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Rassoul Ndiaye : « Je me sens libéré »
À seulement 23 ans, Rassoul Ndiaye s’impose comme une révélation du Havre AC en Ligue 1. Ses performances lui ont valu d’être rappelé en sélection sénégalaise après presque deux ans d’absence pour affronter le Brésil (ce samedi à 17h) et le Kenya (mardi à 16h) en amical. Formé à Sochaux, passé par le karaté et porté par ses racines sénégalaises, il raconte son ascension, ses ambitions et sa vie au Havre.
Tu es le comeilleur buteur du Havre en Ligue 1 avec trois buts. C’est pas commun pour un milieu central. Comment tu expliques ça ?
Franchement, c’est génial de commencer comme ça. L’année dernière, j’ai eu du mal à m’imposer en tant que titulaire régulier, mais cette saison, tout a changé. Je me sens libéré. Ces moments où je marque, c’est comme une décharge d’adrénaline. Le premier but à Monaco, en ouverture du championnat (défaite 3-1, NDLR), m’a donné une confiance énorme, et les suivants (contre Nice, victoire 3-1, et Rennes, nul 2-2) sont venus naturellement. Mais ces trois buts sont surtout le fruit d’un travail collectif. Sans le jeu de l’équipe, je ne pourrais pas performer autant. Et actuellement, je sens que l’équipe compte sur moi avec un rôle important dans l’entrejeu.
Tu t’attendais à ce que ce soit aussi difficile de se faire une place en Ligue 1 ?
C’est un autre monde, par rapport à la Ligue 2 que j’ai connue avant. Mon arrivée au Havre en 2023 n’a pas été simple : changement de club, de région, loin de ma famille à Besançon et de Sochaux, où j’ai tout connu depuis mes 13 ans. J’étais seul, l’adaptation a pris du temps. Mais aujourd’hui, j’ai gagné en maturité.
Comment gères-tu la pression et les exigences de la Ligue 1, surtout dans les matchs tendus ?
Il faut trouver les ressources mentales pour rebondir, comme face à Rennes (2-2) et Nantes (1-1). Avec l’équipe, on se parle beaucoup en groupe, on se motive, on est solide et on est conscient que chaque rencontre est une bataille pour le maintien. En plus avec Didier Digard, on a un coach qui pousse à jouer vers l’avant, ça correspond à mon style naturel.
À ce propos, Didier Digard t’a relancé de manière spectaculaire. Comment s’y est-il pris ?
Dans sa carrière de joueur, le coach jouait milieu de terrain, donc naturellement, il m’a beaucoup aidé à m’améliorer dans mon jeu. Il m’a redonné de la confiance en me montrant qu’il compte sur moi. Et sur le terrain, il me pousse à être plus offensif, il dit que j’ai les qualités pour me projeter. Ça me plaît, donc je le fais sans forcer. Il m’a aussi parlé des aspects de mon jeu à améliorer ou à développer pour répondre présent à chaque fois qu’il fait appel à moi sur le terrain. J’ai pris ça comme un défi personnel. J’ai aussi changé grâce au travail fait avec un préparateur mental et un coach de performance, avec qui je fais des séances supplémentaires, notamment des spécifiques devant le but. Je surveille aussi mon alimentation pour maximiser mes chances et éviter certaines méformes ou blessures et ça paie pour le moment : puisque je suis plus endurant, je récupère les ballons plus haut.

Tu viens d’une famille de footballeurs. Cela t’a-t-il influencé ?
Pas forcément, même si le foot est omniprésent dans ma famille. À Castor, un quartier de Dakar, mes oncles ont brillé dans les équipes de navétanes (championnat populaire des quartiers, NDLR). Mon père a joué à un niveau modeste, ma mère adore le football, et l’un de mes cousins, Moustapha Name, est champion d’Afrique avec le Sénégal (en 2021). Aujourd’hui, je peux dire que j’ai inspiré mon petit frère, qui joue à Besançon Foot.
Toi le milieu polyvalent, qui a pu t’inspirer ?
Plus jeune, j’adorais Andrés Iniesta, j’aime sa créativité, sa façon de jouer intelligemment, à donner le tempo du match. À mon poste, je regarde beaucoup N’Golo Kanté et Idrissa Gueye dans leur abattage à la récupération du ballon, mais également leur placement pour anticiper et couper court le jeu adverse.
Aujourd’hui, le karaté m’aide pour la discipline mentale et la gestion du stress en match. Physiquement, ça m’a forgé pour les duels.
Tu as longtemps pratiqué le karaté, et tu étais même plutôt prometteur dans ce domaine avant de choisir le foot. Comment as-tu fait ce virage, et qu’est-ce que ça t’apporte aujourd’hui ?
