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Les Anglais tirent de nouveau les premiers

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Des types qui roulent gauche, qui tutoient tout le monde au royaume des bonnes manières, forcément, ça appelle le paradoxe. Et le dernier en date vaut son petit pesant de cacahuètes. Alors que l’on dit la Premier League internationalisée comme jamais, aux mains des investisseurs de tous vents, ce sont bel et bien les indigènes qui tirent leur épingle du jeu, notamment au classement des buteurs. On se pince et pourtant : le meilleur réalisateur actuellement du championnat d’Angleterre s’appelle Jermain Defoe. Certes, l’attaquant de Tottenham partage le strapontin avec l’inamovible Didier Drogba mais avec un ratio supérieur à l’Ivoirien : 11 pions en 12 matches (11 titularisations) pour Defoe, contre 11 en 13 titularisations pour DD.

Un leadership d’autant plus parlant que derrière le Spur, deux autres Anglais, Wayne Rooney (10 buts) et Darren Bent (9), figurent dans le top cinq des meilleurs réalisateurs de l’exercice actuel. Evidemment, à première vue, l’affaire ressemble à un épiphénomène. Sauf que peut-être pas. Car cela fait dix ans que les représentants de STGM (Sa Très Gracieuse Majesté) n’avaient pas été à pareille fête, si l’on excepte la saison 2005-2006 où Bent, Rooney et Lampard figuraient bien dans le quinté mais tous devancés par Thierry Henry et Ruud Van Nistelrooy

Après Shearer, le néant

Dix ans de disette donc A l’époque, les punishers insulaires s’appelaient Kevin Phillips, Alan Shearer, Andy Cole et Michael Brigde, le cinquième larron du quintet gagnant étant le Trinidadien Dwight Yorke, presque un local de l’étape (arrivé en Angleterre à moins de 18 ans). En cette saison 1999-2000, difficile donc d’imaginer que la première décennie du troisième millénaire va rationner les buteurs anglais au pain sec et à l’eau. Encore que… Sans faire injure aux performances furtives de Phillips et Bridge, l’idée du déclin à venir est sans doute à dénicher dans le talent vieillissant de Cole et surtout de Shearer. Le taulier de Newcastle peine à reprendre le contrôle d’un classement qui fut sa chose entre 1993 et 1996. D’autant que l’ancien capitaine de l’équipe d’Angleterre ne le sait peut-être pas mais le royaume est à l’aube d’une nouvelle ère. L’argent qui afflue outre-manche commence à attirer de vraies stars en puissance et plus seulement d’anciennes hypes sur la jante (type Ravanelli, Vialli…).

Thierry Henry débarque à Heathrow fin 1999 tandis que Ruud Van Nistelrooy atterrit à Manchester en 2001. On ne le sait pas encore mais ces deux là annoncent le début de la la fin pour le cheptel bovin national. De 2002 à 2006, ils trustent le classement des buteurs, quatre fois pour le Français, une pour le Néerlandais, toujours au coude à coude, loin devant tous les autres, notamment les finisseurs d’Albion. On l’a dit la génération Shearer (avec Cole, Wright, Les Ferdinand…) a depuis longtemps dépassé sa date de péremption, Robbie Fowler s’est mazouté tout seul dans les pubs du pays, alors Michael Owen, successeur présumé de la vieille garde, retrouve ses béquilles à peu près tous les six mois… les bonnes saisons. Forcément dans ce contexte, il ne faut pas trop en demander à des James Beattie et autres Andy Johnson pour faire mieux que semblant de temps à autres. Car ces gars-là, aussi braves soient-ils, sont limités. C’est qu’avec son cortège de vedettes étrangères et d’entraîneurs importés, la Premier League a diablement changé.

Les sacrifices de Rooney

Les équipes de tête ont bazardé le bon vieux kick’n’ rush des familles au grenier pour laisser la place à un jeu bien plus continental, éminemment tactique. Forcément, pour exister dans ce championnat désormais bien plus compétitif, le coefficient technique exigé pour les attaquants culmine à des niveaux encore jamais vus sur l’île. Avec cette nouvelle donne, Heskey, Vassel et autres pieds carrés sont surtout là pour ouvrir des brèches, tout au physique ou à la vitesse de course. Heureusement, dans ce paysage sinistré pour la production made in England, Wayne Rooney émerge et laisse entrevoir des jours meilleurs. Sauf qu’au même moment, débarque à Manchester un autre petit nouveau, tout aussi vorace, un poil plus talentueux et surtout bien plus égoïste : Cristiano Ronaldo. Plus dédié à l’intérêt de son équipe, Rooney prend rapidement l’habitude de se sacrifier pour l’homme de Madère. Une vraie plaie en vérité. Car alors que s’esquissait la fin de la partie de tennis entre Henry et Van Nistelrooy, et peut-être l’opportunité pour les ressortissants du royaume d’enfin briller en première ligne, le dribbleur portugais prend le relais avec Didier Drogba et bientôt Fernando Torres dans le hit des buteurs.

Alors quoi ? Une malédiction insoluble pour les Anglais ? Pas sûr car dans l’ombre de ces caïds, les nationaux ont fait tranquillement leur gamme et assimilé ce sport nouveau, fait de mouvement, de jeu sans ballon, de roublardise, si éloigné au départ de leur ADN naturelle. Et aujourd’hui, dans les pas d’un Rooney hors norme à la base, Defoe, Bent, Agbonlahor (7 buts cette saison) semblent à leur tour en mesure de réciter leur partition au plus haut niveau. Même s’il ne faut pas non plus rêver. Cette embellie aux avant-postes doit beaucoup au départ de Ronaldo et aux blessures à répétition de Torres (10 buts en 10 matches quand même), comme un doute sur les aptitudes réelles anglaises. D’ailleurs, parmi ces nouveaux Beatles, seul Rooney évolue dans un club du Big Four. Un signe… et un avertissement : si le Mancunien se blesse, Capello et l’équipe d’Angleterre se retrouveront de nouveau dans la panade. Une habitude depuis plus de dix ans. Et si, au fond, rien n’avait vraiment changé ?

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