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Le PSG à Poissy : un poison pour les ouvriers de l’automobile

Par Tom Binet et Julien Faure
11 minutes

Poissy ou Massy. Les villes en lice pour accueillir le futur grand stade du PSG ne sont officiellement plus que deux. Dans la commune des Yvelines, l’annonce ne fait pas que des heureux. À Stellantis, les 2 500 salariés craignent que l’implantation du club de la capitale ne s’accompagne d’une fermeture pure et simple de l’usine du géant de l’automobile.

Le PSG à Poissy : un poison pour les ouvriers de l’automobile

« Depuis plusieurs mois, le Paris Saint-Germain a engagé une démarche exploratoire visant à identifier des sites potentiels pour l’implantation de son futur stade. […] Une nouvelle étape s’ouvre aujourd’hui. Le club est désormais prêt à approfondir ses études sur les communes de Massy et de Poissy, en lien étroit avec les partenaires locaux. » Une dizaine de jours à peine après son triomphe de Munich, le 10 juin précisément, le tout récent champion d’Europe tournait déjà le regard vers l’avenir. Le processus devant aboutir à la construction d’un nouveau stade franchissait alors un pas important : parmi les nombreuses villes candidates pour accueillir l’enceinte, deux seulement restaient en lice (et se rapprochaient donc du but).

Si le communiqué précisait également que les Rouge et Bleu se laissent jusqu’à la fin de l’année 2026 (avec au passage des élections municipales qui pourraient rebattre les cartes ici et là), cela constitue indéniablement une victoire pour les deux communes heureuses élues. Une bonne nouvelle accompagnée de très nombreuses interrogations, notamment à Poissy. À quelques kilomètres seulement du centre d’entraînement flambant neuf inauguré il y a à peine deux ans, c’est sur le site de l’usine Stellantis, de plus en plus inquiète pour son avenir, que le PSG envisage de s’installer.

Comment c’est loin

Sur le papier, le projet a de nombreux atouts : un ancrage local largement renforcé dans l’ouest de la capitale et un espace à même de permettre au club de développer son ambitieux projet. Mais dans les faits, les incertitudes sont nombreuses. Après presque une heure de transport depuis le centre de la capitale, c’est une gare en plein relooking qui accueille actuellement le visiteur à Poissy. Car en plus du RER A et de la ligne J depuis Saint-Lazare, la ville s’apprête à être également desservie par le RER E d’ici 2027. Suffisant pour acheminer en temps et en heure les 60 000 à 90 000 spectateurs attendus vers le PSG Land ? Les autoroutes qui traversent la commune devraient aider, mais là encore : wait and see les soirs de grande affluence. Mais le sujet qui préoccupe de plus en plus depuis la remontée folle de Poissy dans la course à la carotte ces derniers mois concerne surtout l’avenir de l’usine de Stellantis, dernier site de production automobile d’Île-de-France.

On peut mettre combien de Parc des Princes ici ? (Capture d’écran Google Maps)
On peut mettre combien de Parc des Princes ici ? (Capture d’écran Google Maps)

Dans son communiqué, le PSG promet des « études approfondies », notamment d’un point de vue environnemental, social et économique. Ces deux derniers points risquent de bien l’occuper dans les mois qui viennent. Si dans la version officielle, les champions de France ne rachèteraient qu’une partie des 170 hectares industriels qui longent la Seine, le doute qui plane sur la pérennité du site fait craindre autre chose. Sur place, les 2 500 salariés (ainsi que les milliers de sous-traitants dépendant directement de l’activité de l’usine) s’inquiètent depuis plusieurs mois déjà. L’Opel Mokka, principal modèle construit à Poissy, s’arrêtera en 2028 et pour l’heure, rien n’est gravé dans le marbre pour la suite. « Il y a vraiment une inquiétude dans l’usine. Même avant d’entendre parler du PSG, le fait de ne pas avoir de projet de nouveau véhicule, c’était inquiétant, confie Fabrice Jamart, délégué syndical central à la CGT. Le discours de l’entreprise, c’est que le stade serait construit sur les terrains inoccupés. » Soit une vaste étendue de parkings à perte de vue entourant l’usine.

Un stade construit sur un cimetière industriel ?

