistes et a une connotation raciste ? Non. Après, est-ce qu’il faut le changer ? Libre interprétation aux gens qui le lancent, c’est-à-dire au CUP, et ils ont manifestement fait le choix que non. » Une vision que partage Nicolas Hourcade, sociologue et spécialiste du supportérisme : « De manière générale, les ultras cherchent à dénigrer leurs adversaires dans leurs chants ou sur leurs banderoles. Pour les supporters parisiens, traiter les Marseillais de “rats” est un moyen de les discréditer. Cette insulte pouvait aussi avoir une dimension raciste quand elle était utilisée par des supporters du Kop de Boulogne, dont une minorité active était ouvertement nationaliste. En revanche, pour les ultras du virage Auteuil aux origines diverses, il n’y a pas d’intention raciste derrière cette injure. Mais la volonté de dévaloriser leurs adversaires, de manière cinglante. »
Au stade, l’émotion doit se transmettre avec des engagements forts. Envers notre club, nos joueurs, et l’esprit de ce sport que nous aimons tant. #SupportersSupportons pic.twitter.com/jNYj6hSmPG
— Paris Saint-Germain (@PSG_inside) March 15, 2025
Un droit à l’injure que réclament également les supporters niçois, épinglés à l’occasion du derby face à Marseille en janvier pour une banderole qui a fait scandale. Pour Mathéo Moreau, élève avocat dans le civil, c’est un chant populaire parmi les supporters parisiens car il est connu de tous et possède un rythme entraînant : « Je pense que c’est un chant entraînant, que tout le stade connaît. Il n’y en a pas beaucoup, trois ou quatre. Le terme “rats”, c’est juste un terme péjoratif. Est-ce raciste ? Peut-être dans son origine, mais plus aujourd’hui quand il est prononcé par les gens qui le prononcent : ce n’est pas pareil s’il est chanté par quatre mecs skinheads de Boulogne ou par tout le stade. » Pour Sébastien Louis, en revanche, « le caractère raciste est nié par les personnes qui le chantent ». L’excuse trouvée pour désigner l’hygiène de la ville resterait même « un cliché véhiculé par l’extrême droite, il est trop facile de s’abriter derrière le fait qu’il s’agisse juste d’un chant partisan alors qu’il y a tout un contexte historique derrière celui-ci ». Nul doute qu’en tribunes, le spectacle sera au rendez-vous. Sur le terrain en revanche, rien n’est moins sûr.
Véronique Rabiot : « Tout le monde a peur du PSG »Par Léna Bernard, à Paris
Tous propos recueillis par LB