C’était ma première passion plus jeune. J’étais bon, avec un bel avenir en compétition au Club Sauvegarde de Besançon. J’ai même remporté la Coupe de Franche-Comté. Mais en 2014, quand j’ai rejoint le centre de formation de Sochaux, je me suis consacré au football. Avec ma famille, la décision était claire, et ils m’ont soutenu. Aujourd’hui, le karaté m’aide pour la discipline mentale et la gestion du stress en match. Physiquement, ça m’a forgé pour les duels. Sans regrets, même si j’aime encore regarder des combats, voire du MMA parfois.
Pourquoi Sochaux, alors que Saint-Étienne était aussi une option ?
Mes parents ne voulaient pas que je m’éloigne trop, et le centre de formation de Sochaux avait une excellente réputation. Beaucoup de joueurs avec qui j’étais là-bas, comme Ibrahima Konaté (Liverpool) ou Lucien Agoumé (FC Séville), ont atteint le très haut niveau. Ce choix a porté ses fruits : j’ai progressé vite, signé mon premier contrat pro à 17 ans et disputé plus de 90 matchs en Ligue 2. Sochaux, c’est mon cocon. J’y ai tout appris, de la N2 à la Ligue 2.
En 2021-2022, tu as remporté le premier trophée de « Pépite de la saison » en Ligue 2. Un tremplin pour ton ascension.
Être élu meilleur jeune de Ligue 2, ça validait tout le travail accompli, et voir la fierté sur le visage de mes formateurs n’avait pas de prix. C’était magique. J’ai développé là-bas les bases du footballeur que je suis devenu aujourd’hui : la technique, le mental, l’humilité. Les coachs, leurs staffs et mes coéquipiers m’ont toujours poussé dans ce sens. En 2023, quand Le Havre est monté en Ligue 1, c’était l’opportunité pour moi de découvrir l’élite. J’avais 21 ans, je voulais me confronter au niveau supérieur. Certes partir a été dur, car Sochaux, c’était mon club de cœur, mais le transfert était bénéfique pour le club, qui était en difficulté financière, et pour ma progression.
J’ai la double culture et j’ai connu un rassemblement avec les U17 de la France, mais mon cœur a toujours penché pour le Sénégal.
Tu es devenu international espoir sénégalais en 2022, puis tu as connu ta première cape avec l’équipe A en 2024. Qu’est-ce qui t’a poussé à choisir le Sénégal plutôt que la France ?
C’était un objectif clair. J’ai la double culture et j’ai connu un rassemblement avec les U17 de la France, mais mon cœur a toujours penché pour le Sénégal. Mes racines et ma famille sont là-bas. J’ai répondu sans hésiter à la convocation des U23 pour un amical contre le Maroc. En 2024, ma première sélection en A contre le Bénin a été un moment fort. Représenter les Lions, c’est perpétuer l’héritage familial et rendre fier tout un peuple.
Ce match contre le Bénin est jusqu’alors ta seule sélection, mais tu viens de faire ton retour dans la liste après 19 mois d’absence. Comment as-tu vécu cela ?
C’est vrai, je suis resté de longs mois sans sentir ce maillot sur la peau, ainsi que l’ambiance dans la Tanière. Sincèrement, je n’ai pas de mots assez forts pour décrire cela, mais j’étais très content et fier d’être appelé. Maintenant, à moi de tout donner pour ne plus quitter le groupe.
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Comment appréhendes-tu la rencontre contre le Brésil, que vous rencontrez en amical ?
C’est une grande nation du football. Nous avons beaucoup de respect pour ce qu’ils sont et ce qu’ils font, mais nous sommes le Sénégal. On ne va pas venir faire du tourisme. On jouera notre football et tenter de continuer notre série d’invincibilité (le Sénégal reste sur 26 matchs sans défaites dans le temps réglementaire toutes compétitions confondues, NDLR).
Quelles sont tes ambitions aujourd’hui ?
Tout faire pour être dans le groupe pour la CAN 2025. Ce serait magique de disputer aussi la Coupe du monde l’été prochain. Je vais continuer à travailler dur en club, et le choix final reviendra au sélectionneur.
Et en club, sachant que tu es dans ta dernière année de contrat ?
Pour l’instant, je suis focus sur Le Havre. Je veux m’imposer comme un pilier du dispositif et aider le club à assurer le maintien le plus tôt possible. Pour le reste, mon agent s’en occupera. De mon côté, je suis serein et focalisé sur la saison en cours.
Comment te sens-tu au Havre, loin des projecteurs des grandes métropoles ?
Au début, j’étais un peu dans mon coin. Besançon et Sochaux, c’était familial, animé. Le Havre, c’est plus calme, maritime, mais j’adore. Le stade Océane est top, les supporters sont chaleureux. En dehors de mes séances d’entraînement, je regarde des séries, des mangas, du foot à la télé. C’est reposant, ça aide à se concentrer sur le football. Avec l’équipe, on forme une famille : on sort, on rigole. C’est parfait pour progresser sans pression inutile.
France ou Sénégal : Robinio Vaz a fait son choixPropos recueillis par Marcel Sambou



