Le comité social et économique extraordinaire organisé le 20 mai dernier pour évoquer le sujet n’a pas permis d’y voir plus clair, et encore moins de rassurer les syndicats. « C’est l’opacité totale avec la direction concernant les informations sur l’avenir de l’usine et ces négociations avec le PSG. Ce qu’on apprend, c’est à travers la presse. En interne, on s’achemine vers une fermeture, regrette Jean-Pierre Mercier, salarié de l’entreprise depuis 30 ans et dirigeant syndical chez Sud. On a toutes les preuves sous nos yeux que la direction ne prépare pas de nouveau projet. Si on ne fabrique plus de véhicules à l’usine de Poissy, ça annonce la fermeture. S’il devait y avoir cette tarte à la crème qui consiste à dire qu’il faut réindustrialiser le site, moi je suis un ancien d’Aulnay (site de l’usine historique de PSA, fermé en 2014, NDLR), on nous a baladés de réunion en réunion pour finalement ne rien avoir. »

Il y a un avantage énorme pour Stellantis à vendre au Qatar, c’est que c’est un acheteur unique. […] Une seule vente, on ferme la porte et on s’en va.

Jean-Pierre Mercier, dirigeant syndical SUD

Porte-parole de Stellantis, Jean-Charles Lefebvre tente d’apporter quelques précisions par mail : « Des études autour de pistes de diversification seront lancées, notamment dans l’emboutissage, la logistique, la préparation de batteries et l’économie circulaire. Ces études se feront en associant les organisations syndicales du site de Poissy. » Et concernant le maintien d’une activité de production automobile ? « Pour l’instant, il y a un certain nombre de pistes, et des groupes de travail vont réunir les représentants du personnel pour travailler dessus dès la rentrée. » De son côté, la maire de Poissy, Sandrine Berno Dos Santos, a appelé dès le lendemain de l’annonce officielle du PSG à la mise en place d’un comité de pilotage réunissant « l’ensemble des acteurs locaux ».

Sur place en revanche, personne ne semble vraiment croire à une possible cohabitation avec l’un des plus grands clubs d’Europe. « C’est une usine extrêmement vieille, construite dans les années 1930, délabrée et dans laquelle plus aucun investissement n’est fait. Que cela cohabite avec les hôtels et restaurants de luxe du PSG, personne n’y croit, tranche Mercier. Il y a un avantage énorme pour Stellantis à vendre au Qatar, c’est que c’est un acheteur unique. Ils ont l’expérience de PSA Aulnay, où le terrain était à peu près similaire, et où ils ont mis cinq ou six ans à le vendre à la découpe avec à chaque fois de nouvelles négociations. Là, c’est un acheteur unique, une seule vente, on ferme la porte et on s’en va. » Autre élément qui inquiète les salariés : l’inauguration du « grEEn-Campus », complexe high-tech avec bâtiments végétalisés et munis de panneaux solaires, tout juste sorti de terre pour accueillir quelque 8 000 employés du secteur recherche et développement de Stellantis. De quoi faire craindre une équation dans laquelle les emplois industriels menacés pourraient être remplacés par autant de nouveaux postes dans le tertiaire ?

« On ne produira sans doute plus de voitures à Poissy »

Avec ce projet de nouveau stade, c’est aussi une importante bataille politique qui va se jouer et dont les soutiens seront particulièrement scrutés, alors que le divorce entre la Mairie de Paris et le club a déjà été largement médiatisé. Pour le moment, le sujet a été pris à bras-le-corps par Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France. Si elle n’aura vraisemblablement pas grand-chose à dire à l’heure de l’ultime décision, elle a décidé de se placer au centre de l’échiquier et a vraisemblablement choisi son camp : le PSG doit venir à Poissy. Si, via un communiqué de presse, la région a soutenu les deux candidatures, Valérie Pécresse a, sur le plateau de Franceinfo, affiché sa préférence pour la commune des Yvelines de façon à peine camouflée : « Ça ne peut pas être Stellantis ou le PSG, ça doit être Stellantis ET le PSG. Il ne peut pas y avoir de projet du stade du PSG à Poissy sans un projet industriel fort. » Un choix qui s’explique par plusieurs raisons, notamment, et assez paradoxalement, de créations d’emplois.

Cette dernière a même souhaité mettre la pression sur l’entreprise quant à une sauvegarde de la production industrielle : « On ne produira sans doute plus de voitures à Poissy, comme on ne produit plus de voitures à Flins. Mais Stellantis est en train de travailler, et je l’exige, sur un projet industriel qui créera de l’emploi durable. […] Si Stellantis nous propose un très beau projet industriel pour son site de l’usine de Poissy, alors la région sera favorable à ce qu’on puisse aussi avoir le PSG sur le site. » Avec pour leitmotiv de « revitaliser le territoire de la vallée de la Seine », Pécresse se pose ainsi comme une fervente supportrice de l’implantation du PSG à Poissy, à condition de conserver l’activité industrielle. Tout autant qu’elle semble mieux informée sur le sujet du futur de l’usine que les salariés eux-mêmes.

Dans la même veine, les municipales à venir pourraient largement rebattre les cartes, puisque Karl Olive, ancien maire de Poissy lors de la construction du nouveau centre d’entraînement et candidat en 2026, a toujours été un fervent défenseur de l’activité industrielle, son père ayant même travaillé dans l’usine. Sur les ondes d’Europe 1, il avait d’ailleurs publiquement souhaité que le club reste dans son « berceau » du Parc des Princes.

Syndicats prêts au combat

Reste qu’aujourd’hui, les syndicats n’entendent pas pour l’heure l’histoire de la même façon. De leur côté, une cohabitation entre le PSG Land, son stade flambant neuf et ses hôtels de luxe, et une activité industrielle relève de l’utopique. Jean-Pierre Mercier se montre ainsi convaincu qu’un nouveau stade signifierait la fin des haricots : « Les sous-traitants nous disent que dès la rentrée, il va y avoir une baisse de production importante, des équipes vont être démantelées. C’est l’accélération de la mise en place du plan de fermeture de l’usine, indique-t-il. Les élus et Stellantis, qui est un empire industriel, négocient avec le Qatar, ça pèse lourd. Il nous semble qu’il y a de très fortes chances que le stade arrive à Poissy, et si c’est le cas, il engloutit l’usine. » Et ne lui parlez pas des potentiels emplois de R&D sauvegardés. « Ça n’a rien à voir avec de la production industrielle. Surtout, ils viennent du vieux centre de R&D de PSA à l’origine, à Vélizy », s’insurge le syndicaliste.

Il y a 2 500 emplois à Poissy, notre seule demande, c’est qu’en 2029, il y ait encore 2 500 emplois, au minimum.

Fabrice Jamart, délégué syndical central CGT

Difficile de trouver plus d’optimisme chez Fabrice Jamart. « Alors qu’on avait une réunion stratégique sur les trois prochaines années, qui concernait aussi le site de Poissy, ils ne nous ont rien dit. On l’a appris dans la presse plus tard », se désole-t-il, tout en rappelant que son syndicat pousse toujours pour trouver une solution et avoir des réponses, alors que des demandes de droits d’alerte économique, permettant aux membres du CSE de demander des explications à l’employeur dans des situations spécifiques, ont été refusées. « À chaque réunion, on réclame un projet et ils ne veulent rien nous dire. “On y travaille, on y travaille…” Mais y travailler, c’est pas quand l’usine sera fermée… » D’autant que la direction prise par les prochaines échéances de l’usine n’a rien de rassurant quant à une possible volonté de conserver un site industriel : « La nouvelle Mokka, elle va être faite à l’étranger, donc on aurait très bien pu la faire à Poissy, poursuit Jamart. Il suffit de réinjecter quelques millions et de réactualiser les lignesOn aurait pu faire un nouveau véhicule, électrique ou hybride. Il y a 2 500 emplois à Poissy, notre seule demande c’est qu’en 2029 il y ait encore 2 500 emplois, au minimum. » Et si quelques bruits de couloir font écho d’un site de démantèlement de voitures, pas question de tomber dans la crédulité, « c’est pareil, à côté d’hôtels de luxe… »

Mais le syndicaliste CGT annonce la couleur, pas question de baisser les bras pour autant : « On n’est pas défaitiste, on va engager la bagarre avec les salariés et la CGT pour exiger que l’usine reste. Notre priorité, PSG ou pas, c’est l’emploi. En soi, on n’a rien contre le Paris Saint-Germain, c’est Stellantis qui a les terrains. » Des propos que Mercier ne renierait pas : « Pour l’instant, notre bataille n’est pas contre le stade du PSG, en revanche si le stade veut dire que l’usine est engloutie, que l’on n’a aucune garantie et qu’on part avec zéro, là ça va remuer. » Et si l’entreprise parle de réunion avec les syndicats, Jamart attend toujours d’en entendre parler. « On a pas de date définie, mais on sera obligés de faire des actions »,  indique-t-il. Finalement, si le PSG n’est pour l’instant pas dans l’œil du cyclone, Jean-Pierre Mercier résume assez bien ce qui l’attend, lui qui a déjà mené un rassemblement devant le conseil régional d’Île-de-France en juin : « Est-ce que le Qatar est prêt à construire son PSG Land en massacrant des milliers d’emplois ? Ça va être le débat des prochains mois. »

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Par Tom Binet et Julien Faure

Tous propos recueillis par TB et JF, sauf mentions.
Photos : Tom Binet.

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